Affaire Amira Bouraoui : Moralement et juridiquement, la police tunisienne avait tort…

Dans la période postcoloniale, la binationalité est devenue un fait socio-juridique patent qui ne touche pas que l'Algérie. C'est un effet des flux transnationaux qui ont donné naissance à des relations sociétales qui font qu'une personne détient deux passeports différents.

La binationalité s'est imposée et les droits nationaux des différents pays s'y accommodent plus ou moins. Le droit algérien, comme d'autres droits de pays différents, ne reconnaît pas la double nationalité sur le sol national. Mais devant un nombre important de binationaux, le passeport étranger, détenu par des nationaux, est reconnu de facto et non de jure.

Par exemple, si un voyageur présente un passeport français à la police des frontières, il est dispensé de visa s'il présente le passeport algérien. Cependant, le droit algérien ne s'applique qu'au territoire algérien.

Mm Amira Bouraoui est considérée comme algérienne en Algérie, mais si elle est à l'étranger, elle a la nationalité du passeport qu'elle exhibe. Les autorités tunisiennes lui ont reproché d'être entrée illégalement au pays, et tout ce qu'elles peuvent lui demander, c'est de quitter le territoire tunisien. Elle voulait le quitter avec un document légal qui lui permettait d'entrer en France, et c'est son droit.

C'est ce qu'a conclu la juge tunisienne devant qui elle avait été présentée. La juge tunisienne a dit le droit, mais la police voulait l'expulser vers l'Algérie où elle risquait d'aller en prison. Moralement et juridiquement, la police tunisienne avait tort. On n'expulse pas un étranger vers un pays où il risque d'aller en prison pour ses opinions politiques. Et s'il est expulsable, il a le droit de choisir le pays de destination.

L'Algérie officielle a mal réagi à ce qu’elle a considéré comme un enlèvement d'une citoyenne algérienne par des "barbouzes français". C'est toutefois l'interprétation des faits donnée par l'agence officielle l'APS. Le rappel pour consultations de l'ambassadeur d'Algérie par le ministère des affaires étrangères, suite à cette affaire, est plus une saute d'humeur qu'un acte politique réfléchi pour la simple raison que le droit algérien ne s'applique pas à l'extérieur des frontières nationales. Comme le droit français ou brésilien ne s'appliquent pas à l'extérieur de leurs frontières.

Par ailleurs, les individus n'appartiennent pas à leurs Etats respectifs. Ils appartiennent à leurs nations, et s'ils considèrent que leur Etat ne sert pas la nation, ils ont le droit de l'exprimer publiquement, et en cela, ils ne portent pas atteinte à la souveraineté nationale.

Cette notion, souvent invoquée par des régimes autoritaires contre leurs propres citoyens, est une construction politico-juridique qui n'a de sens que si les citoyens sont souverains dans le choix de leurs dirigeants, ce qui, en Algérie, reste à démontrer.

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