Fureur rêveuse

Au musée national romain du palais Altemps se trouve une tête de marbre qui, selon la tradition, représente une Fureur endormie. Les yeux fermés, les cheveux ébouriffés sur le front et les joues, les lèvres à peine entrouvertes, le visage de la Furie - s'il s'agit d'une Furie, qu'elle soit Alette, Mégère ou Tisiphone - repose tranquillement sur un oreiller de marbre sombre, comme si elle rêvait.

Une furie qui, au lieu de gémir et de crier, de secouer sa chevelure serpentine, ferme les yeux et rêve, en se niant elle-même. Mais c'est précisément et uniquement le rêve ou le sommeil d'une fureur qui ressemble à la pensée.

La pensée n'est pas seulement contemplation, elle est avant tout fureur. Il n'y a de pensée, il n'y a de contemplation que s'il y a d'abord eu fureur, si, devant l'abomination des hommes et du monde, l'esprit - disait Bruno - descend "dans la partie la plus infernale... il se sent lacéré et déchiré". Et ce n'est que si, dans notre fureur héroïque, nous fermons les yeux et rêvons, que nous avons une véritable tranquillité, une vision et une théorie.

Nos rêves ne sont alors pas des fantaisies diurnes, que nous savons trompeuses et vaines, mais des vérités que, même les yeux fermés, nous ne pouvons nous empêcher de croire, parce que nous avons d'abord vu la vengeance et l'erreur.

La pensée est cet apaisement de la fureur, c'est une Érinye rêveuse.

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