Noël... Un sauveur nous est né, dit la liturgie chrétienne.

De quoi ce sauveur nous sauve-t-il ? Il nous sauve de l'ancienne malédiction en raison de laquelle nous sommes voués à la mort, nous tous êtres humains. Il nous sauve en nous donnant la "Vie éternelle".

Pour le musulman, cependant, il semble que ce propos n'ait pas de sens. Parce que, selon le dogme, la foi porte sur l'existence de Dieu, sur celle des anges, sur l'autorité des Livres révélés, sur celle des prophètes, sur le destin, mais aussi sur le jour du jugement.

Croire dans le jour du jugement, c'est croire que la mort est un intermède. Mais une mort qui n'est qu'un intermède n'est pas vraiment une mort. Elle n'en a plus la profondeur tragique…

Bref, le musulman est déjà sauvé de la mort dès lors qu'il croit. Ce dont il n'est pas sauvé, c'est d'une éternité qui serait d'expiation ; c'est de la souffrance éternelle qui viendrait en châtiment des actions mauvaises commises durant l'existence terrestre.

Voilà donc pourquoi il ne se sent pas vraiment concerné par le geste du sauveur, en quoi il aurait tendance à deviner un arrière-fond d'incroyance. En ce sens que pour s'appréhender soi-même comme sauvable, il faut, en tant qu'homme, se penser comme livré à la mort, irrémédiablement. Ce qui n'est pas le cas du croyant en général et du croyant musulman en particulier.

Toutefois, cette remarque ayant été faite, on peut se demander si l'ancienne querelle islamo-chrétienne n'a pas creusé le fossé au-delà de ce qui est permis. Dans une des sourates les plus brèves, mais aussi les plus denses, il est quand même dit que l'homme est en perdition. Le texte ajoute : sauf ceux qui ont cru, qui ont agi conformément au bien, qui se sont recommandés de la vérité et qui se sont recommandés de la patience... Que signifie que l'homme en général soit en perdition, indépendamment de toute action ? Peut-on concevoir que, du point de vue de Dieu, l'homme soit d'emblée voué à l'enfer ? Non ! Quelle est donc cette perdition primordiale dont l'homme n'est sauvé que par la foi, la bonne action, la parole vraie et la patience ? Qu'est-ce qu'elle peut être sinon le néant de la mort ?

Le souci de se démarquer de la sphère chrétienne de pensée ne devrait pas nous faire passer à côté de cette dimension de la parole islamique, qui fait justement que l'idée d'un salut et d'un sauveur reprend sens pour nous.

Dès lors, il devient possible de se demander en quoi la venue de Jésus, dont les Chrétiens fêtent la naissance, peut dire la même chose que "la foi, l'action bonne, la parole vraie et la patience". Où se situe le point d'équivalence entre l'événement de la naissance de Jésus et l'engagement de l'homme tel que rappelé par ladite sourate du point de vue de notre mort comme horizon de notre existence ?

Noël... Une question à méditer, si nous ne voulons ni tomber dans une forme de mimétisme superficiel avec le sapin et ses cadeaux, ni tourner le dos d'un air suffisant et suspicieux qui, semble-t-il, a peu à voir, sinon avec la foi, du moins avec la bonne action, la parole vraie et la patience.

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