Journal d’un confiné (2ème épisode)

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Mercredi 25 mars. Normalement, c’est le jour du virement des salaires ici. Je l’accueille sans la moindre joie. Les salaires ont été virés depuis une semaine et sévèrement entamés. Le mois d’avril comptera désormais trente-cinq jours. Une fin de mois difficile en perspective. Si on y arrive. Les avis à propos du virus sont contradictoires. Mortel ou anodin, il a réussi à créer une psychose mondiale. Une crotte invisible à l’œil nu pourrait avoir raison du monde post-moderne.

Hier, je me suis abruti de fiction cinématographique pour tenter d’oublier le monde. Au réveil, le réel avec son drame transcontinental m’assaille. Qui sera le prochain sur la liste ? Serait-ce moi ? Qui serait l’affreux vecteur qui me transmettrait le virus ? Devrais-je me méfier de l’épicier indien qui me sourit jaune depuis quelques jours ? Ou bien serait-ce le mitron de la boulangerie iranienne ?

Qui me dit qu’il n’a pas voyagé là-bas récemment ? A moins que ce soit le serveur syrien du restaurant ? Se lave-t-il bien les mains régulièrement comme l’exigent les consignes de sécurité ? je me souviens alors que les employés d’entretien au supermarché ne mettaient pas le même zèle à nettoyer la surface exposée des chariots et qu’ils le faisaient à la tête du client.

Et s’ils m’avaient refilé un chariot mal désinfecté ? Il suffit d’une fois ! Tout le monde est devenu suspect. En temps normal, je me serais traité de xénophobe condamnant les gens au délit de faciès. Mais on n’a qu’une vie finalement, aussi minable fût-elle.

Au parking, je tombe sur un voisin. On se serre la main machinalement. Putain ! qu’est-ce que j’ai fait ? Oh le con ! Qu’est-ce qui lui a pris de me tendre la main ? Mais est-ce que ce n’était pas plutôt moi qui ai commencé les hostilités ? Bon, il faudra me souvenir de noter son nom aussi, au cas où les autorités sanitaires m’interrogeraient un jour.

Le minimum syndical du civisme, quoi. Et puis, réflexion faite, il me parait plutôt inoffensif, il vient juste de sortir de chez lui, il n’a pas eu le temps de s’exposer aux virus ambulants. Mais sa femme que j’ai à peine regardée, est-elle bien clean ? je réalise alors que je ne sais rien d’elle. Pas la moindre traçabilité. Merde! Non, les femmes ont la réputation d’être plus vigilantes que nous les hommes. Fausse alerte.

Sur WhatsApp, les « tunisiens qui veulent juste partir » comptent sommer la communauté internationale de se plier à leurs revendications à coups de listes de noms et de propos belliqueux. Certains menacent même de jeter un sort à l’humanité entière si on s’entête à résister à leur désir impérieux de changer de lieu de confinement.

Comme je ne rate jamais l’occasion de faire le cheveu dans la soupe, je les mets au courant que le Ministre des Affaires étrangères tunisien s’excusait de ne pas pouvoir affréter un Airbus et leur demandait humblement s’ils étaient disposés à se contenter d’un Boeing. A voir leur réaction, je doute fort qu’ils aient apprécié mon aide.

Je suis sollicité sur Messenger. Un contact inconnu.

-salut.

-salut

-ça va ?

-Au poil. Le monde est à l’agonie, le virus a touché plus de 180 pays faisant plus de dix mille morts et près d’un demi-million de personnes atteintes. Je suis confiné chez moi depuis plus d’un mois ne sortant qu’un quart d’heure par jour. Je suis en arrêt de travail jusqu’au mois d’août et je ne peux pas rentrer chez moi. Je m’amuse comme un fou.

Fin de l’intermède rapports sociaux. Et c’est moi qu’on accuse d’être peu sociable !!

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