Les Abiroïdes en conclave…

J’éprouve une sainte compassion envers ces êtres surnaturels, ces elfes noirs, parents lointains des habitants d’Astria, pauvres diables discriminés, qui étaient très sensibles à la lumière et vivaient dans des lieux souterrains et fermés.

Sentant le moisi et le renfermé, ils se calfeutraient chez eux de crainte de cet air pur et vivifiant que procure la liberté et de peur de perdre cette servitude dont ils héritent de père en fils.

La plupart d’entre-eux sont des mauves et des mauviettes qui s’acclimatent rapidement à tous les changements pourvu que leur soit garanti le gîte et le couvert et qu’ils aient quelqu’un à aduler, à applaudir et à flatter quand bien même il serait un tyran, un filou, un brigand ou un malpropre…C’est qu’ils aiment être maltraités, insultés, avilis, roulés dans la boue, fouettés, asservis, ce qui compte pour eux, c’est l’obole, c’est l’os qu’on leur jette, c’est la caresse du maitre !!!

Ces êtres falots et insipides n’en ont cure de leur dignité, mot étrange qu’ils honnissent car il les ramène à leur triste condition de serfs et de thuriféraires, de délateurs et de vils opportunistes…Leur petitesse est telle qu’ils imaginent que le statut de serpillère est plus commode que celui de citoyen et qu’il est plus excitant de lécher les babouches que de les jeter à la figure du despote.

Nul opprobre ne peut les offenser, en effet, ils sont insensibles aux sarcasmes et aux lazzis et demeurent impassibles à toute vexation, à toute humiliation, à tout ce qui est de nature à révolter un être humain ayant le vague sentiment d’être méprisé par tout le monde.

Il n’existe aucune excuse pour comprendre leur comportement, ni la pauvreté, ni la misère, ni l’indigence intellectuelle ne peuvent expliquer cette déchéance morale qui réduit l’individu à la prostitution et le dépouille de sa dignité. Leur seul et unique alibi est l’éducation qu’ils ont reçue et qui les a préparés à être des sous-citoyens, les nervis dociles et obéissants de toutes les dictatures.

L’infamie réside dans leur ignorance exploitée d’une manière éhontée par tous les fascismes et par tous les populismes issus de la nébuleuse mauve, prédateurs et flibustiers sans scrupules, qui instrumentalisent cette ignorance à leur profit pour maintenir ces pauvres hères dans un état de putréfaction et de délabrement moral permanent.

Tenus à l’écart des banquets de la République mafieuse, ils tirent quelque fierté imbécile à être convoqués, moyennant casse-croûte et bakchich, aux grands- messes des apostats de l’ancien régime, cela titille leur orgueil de petites gens refoulées du bien-être social et culturel , expulsées de la société de l’abondance, méprisées par la bien-pensance bourgeoise et mondaine mais invitées ponctuellement à leur ripaille de charognards pour renouveler leur allégeance à leurs maitres, si condescendants à leur égard.

Cela peut sembler étrange, bizarre, paradoxal, choquant, mais tous les fascismes naissent et prospèrent grâce à cette servitude consentie dont nous observons chaque jour l’ampleur des dégâts qu’elle peut occasionner et dont nous constatons, médusés, désemparés, l’effroyable propagation dans notre société, en dépit d’une révolution et des bouleversements qu’elle a engendrés.

Le danger qui nous guette tous, n’est pas inhérent aux couacs actuels du processus démocratique engagé après la Révolution, dérapages assez prévisibles après des siècles d’asservissement, il est plutôt lié à l’inaptitude de certains tunisiens à échapper à leur condition de serfs.

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