Ainsi donc, la France se décide enfin à rejoindre le peloton des pays qui ont reconnu l’État de Palestine. À vrai dire, il s’agit encore d’une simple annonce : « On doit aller vers une reconnaissance et donc, dans les prochains mois, on ira ». Voilà ce qu’a déclaré le président français dans l’avion qui le ramenait récemment du Caire à Paris. On parle du mois de juin comme échéance probable. Ce qui correspond à la conférence internationale prévue ce mois au siège des Nations-Unies, à New-York.
Qu’est-ce qui empêchait jusque-là le « pays des droits de l’homme » de faire ce pas que d’autres, y compris dans le camp occidental, auront fait bien avant lui ? Sa crainte d’Israël et de ses puissantes ramifications mondiales dans l’univers des médias, du lobbying et de la politique ? Sans doute. Son analyse selon laquelle la présence du Hamas à Gaza, dans sa double facette politique et militaire, serait une pierre d’achoppement à tout projet de paix entre Palestiniens et Israéliens ? On peut aussi le penser. Ce qui conforterait d’ailleurs l’idée que ce qui se passe à Gaza depuis le 7 octobre 2023 n’est pas, de son point de vue, entièrement fâcheux… Que c’est en quelque sorte une catastrophe utile. Voilà qui expliquerait la tiédeur des réactions officielles face à l’ampleur du drame humain qui se déroule.
Mais un point est à retenir des déclarations faites par Emmanuel Macron. Il est question d’après lui de soutenir une « dynamique ». Quelle dynamique ? Une dynamique de reconnaissance qui concernerait aussi bien l’État de Palestine que l’État israélien par les pays qui n’ont toujours pas encore reconnu ce dernier État, à savoir en particulier les pays arabes… La dynamique, c’est l’autre nom du marchandage : je reconnais l’État de Palestine, mais vous, de votre côté, vous reconnaissez l’État d’Israël.
La chose pourrait être raisonnable dans des circonstances ordinaires, dès lors en tout cas qu’on a admis le principe selon lequel le peuple juif a besoin d’une terre à lui et que, pour différentes raisons liées au passé et à ses racines bibliques, cette terre ne peut pas se trouver en dehors de la terre de Palestine.
Les circonstances ordinaires seraient que l’action par laquelle les Juifs se sont octroyé la terre devant servir à accueillir leur État est une action civilisée. Sans baigner dans un utopisme candide, on sait bien que, en pareille situation, le terme « civilisé » peut difficilement équivaloir à « pacifique ». On ne chasse pas des populations de leurs terres sans qu’il y ait résistance, avec ou sans arme. Mais ce à quoi on a assisté est tout autre chose qu’une réponse mesurée. Et les événements de Gaza ne sont eux-mêmes que l’expression plus franche et plus sanglante d’une politique conquérante et dominatrice dont la barbarie le dispute à ce qu’on a connu de plus sordide dans l’histoire de l’humanité.
Est-ce l’État qui s’est rendu coupable de pareils crimes contre un peuple frère qu’il s’agit pour nos gouvernants de reconnaître dans sa légitimité ? Est-ce qu’il n’y a pas là une évidence qui crève les yeux, que pareille reconnaissance sonnerait comme un blanc-seing aux massacres et aux humiliations ?
De quelle dynamique parlons-nous ? Ou faut-il maintenant piétiner les sentiments des peuples arabes après avoir laissé piétiner le peuple palestinien tout son soûl ?