Du pourrissement du processus électoral, Kaïs Saied ressort encore plus propre et déjà vainqueur.

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Mais Noureddine Taboubi oppose le barrage de l’UGTT à la droite extrémiste qui le soutient.

« There is something rotten » in the Tunisian democratic lab, dirait aujourd’hui Hamlet. Oui, décidément, il y a quelque chose de pourri dans notre transition démocratique. Au summum de la détérioration du processus électoral, voilà qu’éclate une bombe à fragmentation de Qalb Tounès et des ambitions présidentielles de son chef Nabil Karoui.

Il pèse déjà de très lourdes charges d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent sur ce candidat incarcéré de manière préventive, mais dont la candidature reste toujours valide tant qu’aucune condamnation n’aura été prononcée et bien que cet homme ait fait fi des lois, au moins en patron de la chaine Nessma se moquant des décisions de la HAICA.

Nombreux appellent à sa libération pour qu’il puisse mener sa campagne électorale à égalité des chances avec son concurrent et cela, bien que Nabil Karoui ait pris sur ce point plusieurs mois d’avance sur tous les autres candidats, avec sa chaîne de télévision Nessma qui matraqua le gouvernement si longtemps et qui poursuit aujourd’hui sans vergogne et à grand prix, sur le terrain et sur les ondes, une publicité politique pour ce prétendant à Carthage.

Tant et si bien que la HAICA lui inflige des amendes colossales et que le procureur de la République ouvre une enquête contre l’un de ses féaux, Taoufik Ben Brik. Ce dernier, dans une emphase grotesque, après avoir comparé son patron à JF Kennedy (alternative à la comparaison avec l’abbé Pierre de Fadhel Abdelkefi), se prenant pour un sous-commandant zapatiste, propose de donner un assaut armé épique à la Bastille où est retenu Nabil Karoui. Ridicule, cela ne vaut pas une plainte !

En revanche, un recours en justice a été déposé par le Courant démocratique (Ettayar) contre un contrat d’assistance en relations publiques qu’aurait conclu Nabil Karoui (par le truchement d’un tiers) avec une agence de lobbying dirigée par un ancien chef des renseignements militaires israéliens, conseiller de l’ancien Premier ministre de droite d’Israël Yitzhak Shamir.

Si cette information devait être vérifiée – mais elle est publiée par le ministère américain de la Justice - et si elle n’est pas le produit d’un redoutable coup monté contre Nabil Karoui, alors d’ores et déjà, avec cette regrettable sortie de route, il s’ouvre un boulevard victorieux pour son adversaire Kaïs Saied.

Car beaucoup plus que l’usage d’un argent trouble ayant rétribué à l’étranger un des volets de la campagne de Nabil Karoui, ce que la loi électorale prohibe, les électeurs tunisiens, dans leur passion pour la cause palestinienne et dans leur détestation de la colonisation israélienne, ne lui pardonneront pas de s’être compromis avec un agent de la force armée de l’État hébreu.

De cette boue, Kaïs Saied ressort encore plus propre, plus « pure», mais la pureté est-elle une vertu politique ? Il me semble en tout cas déjà forcément vainqueur. Les citoyens tunisiens sont en grande demande d’intégrité et ont en aversion la corruption : même si cette dernière semble avoir gangrené le tissu social, ils manifestent admiration et respect pour ce professeur de droit, fût-il très conservateur.

Même si le professeur Kaïs Saied peut apparaître, selon une expression gramscienne, comme l’intellectuel organique émanant du peuple et endossant ses revendications majeures, il ne devrait pas assumer la radicalité fascisante d’une extrême-droite islamiste se présentant comme la gardienne du temple de la révolution.

Lui-même vient de désavouer la coalition Karama qui dans sa campagne électorale, exploite la popularité du candidat, tandis que le mouvement de jeunes étudiants sans emploi et sans ressources qui ont porté réellement sur internet et à travers le territoire l’image singulière et digne de leur héraut/héros, le revendique comme un patrimoine dont la coalition Karama l’aurait dépossédé.

Jeudi soir sur le plateau de Hiwar Tounsi, le Secrétaire général de l’UGTT Noureddine Taboubi ne s’emmêlait pas de trop d’ambiguïté. Il déclarait ouvertement et vertement que l’UGTT ne pardonnerait pas le sang que certains de ces extrémistes avaient versé ni les coups qu’ils avaient donnés ni les dommages qu’ils avaient causés un 4 décembre 2012, jours de la commémoration de l’assassinat de Farhat Hached.

Chacun se souvient en effet du tonnerre de colère du précédent Secrétaire général de l’Ittihad, Houcine Abassi, celui-là même qui aurait dû conduire à ces élections un large rassemblement sans ambivalence mais qui aujourd’hui, muet, s’est retiré dans le secret de ses Mémoires.

L’UGTT, après avoir tergiversé, n’a finalement soutenu aucun candidat. Noureddine Taboubi confiait qu’il y a eu au premier tour autant de choix entre les postulants à Carthage que de membres du bureau exécutif de l’UGTT ! Mais il menaçait que l’Ittihad ferait corps comme un seul homme et comme une seule femme pour dresser un barrage contre tous ceux qui se risqueraient à porter atteinte à l’identité tunisienne et aux acquis civilisationnels de l’État moderne tunisien, tout en réaffirmant la dimension sociale du combat syndical, donc à la fois contre l’intégrisme et l’ultralibéralisme.

À bon entendeur, semblait-il dire dans cette interview élaborée comme un manifeste politique où l’UGTT se redéfinit, comme d’habitude aux heures graves, comme le socle indestructible de la nation. Le professeur de droit constitutionnel Kaïs Saied, reçu récemment en tête à tête par Noureddine Taboubi, aura certainement capté le message 5 sur 5.

Alors, to vote or not to vote, peu importe : à chacun son choix, tant que veille l’Ittihad !

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