Solidaire avec Mohamed Boughalleb en y mettant une dose de circonspection…

Dans la tradition du journalisme, le vedettariat relève plutôt de la dérive. Un journaliste est un ouvrier de l'ombre : il signe son travail, comme fait parfois l'artisan sur son œuvre. Façon de dire qu'il en assume les qualités mais aussi les défauts.

L'adepte du vedettariat brise ce contrat tacite entre le journaliste et son public. Il devient un séducteur. En ce sens qu'il ne se contente pas de séduire par la qualité de son œuvre, mais qu'il engage sa personne.

Là où le journaliste n'attire à lui que pour renvoyer au seul culte qui vaille - celui de la vérité-, le journaliste-vedette attire à lui pour qu'on se fie à lui plutôt qu'à la vérité. Il a ses adeptes, ses fidèles, sa secte pour ainsi dire. Et voilà pourquoi il se croit obligé de prendre des positions politiques : celles dont il pense qu'elles vont le renforcer en tant que chef de clan. Alors qu'en agissant de la sorte, il devient juge et partie et perd donc sa légitimité à prétendre apporter au public une information vraie. Même quand l'information qu'il sert est sincère, on est en droit et même dans l'obligation de douter qu'elle le soit.

C'est pour cette raison que j'exprime ma solidarité avec Mohamed Boughalleb en y mettant une dose de circonspection. Puisqu'il est évident qu'il incarne avec d'autres ce type de journalisme qui vire au vedettariat.

Pour autant, je tiens à me démarquer violemment d'un discours qui revient à considérer qu'il n'a que ce qu'il mérite. Dire cela, c'est donner un blanc-seing à une politique de persécution des journalistes dont le dernier souci est la bonne santé du secteur de l'information, puisqu'on l'a vue s'en prendre à d'autres journalistes à qui la seule chose qu'on pouvait reprocher était de défendre la cause de la vérité en toute humilité mais sans concession.

Et puis, il y a vedette et vedette : il y a celle qui surfe sur la vague du populisme avec un sens aigu de l'opportunité, et une exigence proportionnellement inverse de moralité pour capter le maximum d'admirateurs béats et stupides, et il y a celle qui n'hésite pas à s'exposer au péril du moment, à prendre la vague à revers au risque de s'en trouver culbuté, à faire rimer talent et sens du sacrifice : les deux ne se confondent pas.

Or il semble bien que Boughalleb, depuis quelques mois au moins, représente plutôt la deuxième catégorie de vedettes, n'en déplaise à tous ceux qui gardent une dent contre lui et chez qui le ressentiment tient lieu de pensée.

En rappelant le danger que représente en général le système du vedettariat dans le domaine du journalisme, on est plus à l'aise pour saluer des exemples de conduite qui démentent la règle générale. Ce qu'on salue, ce n'est pas une vedette, mais un usage sain et courageux qu'un journaliste fait de son statut de vedette.

La circonspection n'empêche pas une solidarité totale et, encore moins, l'expression du mépris qu'on voue à la politique qui cherche à faire taire les voix critiques parmi les journalistes.

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