Chroniques apocryphes du bâtisseur de la 'Nouvelle République'.(2)

J-28.

Après avoir mis en exergue les contributions de chacun des principaux protagonistes du haut comité chargé de rédiger une nouvelle constitution, il m'est utile de faire une petite rétrospection sur mon parcours du 25 juillet 2019, date de la disparition de mon prédécesseur Béji Caïd Essebsi au 25 juillet 2021, date de la chute de ce système politique, coupable à mes yeux de toutes les avanies.

Dans cet intervalle de deux années où tout est allé très vite, trois personnages, de la même génération, ont pesé d'un grand poids sur les circonstances qui se sont déroulées.

Le premier étant Youssef Chahed.

C'est ainsi que lorsque Béji Caïd Essebsi disparut à quelques semaines de la fin de son mandat et qu'il a été décidé d'anticiper les élections présidentielles, grande fût ma surprise de voir la candidature à cette élection de son chef de gouvernement.

Laquelle, a eu pour objet de fragiliser celle de Abdelkrim Zbidi, favori des sondages (autour de 15% au 1er tour) après la parenthèse des funérailles de l’ex-chef d'état.

L'entrée en lice de Chahed, qui a le physique d'un chef mais pas la biographie, situé autour de 7% dans les sondages sans jamais avoir pu s'en détacher, m'a balisé une voie royale jusqu'à Carthage.

Appartenant à la même famille politique que son aîné, sa présence a eu, pour effet mécanique, de réduire à néant les chances de la majorité sortante de figurer au second tour. Ce qui, à l'évidence, aurait été un plus grand écueil pour ma candidature : se trouver au second tour confronté à Zbidi est autrement plus compliqué que de rivaliser avec Karoui.

Vous l'aurez tous deviné.

Même si, la phrase de Zbidi dans une émission politique en pleine campagne électorale, 'je n'hésiterai pas à placer deux tanks devant l'Arp pour défendre la Constitution' a fini par ruiner ses espérances de briguer l'investiture présidentielle.

Ironie du sort, vous remarquerez, que deux ans plus tard, j'ai fait, en même temps, la même chose et son contraire, puisque, j'ai placé deux tanks devant l'Arp mais pour.... détourner la Constitution.

Et ça m'a plutôt réussi....

La deuxième personne, est sans conteste, Abir Moussi.

Nourrissant une grande prévention, pour ne pas dire allergie à l'égard du système parlementaire, il me fallait au plus vite discréditer l'Arp aux yeux de l'opinion publique.

Et Abir, davantage cheffe de ligue que de parti, dotée d'un caractère volcanique et d'une sensibilité lui permettant de rivaliser avec les meilleurs séismographes du monde, fût la personne idéale dans ce processus de déconsidération de la scène parlementaire.

Ses innombrables irruptions tant dans les sessions plénières que les commissions attenantes, suivies d'interruptions brutales de séance ont été de grands moments de cacophonie et de désordre ambiants.

Parée qu'elle était de toute la panoplie d'une scandaleuse high tech (port du casque, gilet pare-balles et porte-voix) et affublée de son iPhone pour faire du live et tenir ses partisans en haleine, sans oublier les couvertures pour passer la nuit.

Quand je pense à ses rodéos et chevauchées dans l'enceinte du parlement....

Du grand art en Mondovision, à enseigner dans tous les instituts de Sc Po du monde...

Nadia Akacha

La troisième individualité, que je ne saurai oublier, est Nadia Akacha, qui a pris une grande part dans la stratégie de tension mise en œuvre, me poussant à me débarrasser de cette classe politique en état avancé de déliquescence.

Son air impavide, son côté collet monté, son regard capable de transformer des prunes en pruneaux, ont intimidé plus d'un dans mes nombreuses réunions bilatérales comme multilatérales.

A la présidence, elle a vite fait le vide autour d'elle et moi qui déteste tant l'esprit de cour, je ne pouvais qu'acquiescer.

A elle seule, un vrai pesticide de la pensée politique, et cela, je l'ai plus tard appris à mes dépens…

Mais son véritable tour de force, c'est lorsque sentant que le Covid allait peser sur le destin politique du pays, elle prit l'initiative d'aller en personne réceptionner sur le tarmac de l'aéroport Tunis-Carthage, tous les arrivages de dons de vaccins, afin de les mettre hors de portée de mon second chef de gouvernement et ainsi l'accabler de tous les maux d'incompétence en matière de gestion de crise sanitaire et in fine, précipiter sa chute....

J-27.

Nous sommes à moins de 48 h du moment fatidique de la parution d'une nouvelle constitution. Après demain, je vais sûrement attendre comme d'habitude, le dernier quart d'heure, entre chien et loup, pour signer le décret de sa publication.

Probablement, après un petit détour par le ministère de l'Intérieur, à défaut du ministère de la Justice que j'ai grande peine à maîtriser, ces derniers temps. Auparavant, j'ai dû mettre à l'épreuve mes camarades de lutte, pour avoir également leur avis sur l'avant-projet que l'on m'a soumis, il y a une semaine.

A mes yeux, il n'était pas normal que ce document soit exclusivement élaboré par le tandem Belaïd-Mahfoufh sans qu'il ne puisse aussi passer sous les fourches caudines du duo Ridha Lénine-Chafter.

Moi aussi, j'ai mon propre back-office, et qu'à cela ne tienne…

Il faut donc que la version définitive, après avoir pris une teinte classique (empreinte de Mahfoudh) et réactionnaire (celle de Belaïd) revête un profil Rousseauiste (Chafter) et qu'elle soit mâtinée, il va sans dire, de Soviétisme (Ridha Lénine).

La "démocratie par les bases", ça me parle et c'est d'ailleurs même la raison d'être de mon entrée en politique.

On n’allait tout de même pas croire, que j'ai pris tous ces risques, notamment celui de passer pour un néo-putschiste en civil, pour me contenter d'une démocratie bourgeoise de façade.

Parce qu'à mon humble avis, ce n’est plus entre laïcs et conservateurs que vont s’engager les prochaines luttes électorales mais entre ceux qui sont séduits par le parlementarisme représentatif que je trouve moribond et les partisans de la démocratie directe revitalisée.

Toutefois, j'avoue que je me sens un peu piégé par mon souci de plaire à tout le monde, qui risque de mécontenter la plupart de mes soutiens qui ont plutôt tendance à se porter pâles en ce moment.

En fait, je me dois de répondre en premier lieu, aux desiderata des 600 000 voix qui se sont portées sur ma candidature, lors du 1er tour de l'élection présidentielle.

Ce socle électoral, à qui, je n'ai pas cessé dans mes nombreuses philippiques, de leur promettre, le moment venu, de renverser la table par de nouvelles règles refondatrices.

Mais il me faut, aussi, rallier à ma cause, une bonne partie de la société civile et les nombreux militants des partis qui m'ont rejoint au second tour, et qui ne partagent pas forcément les mêmes attentes. Loin s'en faut d'ailleurs.

Aussi, la seule façon de parvenir à concilier tout cela est de m'inspirer des socialistes français avec leur grand art de la synthèse.

Mais à mon grand dam, n'est pas François Mitterrand qui veut, et le temps m'est beaucoup compté à présent…

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