Dialogues éphémères | Royauté de David et langues de feu des apôtres

Dans l’histoire du judaïsme, le rêve d’une royauté à l’époque du prophète Samuel se heurte finalement à la puissance babylonienne… C’est l’épreuve de l’exil. Et avec elle la perte de la langue des ancêtres. L’islam naissant reprendra à son compte ce rêve de royauté au service de la mission, en se dotant cependant d’une langue sacrée… Il se protège ainsi du risque de démembrement, mais prend alors le contrepied d’une conception chrétienne, qui ne conçoit de sainteté de la langue que par l’action d’un feu : le feu du Saint-Esprit…

Ph : Notre dernière rencontre a été marquée par la présence d’un personnage du monde religieux qui a tenu à rester anonyme mais qui, sans être une grande célébrité, nous rassure sur le fait que nos débats commencent à attirer l’attention dans certaines sphères intellectuelles, malgré la discrétion dont elles ont été entourées et qui, à vrai dire, reste encore un de nos soucis malgré notre décision de nous ouvrir à la présence d’un public. Or ce personnage est venu nous retrouver en fin de séance et nous a fait part de certaines réflexions, dont une en particulier dont nous avons pensé qu’elle pouvait servir de thème pour notre propos d’aujourd’hui.

La réflexion est la suivante, dans les termes en lesquels elle a été formulée : certes, l’islam s’est attribué une langue sacrée, qu’il considère comme une langue privilégiée parce qu’elle a été la langue en laquelle Dieu lui-même a parlé au moment où Il s’est adressé au Prophète. Mais le christianisme a éprouvé lui aussi le besoin de se doter d’une langue sacrée et, pendant de longs siècles, dans les églises, on a parlé latin alors même que la masse des fidèles ne comprenait pas cette langue.

Aujourd’hui, le latin a certes perdu son statut et n’est guère utilisé par les prêtres pour donner la messe, mais il ne viendrait à l’esprit de personne de déclarer que toutes ces générations de chrétiens qui, depuis le Moyen-âge, ont été nourries de la langue latine sans la comprendre ont été moins chrétiennes que celles d’aujourd’hui. Au contraire, la multiplication des langues dans la pratique du culte a eu tendance à morceler la communauté chrétienne et elle ne serait d’ailleurs pas étrangère au réveil, depuis le 19e siècle, de ces nationalismes meurtriers qui ont causé tant de souffrances et tant de dévastations parmi les nations européennes…

Po : Le sens de cette dernière remarque est que, à partir du moment où l’appartenance nationale prend le dessus sur l’appartenance religieuse, et que ce changement donne lieu à un jeu de rivalités idéologiques qui se prolonge en guerres économiques et en expéditions militaires, l’homme européen n’est plus, face à l’autre, dans une relation de chrétien à chrétien. C’est en ce sens un homme déchristianisé, même quand il continue d’aller à l’église le dimanche…

Or le remplacement d’une langue de culte commune par la multiplicité des langues dites vernaculaires serait derrière le changement en question, même si ce n’est bien sûr pas le seul facteur de division. Par contraste, l’islam n’a jamais toléré cette fragmentation de la langue du culte. Autour de la récitation du Coran, qui se répète au moins autant de fois dans la journée qu’il y a de prières rituelles, l’arabe se maintient et forme un ciment qui assure à la «communauté» la force de son unité, en dépit de la diversité des langues utilisées dans leurs activités journalières par les croyants musulmans : turc, urdu, persan, indonésien, swahili…

Ph : Oui, plus fort peut-être que la croyance commune, il y a le sentiment d’appartenance à une même langue qui, si elle n’est pas partagée au quotidien, l’est du moins dans certains moments : ceux consacrés à la dévotion. Vibrer des mêmes sonorités par-delà les frontières et les distances est plus déterminant du point de vue de l’expérience psychologique de l’unité que partager des crédos… C’est plus charnel ! Mais revenons à la réflexion que nous vous avons présentée, et posons la question : est-ce que ce qui subit le contrecoup de la perte du latin comme langue commune du culte, c’est le christianisme, ou n’est-ce pas plutôt la chrétienté ? Aujourd’hui, parler de l’Occident comme de la terre de la chrétienté n’a plus cours, si ce n’est chez certains esprits frappés d’anachronisme…

La chrétienté existe peut-être encore, mais à l’état résiduel. En revanche, le christianisme existe toujours, lui. Distinct de tout phénomène de masse et rebelle à toute définition spatiale. Et non seulement il a survécu à la disparition du latin d’église, mais je dirais même qu’il a retrouvé son esprit véritable. Il faut revenir à un passage de ce texte fondateur de la littérature chrétienne —les Actes des Apôtres— pour bien saisir toute la différence qui existe entre islam et christianisme du point de vue de la relation à la langue… Est-ce que vous avez une idée de ce que sont les Actes des apôtres ?

Je devine à vos mines que non. C’est un texte qui, dans le Nouveau Testament, suit immédiatement les quatre évangiles et dont l’auteur est un des évangélistes, à savoir Luc. Les spécialistes pensent d’ailleurs que l’évangile de Luc et les Actes des Apôtres ne formaient au départ qu’un seul écrit et qu’ils ont été séparés ensuite : la première partie portant sur la vie de Jésus, la seconde sur celle des apôtres, et en particulier sur celle de Paul.

Les deux textes se présentent sous la forme d’une lettre adressée à un certain Théophile. Or, petite remarque ici, en passant : Luc pourrait ne pas être juif. Il pourrait être d’origine païenne, probablement grecque. Et illustre donc cette vocation du christianisme, non seulement à s’ouvrir très tôt aux «non circoncis», mais à faire de leurs témoignages des textes fondateurs. En quoi cependant le récit des Actes nous intéresse-t-il ?

Il nous intéresse parce que, en son second chapitre, il nous parle d’un épisode en lequel les apôtres, réunis pour décider de la façon dont ils vont s’acquitter de leur mission après le départ de Jésus, reçoivent l’Esprit Saint comme un feu du ciel et se mettent à parler en des langues que de leurs vies ils n’ont jamais apprises.

L’histoire raconte que le peuple présent sur les lieux et qui assistait à la scène —Juifs venus en pèlerinage des quatre horizons de la Méditerranée pour célébrer la Pentecôte—, reconnaissait les langues des différentes contrées d’où il venait. «Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, la Phrygie, la Pamphylie, l’Egypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes», telle était la grande diversité de ces Juifs qui entendaient résonner dans la bouche des apôtres les langues qui leur étaient familières…

Mais le texte livre un détail qui est pour nous de la plus grande importance, puisqu’il assimile les langues en lesquelles parlent les apôtres à des «langues de feu». Ce que cela veut dire, c’est que le feu de l’Esprit-Saint embrase les langues elles-mêmes. Ce que cela veut dire, c’est que les langues des différents peuples reçoivent la sainteté du Saint-Esprit dès lors qu’elles entrent au service de l’annonce de la «bonne nouvelle». Il n’y a donc pas de langue sacrée face à laquelle les autres langues devraient céder le passage, en quelque sorte, pour la laisser seule s’acquitter de la mission de la transmission de la parole divine. Il y a une sainteté des langues qui leur vient de leur sanctification par le feu du Saint-Esprit.

Md : Mais alors quel sens doit-on donner à l’adoption du latin comme langue du culte dans un espace européen qui, au lendemain de la chute de Rome, et à l’exception de la minorité des élites, était habité par des peuples parlant des dialectes celtes ou germains, ou alors des langues romanes issues du latin mais qui n’avaient plus avec lui qu’une lointaine ressemblance ? Et quel sens doit-on donner aussi au fait qu’avant même la chute de Rome, le culte chrétien se pratiquait en latin dans des contrées comme la nôtre, alors que le petit peuple parlait une langue punico-berbère, comme le souligne un illustre contemporain : saint Augustin ?

Ph : La réponse à ta question est que, à partir du moment où le christianisme devient religion d’Etat avec Constantin le Grand, la chrétienté fait son entrée sur la scène de l’Histoire. Et la chrétienté, comme l’islam du reste, a le souci de la communauté et de sa cohésion. Il faut donc des conciles qui définissent les dogmes en révoquant les conceptions hérétiques, et il faut aussi une langue de culte qui rassemble par-delà la diversité des cultures d’origine. Il faut encore une théologie qui appuie de son autorité ce changement en vertu duquel l’Etat se met au service de l’expansion de l’Eglise et l’Eglise devient de son côté un instrument au service de l’Etat dans son œuvre visant à réduire à l’unité la diversité des peuples, et à la soumission les velléités de révolte qui pourraient les agiter.

Une figure centrale de ce virage de la théologie dans l’histoire du christianisme, c’est un certain Eusèbe de Césarée… Une figure dont il ne serait pas étonnant qu’elle ait inspiré, quelques siècles plus tard, les théologiens musulmans.

Md : Autrement dit, ce que le premier christianisme a énoncé, à savoir le principe de la sanctification des langues par le Saint-Esprit, la chrétienté romaine l’a dénoncé avec l’instauration du latin comme langue de culte unique, dans le prolongement de ce qui se pratiquait autour du culte impérial à l’époque païenne…

Ph : Oui, parce que, pour des raisons politiques, l’unité de la communauté prend alors le pas sur la communion dans la foi.

Md : Mais une communauté unie peut être un rempart au service de la foi : c’est le pari de l’islam. A l’inverse, une communauté livrée aux querelles finit par se tourner contre la foi elle-même, non ?

Ph : Une autre façon de voir les choses est de dire que c’est dans la violence des querelles doctrinales que la foi conquiert la formule de sa propre vérité. Même si on doit admettre bien sûr que les querelles peuvent parfois prendre une tournure néfaste… D’autre part, une communauté unie peut aussi étouffer la foi, et ce au moment même où elle croit la défendre. Comment ? En posant des dogmes au-dessus de toute discussion et en produisant de la croyance… La croyance est l’ennemie de la foi : pas seulement de l’intelligence, donc, mais aussi de la foi ! La croyance est un nivellement, ou un affaissement, de la pensée, alors que la foi est une pensée enthousiaste et inventive… et féconde en récits !

Po : Nous touchons là une question difficile, que nous avons abordée récemment en parlant «d’accompagnement politique de la mission». Sans cet accompagnement, la mission est en butte aux persécutions. L’islam lui-même n’y a pas échappé à ses débuts, durant ce qu’on appelle la période qoraïchite. Mais l’accompagnement peut de son côté se révéler source de perversion de la mission, et là encore l’islam ne manque pas d’illustrer le phénomène.

Il n’est cependant pas seul dans ce cas. Le problème est ancien. Il plonge ses racines dans l’histoire du judaïsme. A ce propos, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le texte de la Bible nous apprend la chose suivante, à savoir que les premiers dépositaires de la mission après la mort de Moïse et l’installation dans les terres de l’ancienne Canaan furent, non des rois, mais des «juges». Qui sont ces juges ? Ils sont présentés comme des sauveurs.

Ils sauvent le peuple juif de la domination qui s’abat sur eux de la part des peuples voisins quand ils s’abandonnent eux-mêmes au culte des Baals et des Astartés. A l’image du prophète de l’islam, ce sont donc des hommes qui ramènent le peuple dévoyé dans le giron de l’Alliance d’Abraham et ils le libèrent de ses ennemis l’épée à la main. Ils manient donc les armes, sans toutefois se départir de la parole, pour rétablir la justice au sein de leur peuple mais surtout entre ce peuple et Dieu, entre ce peuple et Yahvé.

Le dernier de ces juges guerriers est Samuel. Mais la Bible lui attribue le statut de prophète, et c’est sans doute en accord avec ce statut qu’il met fin à la période des Juges et qu’il inaugure celle des Rois en attribuant lui-même la royauté sur le peuple juif à Saül. Saül, premier roi des juifs donc, sera suivi par David, David par Salomon, etc. Mais quelle est au juste la différence entre un juge et un roi du point de vue biblique ? Et pourquoi la Bible nous dit-elle que ce n’est pas de son plein gré que Samuel a répondu aux appels pressants du peuple juif en installant un roi sur le trône ?

Il y a deux raisons, si on en croit les exégètes du texte. La première raison est que Samuel est inquiet de son propre sort: il se demande ce qu’il adviendra de son autorité et de son prestige le jour où un roi accédera au pouvoir. La seconde raison, plus intéressante pour nous, est qu’il craint que l’allégeance du peuple juif à la personne du roi se fasse au détriment de l’allégeance à Dieu.

Md : Ce qui laisse supposer que le pouvoir précédent ne posait pas ce problème de concurrence possible entre allégeance au juge et allégeance à Dieu…

Po : Oui, sans doute. Le roi jouit d’un prestige supérieur qui le rend plus susceptible d’être divinisé en quelque sorte par ses sujets. Et c’est d’ailleurs ce point qui rend d’autant plus étonnant le fait que, dans le texte de la Bible, Dieu intervient lui-même pour exiger de Samuel qu’il surmonte ses réticences et qu’il accède à la volonté du peuple.

On pourrait considérer que la royauté est une concession faite au modèle de gouvernement païen, et que cette concession met en danger la particularité du peuple juif en tant que peuple de l’Alliance, en tant que peuple voué à faire connaître au monde la parole de Dieu. Or Dieu pousse dans le sens de cette concession. Il dit à Samuel : «Ecoute leur voix et fais régner sur eux un roi.» Il est intéressant de comprendre ce qui justifie cette position. D’autant plus que la réponse à cette question nous ouvre sur celle du Messie…

Ph : Dans le récit chrétien, Jésus est à la fois le Messie et le «roi des Juifs»… Quand Ponce Pilate, le représentant de l’autorité romaine, lui demande s’il est le roi des Juifs, il répond : «Tu le dis : je suis roi».

Po : Il dit qu’il est le roi des Juifs mais en même temps il dit que son royaume n’est pas de ce monde… Et ce point est au cœur de la divergence entre Juifs et Chrétiens, car pour les Juifs la royauté du Messie à venir n’est pas une royauté dont on dirait du royaume qu’il n’est pas de ce monde. Son royaume est bel et bien de ce monde. En même temps, il y a l’idée que la royauté du roi juif ne doit pas être à l’image de la royauté des rois païens. Il y a l’idée que le roi juif, à l’image de David, est un roi qui accepte de porter sur ses épaules la charge de la mission comme on porterait sa croix (même si cette dernière image ne figure pas dans leur langage et a peu de chance de le faire). Parce que c’est seulement de cette façon que la royauté sur terre consacre le règne de Dieu sur les hommes : dans une forme de mortification, de renoncement au prestige attaché à l’exercice habituel du pouvoir. Et c’est parce que la possibilité existe d’introduire et ensuite de promouvoir ce nouveau modèle d’exercice du pouvoir monarchique que Dieu appuie la demande populaire adressée à Samuel.

L’acceptation de Dieu se justifie donc par le fait que l’ancien modèle de royauté peut être adopté et aussitôt renversé de telle sorte qu’au lieu d’être le siège d’une rivalité avec Dieu, il soit celui d’un royaume témoin de la puissance et de la gloire de Dieu sur Terre. Mais on sait que l’histoire juive sera marquée par des défections, par des chutes et des trahisons, contre lesquels s’élèvera la voix des prophètes. C’est la rançon de l’apprentissage. La période des Juges, qui s’est étalée sur plusieurs générations, est là pour nous dire quels périls étaient pressentis dans le passage à l’exercice monarchique du pouvoir. Les pressentiments n’étaient pas vains.

Md : La suite de l’histoire, c’est qu’après la période des rois, et bien avant l’arrivée des Romains, il y a l’épreuve de la domination étrangère, la destruction du temple de Salomon par Nabuchodonosor, la déportation à Babylone, la dispersion… Et que les Juifs en viennent à perdre leur langue : seule la caste religieuse des rabbins garde la connaissance de l’hébreu.

La perte de la langue signifie en particulier pour les Juifs qu’ils ne peuvent plus se rassembler en un nouveau corps politique ni, encore moins, au sein d’une même armée. Et que, par conséquent, la royauté dont ils ont rêvé à la suite de Samuel comme d’un luminion parmi les nations qui aurait éclairé le monde en se faisant le témoin, non de la puissance de l’homme, mais de celle de Dieu, est une royauté dont le projet s’éloigne irrémédiablement.

Or c’est précisément le projet auquel l’islam a voulu redonner vie, en veillant cette fois à ce que la langue ne soit pas un facteur de dispersion mais au contraire d’unité. Et c’est ce qu’il fait en instaurant le principe de la sacralité de la langue arabe en tant que langue de la Révélation. Voilà pourquoi, semble-t-il, il y a cette différence de relation à la langue entre christianisme et islam, telle qu’elle apparaît à travers le passage que tu as cité des Actes des Apôtres.

Ph : Oui, on parle là d’un point de convergence entre juifs et musulmans, contre les chrétiens : le besoin d’une royauté pour accomplir la mission. Et, en un sens, d’une langue qui scelle l’unité d’une communauté comme assise solide à cette royauté.

Le christianisme, lui, n’accorde pas à la langue la même importance. Peut-être parce qu’il est conçu comme survivance de la mission en temps d’occupation. Pour lui, le royaume qui doit servir de luminion est un royaume qui n’est pas de ce monde. C’est un royaume qui traverse les frontières des nations et de leurs langues. C’est un royaume dont la langue est celle de la foi des cœurs…

Md : Et pourtant le christianisme se laissera tenter par le latin comme langue de l’Eglise, et aussi par l’empire de Constantin le Grand comme royaume terrestre… ou celui de Charlemagne bien plus tard.

Ph : Il se laissera tenter, en pensant rétablir la royauté de David au sein de l’empire romain et de ses vastes territoires. Mais il n’y parviendra pas et sera le théâtre de dissensions sans fin. Je pense que l’islam naissant a été celui d’hommes ayant considéré que le christianisme ne pouvait pas s’acquitter de la mission à travers le modèle de la royauté terrestre sans se renier lui-même. Il ne pouvait pas témoigner de la puissance et de la gloire de Dieu à la fois par le sang des martyrs et par le pouvoir de Rome. Ces hommes, en outre, partageaient avec les Juifs l’idée qu’il n’était pas possible d’utiliser pour son expansion une entité politique qui avait montré dans le passé qu’elle était violemment opposée à la mission d’Abraham. Ils n’avaient pas tort, puisqu’aujourd’hui la chrétienté appartient au passé. Mais le christianisme, lui, a survécu : allégeance à un royaume «qui n’est pas de ce monde», et dont la langue est plurielle.

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