USA « Entre la défaite et l’escalade »

Les guerres sont sujettes à toutes sortes de rebondissements inattendus, mais dans la phase actuelle, la défaite militaire de l’Ukraine est de plus en plus évidente. Tout comme la réponse des soutiens occidentaux de Kiev : la fourniture de missiles de longue portée, capables de frapper la Crimée et de mettre les villes russes à portée.

Aujourd’hui c’est le premier anniversaire de l’attentat qui a fait exploser le gazoduc Nord Stream dans la Baltique. Avec un an de recul, le fait que les États-Unis d’Amérique aient pris pour cible un intérêt stratégique de l’Allemagne, leur principal allié en Europe, semble toujours être l’un des faits centraux du conflit en Ukraine.

Même sans le divulguer, cette attaque a eu un effet dévastateur sur le leadership US en Europe occidentale. Elle a gravement endommagé l’économie allemande et en dit long sur la fragilité de la cohésion interne de l’OTAN, sur jusqu’où l’organisation militaire dirigée par les États-Unis sur le continent exerce une influence sur l’Union Européenne, son bras politique subordonné. L’omerta de ceux qui ont été touchés par cet événement, en particulier les politiciens allemands humiliés, ainsi que la collaboration de leurs Services secrets et de leurs médias aux écrans de fumée grossiers et divers lancés par la CIA pour dissimuler et détourner l’attention de la simple réalité de l’identité des responsables, contribuent également très bien à l’image que nous avons sous les yeux.

Ce tableau est déterminé et dominé par les élections présidentielles de l’année prochaine aux États-Unis. Les États-Unis sont la seule puissance capable de forcer la paix, mais tous les ingrédients et circonstances entourant ces élections pointent davantage vers une dynamique de guerre, c’est-à-dire une escalade du conflit ouvert en Ukraine et une aggravation du conflit latent en Asie de l’Est. Voyons…

Au sommet de la pyramide se trouve un président sénile, Joe Biden, sur lequel les médias auraient fait leurs choux gras s’il s’agissait d’un chef d’État russe ou chinois. En cas d’incapacité, Biden a à ses côtés une vice-présidente, Kamala Harris, qui brille par son incompétence.

En deuxième ligne, un trio d’écervelés chargé du dossier ukrainien : le Secrétaire d’État, Blinken, le Conseiller à la Sécurité Nationale Sullivan et la Secrétaire d’État Adjointe Nuland. Ces équipes défaillantes sont, à leur tour, engagées dans les luttes intestines les plus dures et les plus spectaculaires de l’establishment de Washington depuis la guerre de Sécession (1961-1965), qui comprennent des actions juridiques transversales visant à mettre le candidat adverse en prison.

Les deux camps se sont criminalisés mutuellement et sont fermement convaincus que s’ils perdent les élections, ils seront poursuivis, et qu’ils ne peuvent donc pas perdre. Associée à la possibilité d’une récession, cette pression pourrait faire du scénario d’une guerre ouverte avec la Russie le principal moyen de survie de l’administration Biden.

Le journaliste trumpiste Tucker Carlson [et Libertarien], que la crise de l’establishment a transformé en dissident franc-tireur populaire, résume ainsi la situation : « Nous avons déjà perdu le contrôle du monde, maintenant nous allons perdre le contrôle et la domination mondiale du dollar et lorsque cela se produira, nous aurons une pauvreté du niveau de la Grande Dépression. Nous sommes déjà en guerre avec la Russie, nous finançons et armons leurs ennemis, mais nous pouvons aller jusqu’à la guerre directe, nous pourrions faire un « Golfe du Tonkin » en Pologne (le faux incident fabriqué pour justifier l’intervention au Vietnam) et dire que ce sont les Russes qui l’ont fait ».

Sur le champ de bataille, la situation ne pourrait être pire pour l’Ukraine. Le miracle volontariste d’une contre-offensive dans des conditions d’ infériorité numérique d’artillerie et aérienne n’a pas fonctionné, comme les experts russes le prédisaient, avec le plus grand sérieux et sans forfanterie, avant l’été. Les Wunderwaffen [armes miraculeuses] occidentales qui ont coûté si cher à fournir, sont montrés en flammes tous les soirs dans les journaux télévisés russes (les soldats reçoivent de fortes primes pour avoir détruit des Bradley, Stryker, Leopard, Challenger, AMX-10 et autres véhicules blindés).

Le plus terrible est ce carnage effroyable et irréparable qui semble rendre impossible une nouvelle offensive ukrainienne au printemps par manque d’effectifs (alors que l’armée russe dispose d’une réserve de 300 000 hommes qui n’ont pas encore été déployés) et annonce plutôt l’effondrement militaire ukrainien. Il est donc de plus en plus probable qu’une sorte de coup d’État militaire à Kiev chassera Zelensky et ses semblables du pouvoir, imposera le réalisme et acceptera de lourdes pertes territoriales qui auraient pu être évitées en décembre 2021 s’il y avait eu une attitude différente.

Début septembre, les sources les plus fiables estimaient les pertes ukrainiennes à ce jour dans le conflit entre 240 000 et 400 000, soit trois fois plus que les pertes russes (80 000 morts à la mi-septembre selon la BBC). Cette estimation générale incertaine a été confirmée localement par Vitali Berezhni, responsable du recrutement dans la région de Poltava, en Ukraine : « Sur cent personnes mobilisées à l’automne dernier, il en reste entre dix et vingt, le reste étant morts, blessés et ou invalides ».

A Poltava, le plan de recrutement n’a été réalisé qu’à 13 %, a précisé le responsable, tandis que son homologue de Lvov a reconnu en août que seule une recrue sur cinq se présentait. Начальник Полтавского ТЦК рассказал о ситуации с мобилизацией в своемокруге (strana.today).

La lassitude est généralisée. Alors que les gardes-frontières ukrainiens affirment avoir empêché la fuite de plus de 20 000 conscrits , la demande du gouvernement de Kiev d’expulser les plus de 650 000 Ukrainiens en âge de servir dans l’armée, enregistrés dans l’UE en tant que réfugiés, est difficile à mettre en œuvre.

Dans les missions diplomatiques ukrainiennes à l’étranger, entre 40 et 60 % des employés ne sont pas rentrés au pays à la fin de leur contrat. Sur les vingt personnes qui devaient rentrer de l’ambassade aux États-Unis l’année dernière, une seule est rentrée, et dans certaines ambassades, personne ne rentre du tout. Cette réalité de la boucherie et de la lassitude est apparue de temps à autre dans la presse anglo-saxonne au cours de l’année écoulée, mais dans la presse européenne et nationale, elle reste rare, alors qu’elle est essentielle pour définir la situation. Bribes and hiding at home : the Ukrainian men trying to avoid conscription (Pots-de-vin et cachette à la maison : les hommes ukrainiens qui tentent d’éviter la conscription). The Guardian.

Dans ce contexte, les exigences et les récriminations des autorités ukrainiennes à l’égard de leurs amis européens se font de plus en plus vives. La lassitude face au gouffre sans fond et sans résultat de l’effort financier et militaire de l’Europe est apparue dans la campagne électorale polonaise, pimentée par le désaccord sur l’exportation des céréales ukrainiennes vers l’Europe.

Le président Duda a comparé l’Ukraine à un homme qui se noie et qui peut entraîner au fond de l’eau tous ceux qui tentent de le sauver. Le Premier Ministre Morawiecki a déclaré qu’ils cesseraient d’envoyer des armes à l’Ukraine et que toutes les nouvelles armes qu’ils achèteraient serviraient à s’armer eux-mêmes. Un porte-parole du gouvernement de Varsovie annonce que l’aide aux réfugiés, qui comprend « l’exemption de l’enregistrement de la résidence et des permis de travail, l’accès gratuit à l’éducation, aux soins médicaux et familiaux », ne sera pas prolongée l’année prochaine.

Jusqu’à présent, les réfugiés ukrainiens en Europe occidentale « se sont bien comportés » et sont « très reconnaissants » envers ceux qui les ont accueillis, ils n’oublieront pas cette générosité, a déclaré M. Zelensky dans un entretien avec The Economist, mais « ce ne serait pas une bonne chose pour l’Europe si ces personnes étaient ‘poussées dans leurs retranchements’ », ajoute-t-il dans ce qui semble être une menace voilée de déstabilisation Donald Trump ne soutiendra « jamais » Poutine, déclare VolodymyrZelensky (economist.com).

L’armée ukrainienne épuise ses réserves et le flux d’armes et de munitions occidentales s’amenuise. La solution a consisté à franchir une nouvelle étape dans le jeu des risques : fournir des missiles à longue portée britanniques, français et étasuniens (les Allemands y réfléchissent encore) capables d’atteindre les villes russes. Ces attaques de missiles sur la Crimée ont été rendues possibles grâce aux renseignements , informations et technologies de localisation US et britanniques. Tous ces éléments incitent la Russie à étendre son occupation territoriale au reste de la côte ukrainienne de la Mer Noire, jusqu’à Odessa et la frontière roumaine, et même à répondre par des attaques contre des cibles de l’OTAN pour lesquelles Moscou semble disposer d’importantes capacités en matière de missiles.

Citant des sources des Services secrets étasuniens, le journaliste Seymour Hersh avance que le chef des rebelles de Wagner, EvgeniPrigozhin, préconisait d’attaquer des cibles de l’OTAN et que c’est pour cette raison qu’il a été éliminé. Pourquoi Poutine a tué Prigozhine- Seymour Hersh (substack.com) Qui sait, mais la prudence du Kremlin est en tout cas soumise à un test de risque de plus en plus important.

Les décideurs politiques occidentaux restent déterminés à démontrer le narratif russe sur la guerre en Ukraine. Le 7 septembre, devant le Parlement Européen, l’éloquent secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que « Poutine est entré en guerre pour empêcher l’OTAN de s’approcher davantage de ses frontières » et que si l’OTAN et les États-Unis d’Amérique avaient accepté les conditions formulées par le Kremlin en décembre 2021, il n’y aurait pas eu d’invasion de l’Ukraine.

M. Stoltenberg a également réaffirmé les propos tenus par Charles Richard, chef du Stratcom (commandement stratégique) des Etats-Unis d’Amérique, en novembre 2022, selon lesquels la guerre en Ukraine est un « échauffement » en vue d’une guerre contre la Chine. Si l’Ukraine réussit, les États-Unis pourront se concentrer sur la Chine, a déclaré M. Stoltenberg ce mois-ci. « Si les États-Unis s’inquiètent de la Chine, l’Ukraine doit gagner. Si Kiev gagne, nous aurons la deuxième armée d’Europe et il sera plus facile de se concentrer sur la Chine et moins sur la situation en Europe ». Quoi qu’il en soit, la situation en Asie de l’Est est sans ambiguïté.

Le Japon a doublé ses dépenses militaires et supprimé le neuvième article anti-guerre de sa constitution. Né à Tokyo dans une famille d’Hiroshima et ayant des parents tués par la bombe atomique, le Premier ministre Fumio Kishida a organisé de manière obscène le dernier conclave du G-7 sur la guerre à Hiroshima en mai, sans faire la moindre allusion à l’auteur de la bombe.

En Corée du Sud, le président ultraconservateur Yoon Suk-yeol est également un militariste convaincu qui souhaite que des armes nucléaires US soient déployées sur son territoire (jusqu’à présent soupçonnées de n’exister qu’en « stockage ») et accueille une flottille entière de porte-avions nucléaires dans ses eaux. La Corée du Nord poursuit ses lancements réguliers de missiles démonstratifs et conclut de nouveaux accords militaires avec Moscou. Aux Philippines, les États-Unis établissent quatre nouvelles bases militaires et l’Australie dépense des milliards pour de nouveaux sous-marins nucléaires contre la Chine. Même la Nouvelle-Zélande ne résiste pas et annonce des augmentations de son budget militaire. L’ancien Premier Ministre australien Paul Keating a résumé la situation :

Les Européens se sont battus les uns contre les autres pendant la majeure partie des trois cents dernières années, dont deux guerres mondiales au siècle dernier. Exporter ce poison maléfique vers l’Asie revient à accueillir ce fléau ». Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, « est un parfait imbécile qui se comporte comme un agent des États-Unis au lieu d’agir comme un leader et un porte-parole de la sécurité européenne », a déclaré M. Keating.

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