Chroniques apocryphes du bâtisseur de la 'Nouvelle République'.

J-30.

Cela fait maintenant cinq jours que j'ai reçu des mains du brave Doyen, Belaïd, l'avant-projet de la future constitution. Il me faut reconnaître que celui-ci a fait un travail d'approche louable. Lui, qui ne m'a pas épargné, lorsque je me suis installé à Carthage, considérant que j'avais du mal à endosser les habits présidentiels.

Mais, à vrai dire, je ne lui en ai jamais tenu rigueur. Avec les anciens confrères de la fac de droit, je me dois d'être magnanime.

Quand j'ai pris la décision, il y a plusieurs mois, d'organiser un référendum constitutionnel, c'est à lui que j'ai pensé, en premier lieu, pour rédiger une ébauche de constitution.

Il a juste fallu l'inviter à la présidence pour quelques rencontres liminaires, lui faire croire qu'à 83 ans, il pouvait incarner un nouveau Michel Debré et le tour était joué.

Et puis son aversion instinctive pour la constitution de 2014 (dont il a été exclu des discussions) a fait le reste...

Maintenant, concernant ce document, qui a fait l'objet d'une ultime lecture en commission, article par article, sans qu'il ait été remis à quiconque, à part moi, (un morceau d'anthologie bureaucratique à mettre à l'actif du Doyen) il ne me reste plus que cinq jours à le retoucher dans les grandes largeurs, tant il me semble être un catalogue de vœux pieux et de bonnes intentions, loin des préoccupations du bon peuple du 25 juillet 2021, dont je suis le messager exclusif, je l'ai assez dit et répété.

J'ai donc une idée très précise de ce que cette constitution devra être avant d'être présentée à l'appréciation de mes concitoyens.

A ce moment précis, les jeux seront faits, plus de modifications, plus de conciliabules, pas de retour en arrière : ce sera à prendre ou à laisser... Et dans tout cela, Belaïd, ne m'en voudra pas de ne plus être en mesure de reconnaître son œuvre.

Il aura tout de même la satisfaction d'avoir rempli sa mission, entre autres de m'avoir permis d'embobiner, en douce, ceux des vénérables représentants de la société civile qui ont bien voulu participer à ces réflexions collectives dans le cadre des 'hauts comités pour la nouvelle république '.

Les autres, tous les autres, tant pis pour eux…

J-29.

Hier, j'ai mis l'accent sur le rôle prépondérant joué par le Doyen Belaïd pour me soumettre une proposition de nouvelle constitution dans les délais tels que précisés par mon décret.

Pour ce faire, il a été admirablement secondé par deux autres personnalités, qui ont grandement contribué à la pédagogie de ma manœuvre.

Amine Mahfoudh et Brahim Bouderbala ont ainsi avec Sadok Belaïd, constitué sur ce plan un triumvirat efficace (le terme Troïka me répugne pour des raisons historiques évidentes).

Le premier, prof de droit constitutionnel (encore un), était tellement à son aise dans les médias, qu'il pouvait multiplier les contre-sens avec un tel aplomb, que j'en restai parfois ébahi.

C'est ainsi que comparer ma démarche depuis le 25 juillet 2021 avec celle entreprise par De Gaulle, en 1958, si elle peut, de prime abord, paraître flatteuse, est pour le moins complètement erronée.

Certes, celui-ci a remplacé une République par une autre, substitué une constitution à une autre.

Mais les parallèles s'arrêtent là.

Primo, contrairement à moi, l'ancien chef d'Etat français, qui n'était pas encore président de la République, au moment des faits, mais chef de gouvernement, avait pris, en son temps, la précaution fondamentale d'obtenir une habilitation parlementaire pour imposer sa grande réforme constitutionnelle.

Et ce, quand bien même, il éprouverait le plus grand mépris à l'égard des députés et de l'ensemble des partis, qu'il ne ménageait pas dans ses discours et diatribes.

Tandis que moi, j'ai commencé par geler puis dissoudre l'Arp…

Deuxio, s'il a quelques années plus tard, activé l'article 16 de sa constitution (l'exact équivalent de notre article 80), ce n'était pas prétexter un 'péril imminent' puis faire table rase et fonder une nouvelle république, mais pour mettre en échec une tentative de coup d'Etat, fomentée en 1962 par un 'quarteron de généraux félons', selon la terminologie gaullienne.

Tertio, il a encadré dans le temps (6 mois) la mise en œuvre de cet article au maniement délicat.

Il s'ensuit que, toute analogie avec le contexte français de 1958, même si elle me sert, est pour le moins complètement saugrenue.

Heureusement pour lui, que dans nos médias, il n'a pas eu affaire à des interlocuteurs à qui on ne la raconte pas.

Le jour, où il tombera sur un journaliste ayant quelques rudiments de droit constitutionnel comparé, il passera sans doute un mauvais quart d'heure. Et par ricochet, moi avec...

Mais il n'empêche, Mahfoudh avec cette faconde, est capable de vendre des glaces aux esquimaux…

Je lui proposerai le moment venu, la direction de HEC... ou mieux, le ministère du Commerce.

Quant à Bouderbala, bâtonnier, de son état, il m'a surpris par sa grande détermination à plaider toutes mes décisions quoique je fasse : suppression de l'Inlucc, du CSM, modification de la direction de l'Isie, révocation des juges, j'en passe et des meilleurs…

Si dans les médias, il a souvent tendance à s'emmêler les pinceaux, confondre pouvoir et au*torité, compétence liée et déléguée, son profil bourru mais débonnaire m'a été utile pour battre le rappel de la partie de la société civile qui ne m'est, pas encore, tout à fait hostile.

Sa dernière sortie dans un des médias de la place, pour affirmer avec grandiloquence que le futur premier ministre sera 'choisi à l'unanimité des députés', avant d'être désigné par mes soins, m'a rappelé que le dernier des Staliniens sur terre ne vit pas quelque part dans l'ex URSS mais bien parmi nous…

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