Que s'est-il passé au juste la nuit dernière dans le port de Sidi Bou Saïd qui abrite la flottille Soumoud en partance pour Gaza ? Est-il vrai qu'un drone a frappé l'un des bateaux resté à quelques dizaines de mètres en dehors du port en raison de sa taille trop grande ? Des voix se sont empressées de nier. Le journal La Presse a lancé le branlebas de combat au milieu de la nuit pour changer sa Une en titrant : La Garde nationale dément toute attaque contre un navire espagnol…
Bref, la soldatesque s'est mobilisée comme un seul homme, non seulement pour nier, mais aussi pour se lancer dans des théories improbables et plus ou moins ridicules selon lesquelles un feu accidentel se serait déclaré sur le navire en question, rapidement maîtrisé, mais qui aurait été grossi et transformé en attaque par des esprits malveillants dont le seul souci serait de mettre en doute les capacités de l'État tunisien à assurer la sécurité de la flottille.
Il est vrai que la thèse de l'attaque de drone, ou toute attaque d'une façon générale, ne manque pas de poser des questions concernant ces capacités. N'oublions pas que nous nous trouvons à quelques encablures du palais présidentiel. Donc en un endroit des plus sensibles en temps normal, et qui a dû bénéficier de renforts pour l'occasion.
Il est vrai aussi que l'État tunisien, sous la conduite de l'actuel président, se montre dans le discours intraitable au sujet aussi bien de la cause palestinienne que de celle de la souveraineté et de l'inviolabilité de notre territoire. Que pareille attaque ait pu avoir lieu en ces circonstances ne milite pas en faveur de sa crédibilité…
On aurait d'ailleurs aimé qu'il fût au moins aussi véhément contre ceux qui tentent des opérations hostiles si hardies sur notre sol qu'il l'est contre les opposants politiques qui croupissent en prison : eux ont subi sa foudre pour des présomptions d'intelligence avec l'étranger, tandis que l'étranger lui-même qui nous veut du mal ne se voit opposer aucune mesure effective de défense... Et cela ne milite pas en faveur de son courage.
Mais là n'est pas notre propos : aujourd'hui, la nouvelle de l'attaque bénéficie de nombreux témoignages et d'images vidéo. Croire qu'on peut étouffer les faits est une illusion grotesque. Il y a longtemps que ce n'est plus possible. La Tunisie s'était déjà attiré le ridicule à travers le monde en cherchant à nier, il y a des années de cela, un attentat perpétré à Djerba. Aujourd'hui que c'est encore plus difficile, les autorités récidivent lamentablement.
Il faut dire que le journalisme libre, qui aurait empêché pareille dérive, est tellement marginalisé en ce pays que certains se sont laissé croire qu'ils pouvaient raconter ce qu'ils veulent à l'opinion… Encore une prouesse d'intelligence à inscrire au crédit de ce régime.