Dialogue islamo-chrétien : et si l’Afrique ouvrait une nouvelle voie ?

Vu de loin au moins, le dialogue islamo-chrétien donne l’impression d’être à la peine. On ne se doute pas des enjeux qu’il revêt. Raison pour laquelle peu de gens s’enthousiasment de ses progrès ou, à l’inverse, se désolent de ses blocages.

Pourtant, si on prend la peine d’y réfléchir, on se rend compte sans mal des grands bouleversements auxquels ce dialogue pourrait donner lieu à l’échelle de la planète entière dès lors qu’il parviendrait à dépasser le stade des méfiances et ouvrir sur une dynamique nouvelle des points de convergence. Bien sûr, cela suppose, de part et d’autre, une capacité à reformuler certaines positions dogmatiques, à y introduire une profondeur telle qu’elle puisse échapper à la rigueur forcée des définitions théologiques sans nécessairement renoncer à l’essentiel du message : au contraire, en se servant de la confrontation pour inaugurer de nouvelles perspectives de lecture.

L’islam et le christianisme, du reste, ont derrière eux un lourd passé de dénigrement réciproque, de volonté d’invalider la vérité de l’autre, auquel il ne suffit pas aujourd’hui de tourner le dos en toute bonne conscience pour se libérer de l’obstacle secret qu’il constitue…

Aujourd’hui, mardi 28 octobre, a lieu au Vatican une rencontre interreligieuse à laquelle on a donné le nom « Marcher ensemble dans l’espérance ». Le programme, nous apprend le journal en ligne Vatican News, « comprend de la musique, des témoignages personnels et des représentations culturelles célébrant l’unité dans la diversité ». Sont attendus à cette rencontre les représentants des différentes religions, dont la musulmane bien sûr, mais aussi ceux des « religions traditionnelles africaines ».

À vrai dire, le choix de la date d’aujourd’hui n’a rien de fortuit. Il s’agit de marquer la naissance, il y a exactement 60 ans, d’un document de l’Église catholique - Nostra Aetate - qui est considéré comme un tournant majeur dans la relation du catholicisme aux autres religions : tournant synonyme de plus grande ouverture. Certes, cet anniversaire reste plutôt discret, en comparaison du moins avec la célébration de dates d’autres événements d’importance largement moindre. Mais il est certain que cette discrétion vient aussi du peu d’intérêt accordé ici et là au dialogue interreligieux en général et au dialogue islamo-chrétien en particulier. C’est une première remarque que l’on pourrait faire.

Une seconde se rapporterait à la présence des « religions africaines » à la rencontre d’aujourd’hui, alors qu’elles étaient absentes dudit document lors de son élaboration en 1965.

Cette présence n’a rien d’anodin. Elle témoigne de la part de l’Église catholique d’une volonté de rompre avec une ancienne politique d’acculturation de l’Afrique, donc de négation des anciennes traditions au profit d’un souci d’aller à la rencontre de ce qui, en elles, constitue une lumière d’espérance, par-delà l’étrangeté apparente de leur expression.

En quoi pareille information est-elle si importante ? Et en quoi l’est-elle pour nous en particulier ? La réponse à cette question, telle que nous la concevons, se situe à un double niveau. Le premier renvoie à la possibilité que l’islam envisage de son côté de revoir sa propre manière de penser sa relation aux traditions païennes d’Afrique ou d’ailleurs, quitte à prendre à revers le mépris qu’il a pu leur réserver dans le passé au prétexte que ces traditions étaient polythéistes.

Le second niveau, construit sur le premier, fait référence à l’idée que le renouvellement de la relation de l’islam aux anciennes traditions religieuses, et en particulier aux traditions africaines, pourrait servir de nouvelle plateforme au dialogue islamo-chrétien. La sagesse exige en effet, lorsqu’un dialogue frontal se révèle trop chargé d’embûches et incapable d’opérer des avancées décisives, d’imaginer des alternatives plus obliques.

La redécouverte des religions africaines est une option sur la voie de ces alternatives obliques où, tout en mettant à l’épreuve son pouvoir d’aller à l’encontre d’une certaine tendance à la négation de la spiritualité de l’autre, l’islam créerait pour lui-même un nouveau terrain de dialogue, débarrassé des obstacles théologiques qui compromettent le succès d’une expérience comme celle de la réconciliation islamo-chrétienne.

Poster commentaire - أضف تعليقا

أي تعليق مسيء خارجا عن حدود الأخلاق ولا علاقة له بالمقال سيتم حذفه
Tout commentaire injurieux et sans rapport avec l'article sera supprimé.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات