L'Opacité Tunisienne : Chronologie d’une Imposture !

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Serait-ce une exception, l’exception tunisienne ?

L’équivoque est née avec la révolution et s’est amplifiée par la suite, atteignant des cotes d’alerte dont l’Etat ne semble pas s’en soucier outre mesure. Bien au contraire, les gouvernements successifs ont épaissi le rideau de fumée et ont multiplié les actions de diversion contribuant ainsi à alimenter les soupçons quant à leur pleine adhésion au processus révolutionnaire et à leur volonté de démanteler structures et ramifications de l’Etat maffieux afin de mettre le cap sur la deuxième république et sur les réformes nécessaires, urgentes compatibles avec l’esprit et la lettre d’une Constitution encore en jachère et presque mise en veilleuse.


Chronologie d’une imposture : Illusion démocratique et bonne foi !

Le pouvoir économique issu de l’ancien régime constitue le frein majeur à toute évolution démocratique. Malgré le soutien fort timide et modeste qu’elle a apporté à cette révolution, la classe entrepreneuriale tunisienne, celle des nantis, ainsi que le milieu des affaires, sont largement inféodés au système maffieux et ont bénéficié de sa bienveillante sollicitude pour engranger des gains illicites et consolider moyennant fraudes massives, détournements à leur profit de marchés juteux, exonérations fiscales, douanières et un florilège d’exemptions, expropriation de biens publics, prévarications diverses, clientélisme…des fortunes aux origines et sources plus que douteuses sur lesquelles, une justice bien compromise tarde à se prononcer, hormis la confiscation préventive des biens et avoirs de Ben Ali, sa famille et sa garde rapprochée.

Or, il appert que les responsabilités sont nombreuses et qu’elles ne se limitent pas à la belle-famille du despote, à sa famille, à ses gendres et à quelques intimes. Il est de notoriété publique que les délits financiers et économiques vont au-delà de ce cercle restreint et touchent une bonne partie de l’appareil productif tunisien, du secteur tertiaire gangréné par le commerce parallèle, la contrebande et dont l’usufruit échappe en grande partie aux caisses de l’Etat. Cette classe nantie, véritable kleptocratie, émanation de l’ancien régime dont elle incarne la prédation et la rapacité, a une nature foncièrement antinationale et ne s’en cache point au vu des facteurs d’instabilité qu’elle concourt à créer dans le but d’enrayer le processus, de le bloquer ou de le récupérer afin de préserver son hégémonie et de peser sur les choix politiques futurs du peuple tunisien.

Pour ce faire, elle met à contribution l’argent sale dont elle dispose à satiété pour organiser l’insécurité et planifier le chaos, les médias qui l’accompagnent dans cette équipée contre-révolutionnaire sont constamment ravitaillés en munitions pour attiser les feux de la discorde et fissurer ce mur solidaire qui s’est érigé en face de Ben Ali jusqu’à l’éjecter du pouvoir. La stratégie est d’inclure des éléments de friction entre les protagonistes de cette révolution, de mettre à l’écart l’aile la plus radicale en l’isolant à travers des campagnes ponctuelles de dénigrement relayées par les réseaux sociaux dont la liberté d’informer n’a d’égale que la liberté de manipuler et, hélas, trop souvent d’être orientés par mimétisme ou subordination consentie vers les thèmes instigateurs de divisions et producteurs de haine.

Il en résulte un climat social délétère, rompant avec l’élan fraternel du 14 Janvier et bâti sur le socle friable des rivalités politiques malsaines, des égoïsmes régionaux voire tribaux régénérés par la propagande destourienne toujours aux abois et œuvrant dans l’ombre, des faux débats sur la laïcité, sur l’islam introduits à dessein par les forces réactionnaires dans le but d’enraciner davantage les dissensions et par voie de conséquence de profiter de l’état de désenchantement des uns et des autres pour délégitimer toutes les initiatives citoyennes fondées sur la contestation et la protestation (grèves, sit-in…) et leur attribuer une connotation subversive en matière de sécurité et d’économie.

L’idée, bien sournoise, est de considérer la révolution comme un danger mettant à risque la survie de la nation en ce sens qu’elle est susceptible de déboucher sur un état de non-gouvernance permanent de l’économique, du social et du politique.

Cette vision apocalyptique nourrie par une fantasmagorie ample et vaste n’a de cesse que de diaboliser la révolution par le truchement de menaces récurrentes dont la dernière en date, le terrorisme, qui confère à la situation, déjà fragile et explosive, cette tonalité tragique qui lui faisait jusque là défaut.


La reprise en mains : naissance de Nidaa Tounès

La reprise en mains des affaires louches et moins louches par les survivants de l’ancien régime, nécessite, outre aux bricolages institutionnels et médiatiques, un modus operandi dont les étapes, savamment calculées, conduisent à la construction d’un consensus contre-révolutionnaire, bluffant encore une fois les masses, articulé autour de trois impératifs : la stabilité économique, la sécurité et la pérennité de l’Etat garant de l’intérêt supérieur de la nation.

La liturgie du Tunisien pacifique, conciliant, bon, indulgent, magnanime, clément…contribuera à rendre aisée le mouvement de récupération et à introniser, nolens volens, le pardon, l’amnistie, la réconciliation nationale et in fine un pacte pour instaurer un semblant de démocratie avec la plupart des acteurs politiques, hormis les bannis, de la vieille camarilla subitement déguisés, après leurs hauts faits délinquants, en honnêtes citoyens repentis et affranchis de tous leurs péchés, y compris ceux qu’ils n’ont jamais expié…c’est-à-dire tous !

A cette quête de rédemption et pour que la farce ait quelque crédibilité, doivent être associés à la ripaille démocratique, tous les partis politiques commodes, ayant renié les idéaux de la révolution et dont l’allégeance à l’oligarchie financière, rescapée de la dictature, ne prête pas à équivoque. Il serait bon de rallier quelques brebis galeuses pour que ça fasse vrai, quitte à les sacrifier ensuite, si d’aventure ils torpillent le consensus ou imaginent phagocyter ce projet taillé sur mesure pour mettre à l’abri les privilèges et le mal acquis !


Et Ennahdha ?

Et les islamistes ? Leur stratégie de conquête du pouvoir surdétermine leur tactique, si bien que par opportunisme, ils sauteront pieds joints dans le wagon et partageront le banc avec qui que ce soit, pourvu qu’ils mettent pied à l’étrier…en espérant des lendemains qui chantent, l’exil et le bannissement les ont assagis, et la génération actuelle, vieillissante et usée s’apprête à couronner sa carrière militante, chahutée par les ténèbres des geôles et le brouillard givrant londonien, par une entrée triomphale au panthéon de l’imposture et ailleurs.

Les pieux savent pardonner d’autant plus s’ils ont l’assurance d’être conviés au pouvoir, d’y être associés, et d’avoir voix au chapitre en ce qui concerne l’avenir du pays, même s’ils ont droit à la portion congrue, au strapontin !

Les perdants ? Ceux qui ont réellement cru en leur révolution mais ne l’ont pas accompagnée, à cause de leur immaturité et de leur juvénile inexpérience ! Certes, ils ont eu l’intuition que quelque chose se tramait, mais ils ont été bernés par plus malins qu’eux. Ils auront appris à leurs dépens qu’aucune révolution ne réussit sans révolutionnaires, j’entends par là, de vrais révolutionnaires…

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