Kojève a déjà exprimé sous forme d'avertissement une critique de l'identité à laquelle il faut réfléchir : "Sois ce que tu ne pourras jamais devenir". L'erreur de ceux qui cherchent une identité est de vouloir devenir ce qu'ils sont déjà.
Ce que nous sommes simplement n'est pas une identité, c'est une expérience printanière toujours présente, qui nous glisse continuellement entre les doigts et que nous ne pouvons donc jamais devenir.
Or la société dans laquelle nous vivons ne nous donne qu'une identité que nous finissons par assumer avec plus ou moins de conviction.
Cette identité - après tout, nous le savons parfaitement - est forcément factice et celui qui veut vraiment devenir ce qu'il est risque - comme cela est arrivé à Nietzsche et comme cela arrive, bien que dans une moindre mesure, à presque tout le monde - de sombrer dans la folie.
Sage, c'est-à-dire sans identité, est celui qui est toujours sans jamais devenir : mais c'est précisément ce que les sociétés dites civilisées d'aujourd'hui considèrent comme étranger et repoussent dans les marges, quand elles ne cherchent pas purement et simplement à l'éliminer.