Tunisie : En quoi sommes-nous vraiment aptes pour l'exercice de la démocratie ?

Qu'est-ce qui fait que notre jeune démocratie se fait violer devant nos yeux et que nous restons là, hébétés, incapables de rien entreprendre pour lui venir en aide ?

Il y a deux raisons au moins. La première est que nous avons été nourris, pendant de longues générations, à une culture de la suspicion face à l'autre, de sorte que celui qui pourrait être aujourd'hui un partenaire à la fois dans l'aventure démocratique et dans la défense de la démocratie quand celle-ci est en danger, nous le réduisons, sans même y penser, à un hérétique, un traître à la patrie, un vendu à l'étranger... Il y a quelque chose de quasiment pavlovien dans cette conduite et le processus de déconditionnement est plus long qu'on ne croit.

La seconde raison est que, en matière de défense de la démocratie, nous n'avons pas le savoir-faire. Nous pouvons être assez exemplaires quand il s'agit de montrer à quel point les idées qu'on professe sont conformes aux exigences de la démocratie, ou que les valeurs auxquelles on s'identifie sont en bon accord avec les grands principes d'une modernité ouverte sur le monde. Nous sommes excellents quand il s'agit donc de faire bonne figure, mais dès que l'affaire se complique, dès que nous sommes requis pour faire preuve d'audace et de sagacité dans l'action, afin par exemple de contrer une menace ou de créer les conditions d'une meilleure appropriation, c'est la désolation du désarroi qui révèle notre vrai visage.

Nous devrions nous dire que si être un bon élève de la démocratie, c'est ne pas être capable de la défendre, c'est donc que quelque chose est sérieusement à revoir.

Et tant de choses sont en effet à revoir : voilà d'ailleurs le profit que nous pouvons tirer de cette potion amère que nous ingurgitons au quotidien depuis des mois et des mois... En quoi sommes-nous vraiment aptes pour l'exercice de la démocratie ?

Si nous parvenons à faire une place à cette question dans nos méditations, nous nous serons préparés à acquérir le savoir-faire qui nous manque, et donc à nous armer aussi contre tout viol qui surviendrait dans l'avenir.

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