Sarkozy et Kadhafi : Deux destins, une chute !

Il était normal que l’incarcération récente d’un ancien président français donne lieu chez nous à d’amples développements. Il est vrai que le nom de ce président reste attaché à la mort tragique d’un autre ancien président : Kadhafi. Mais il est intéressant d’observer quelles analyses ont la préférence au niveau de nos médias officiels sur un sujet pareil. Or si l’on en juge à partir d’une des figures familières de ces médias qui s’est exprimé sur le sujet, l’incarcération serait en fin de compte l’expression d’une justice à la fois humaine et divine qui punit un acte « crapuleux » - le mot français a été utilisé.

Le journaliste s’appuie sur les révélations d’un journal français d’investigation qui ont servi de point de départ au processus judiciaire il y a plusieurs années, révélations selon lesquelles le président Sarkozy aurait conclu un accord avec Kadhafi pour recevoir de lui une grosse somme d’argent destinée à financer sa campagne électorale, en contrepartie de promesses pour la période qui suivrait. Selon l’analyse du journaliste en question, le meurtre du leader libyen en 2011 serait essentiellement l’œuvre du président français qui croupit actuellement en prison, car ce dernier craignait que, resté vivant, Kadhafi rappelle au monde entier l’ancien accord passé entre Sarkozy et lui.

L’analyse ne manque pas de pertinence, mais elle a ceci de particulier qu’en mettant en avant une certaine lecture des événements, elle en occulte d’autres, qui n’ont peut-être pas moins d’intérêt, voire qui en ont davantage. Comme la suivante, qui est tout simplement que dans toute insurrection contre un régime dictatorial, la façon la plus sûre pour les insurgés de rendre irréversible le changement de pouvoir encore incertain est non seulement de mettre à mort l’ancien chef mais aussi de faire en sorte que cette mort ne fasse l’objet d’aucun doute en la rendant publique par des images. L’Histoire est pleine de ces exemples. Tant que le chef en question est vivant, même s’il est pris, l’espoir demeure du côté de ses partisans : mort, ils n’ont plus d’autre perspective que de songer à négocier avec les nouveaux tenants du pouvoir.

Dans le cas de Kadhafi, l’urgence de sa mise à mort et de la révélation de sa mort était d’autant plus grande que ses partisans se trouvaient non seulement à l’intérieur du territoire libyen mais également en dehors, et en particulier dans tous les pays africains qui voyaient d’un bon œil le projet d’une nouvelle indépendance économique de l’Afrique telle que prônée par Kadhafi.

Quel que soit l’intérêt de Sarkozy de voir Kadhafi mort, cet intérêt était encore plus grand pour ceux qui étaient engagés dans les combats de rue et qui craignaient un retournement de situation. Que ces insurgés fussent les « révolutionnaires de l’Otan », comme les appelle notre journaliste de la place, ou qu’ils fussent au contraire des révolutionnaires désireux de redonner un autre avenir à leur pays et cependant prêts à accueillir pour leur entreprise toute aide qu’ils jugeraient utile, la situation est exactement la même : la mort de Kadhafi représentait pour eux un impératif tactique du moment.

Pourquoi est-ce que nous pensons que l’analyse du journaliste de la place en ce qui concerne l’incarcération de Sarkozy ne révèle des choses que pour mieux en cacher d’autres ? Parce qu’il s’agit manifestement d’éloigner les regards de cette double considération toute simple selon laquelle un président de la République peut avoir à payer de ses anciens agissements et se retrouver en prison en raison du fait qu’il a violé la loi du pays qu’il a présidé et, d’autre part, un président de la république - fût-elle appelée « jamahiriyya » et fût-elle engagée à grands cris contre l’hégémonie de l’étranger -, peut de son côté se retrouver livré à la violence de son peuple lorsque la seule façon de se délivrer de l’ordre dictatorial qu’il impose est d’user contre lui de violence.

En effet, le nom de Sarkozy et celui de Kadhafi étant désormais indissolublement liés dans l’imaginaire politique, le destin de l’un renvoie à celui de l’autre. Le mauvais sort ne s’est pas tant déclaré contre l’un pour faire justice à l’autre, ainsi qu’on veut nous le faire croire : il s’est déclaré contre les deux, pour les châtier chacun de ses propres actions. Et tel est l'enseignement qu'il convient de recueillir.

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