Ahmed Abdelkéfi : quand l’arbitraire devient une méthode de chantage et la justice, une machine a rançonner

Arrêter un homme de 84 ans, à la santé fragile et retiré des affaires depuis des années, n’est pas un acte relevant de la justice. Il s’agit là d’une pure vengeance politique assortie d’une véritable cruauté. L’arrestation d’Ahmed Abdelkéfi, figure importante de la finance tunisienne, révèle une pratique plus grave encore que l’arbitraire : un chantage d’État contre le monde des affaires, déguisé en pseudo-lutte contre la corruption.

A. Abdelkéfi a été arrêté dans le cadre d’une prétendue « affaire » liée à son passage d’administrateur au Conseil de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) en 2011. Totalement incompréhensible, cette arrestation est profondément arbitraire. Elle illustre une nouvelle fois la hargne du régime à infliger humiliations et souffrances non seulement à ses opposants politiques, mais aussi à toute personnalité qu’il désigne comme « ennemie », quel que soit son âge, son état de santé ou encore son parcours de vie. Arrêter, en pleine nuit, un homme de 84 ans, souffrant et retiré depuis des années des affaires, tient purement et simplement à de l’acharnement sachant que rien ne justifie une telle détention : au pire, on aurait pu recourir à une interdiction de voyage ou à une convocation en bonne et due forme.

Dans notre pays, certains ont compris la nouvelle méthode : on accuse, on enferme, puis on fait pression pour arracher des aveux, des remises d’argent, des cessions d’actifs. Sous prétexte que des dirigeants « ont volé » ou « se sont accaparés la richesse du peuple », des hommes d’affaires sont sommés de payer — non pas pour répondre de faits établis devant un tribunal indépendant, mais pour assouvir une vengeance publique et remplir des caisses occultes. Ce chantage n’est ni nouveau, ni marginal : il confine à une sorte de rançon permanente, transformant l’appareil judiciaire en machine à extorquer.

Si fraude ou malversation il y a, alors que ce soit sur la base de faits — avec transparence, preuves et garanties procédurales à l’appui — et que les auteurs soient conduits devant une juridiction indépendante. Au lieu et place de ce principe élémentaire de l’État de droit, on se heurte à des arrestations nocturnes destinées à briser la volonté aux fins de forcer à des transactions et à des aveux. Enfermer un homme âgé et affaibli pour l’intimider lui et ses associés ou contraindre la famille à payer relève du chantage, pas de la justice.

Rappelons plutôt les faits, véridiques ceux-là : Ahmed Abdelkéfi a fait œuvre de bâtisseur. Il a lancé le Port El Kantaoui, introduit le leasing en Tunisie (1984), créé Tunisie Valeurs (1991) puis Tuninvest/AfricInvest (1994). Il a permis à des PME d’accéder au crédit, a investi dans le tourisme et l’immobilier et a contribué à créer des milliers d’emplois. Son rôle a été celui d’un entrepreneur qui a contribué à moderniser un pan de l’économie nationale — pas d’un prédateur à clouer au pilori sans procès équitable.

Transformer des enquêtes en instruments d’extorsion détruit la confiance. Les investisseurs — tunisiens comme étrangers — ne voient plus en la Tunisie un État de droit, mais un système où la richesse peut être confisquée, où les affaires se règlent hors des tribunaux et sous la menace d’une détention arbitraire. Résultat : moins d’investissements, plus de fuite des capitaux, plus de paupérisation.

Nous exprimons notre solidarité avec Ahmed Abdelkéfi, sa famille et ses proches. Nous exigeons qu’aucune procédure ne serve de prétexte à des extorsions. Que les autorités publient les preuves, que toute accusation soit examinée publiquement et que les personnes mises en cause bénéficient de la présomption d’innocence, d’un procès équitable et d’alternatives à la garde à vue quand l’âge et l’état de santé l’exigent.

La justice n’a pas vocation à devenir le bras armé d’un chantage d’État. Si des responsabilités existent, qu’on les établisse selon la loi ; sinon qu’on cesse les humiliations et qu’on rende au pays la dignité d’un État de droit.

Poster commentaire - أضف تعليقا

أي تعليق مسيء خارجا عن حدود الأخلاق ولا علاقة له بالمقال سيتم حذفه
Tout commentaire injurieux et sans rapport avec l'article sera supprimé.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات