« Je t’aime, ô peuple. »
Farhat Hached a écrit ces mots avec le sang des martyrs, avec le souffle des grèves, avec l’espoir tenace d’un peuple debout. Il les a écrits en combattant l’occupation, en affrontant la répression, en bâtissant un syndicalisme libre au cœur d’une Tunisie assoiffée de justice.
Aujourd’hui, ce cri d’amour est repris — dévoyé — par ceux-là mêmes qui incitent à l’agression du siège de l’UGTT, qui justifient les milices de rue, qui légitiment les appels à la haine, à la violence, à la dissolution.
Quelle honte. Quelle imposture.
Qu’on le dise haut et fort : s’attaquer à l’UGTT, c’est s’attaquer à l’un des derniers contre-pouvoirs encore debout dans ce pays abîmé par l’arbitraire. Oui, l’organisation est traversée de crises, oui, sa direction actuelle a commis des erreurs. Mais aucune faille ne justifie qu’on ouvre la porte aux chiens de garde du régime pour l’achever. Ceux qui appellent à « nettoyer » l’Union, à « purger » ses rangs, à la « dissoudre » sous prétexte de patriotisme, sont les mêmes qui rêvent d’un peuple sans voix, d’une rue sans résistance, d’un pays sans mémoire.
Et pendant ce temps, des groupes entiers, parfois armés de rien d’autre que de leur pauvreté, leur marginalité et leur colère, sont instrumentalisés pour servir de chair à canon dans une offensive politique déguisée en indignation populaire.
Ce n’est pas un soulèvement, c’est une mise en scène.
Ce n’est pas la voix du peuple, c’est celle du pouvoir qui utilise les plus vulnérables comme boucliers
Les vrais militants, les syndicalistes sincères, ceux qui ont critiqué — avec raison — les errements de la direction, n’ont pas basculé dans la haine ou le lynchage. Ils savent faire la part des choses. Ils savent que la première ligne de front contre la dérive autoritaire, c’est l’UGTT, aussi imparfaite soit-elle. Ils savent que la reconstruire, c’est la défendre. Que la critiquer, c’est la faire vivre. Pas la détruire.
Ceux qui prétendent aimer le peuple pendant qu’ils frappent ses syndicats, ses associations, ses journalistes, ses artistes, mentent.
Ceux qui hurlent « je t’aime, ô peuple » pendant qu’ils désignent des ennemis intérieurs, pendant qu’ils stigmatisent les grévistes, pendant qu’ils justifient les brutalités, piétinent chaque mot de cette phrase.
Non, Farhat Hached n’a pas donné sa vie pour que ses successeurs soient traités de traîtres.
Non, l’amour du peuple ne s’exprime pas en bottes ni en slogans hargneux.
L’amour du peuple, c’est la dignité, la liberté, la justice sociale, la solidarité.
Alors oui, aujourd’hui, défendre l’UGTT, c’est défendre tout cela.
C’est défendre le droit d’organiser, de contester, de revendiquer.
C’est refuser la violence organisée, le harcèlement, les procès politiques, le culte du chef.
C’est dire non à l’intimidation, non à la peur, non-au retour des ténèbres.
Ceux qui veulent liquider l’UGTT veulent liquider ce qu’il reste de société vivante.
Nous, nous voulons construire, réparer, relier.
Et nous le disons sans détour :
Je-T'Aime-Ô-Peuple, ce n’est pas une phrase pour Facebook, c’est un programme. Et ce programme commence par la défense de l’UGTT.