Élections : Om Zied ira « contre un grand méchant », fût-ce dans « un baroud d’honneur » !!!

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« Mouwatinoun », un petit cercle « de gens qui comptent ».

Le succès des listes indépendantes aux dernières Municipales a-t-il donné des ailes à des initiatives citoyennes en vue des prochaines élections législatives et présidentielles ? Personne n’en était dupe mais il s’est confirmé récemment qu’un grand nombre de ces listes dites indépendantes n’étaient que le faux-nez du mouvement Ennahdha. L’initiative Mouwatinoun, dont la figure de proue est Naziha Réjiba plus connue sous la signature de Om Zied, ne saurait être en aucun cas un des bébés clonés du parti islamiste, tant cette star du journalisme tunisien a peu de tendresse pour ce parti.

Om Zied a de très nombreux fans. Elle a été propulsée à la notoriété par un coup d’éclat involontaire le 8 novembre 1987, jour où elle signa une tribune qualifiant l’avènement de Ben Ali comme un « coup d’État », à la suite de quoi, sous une terrible pression du nouveau régime, le directeur de l’hebdomadaire Erraï, Hassib Ben Ammar - depuis présenté comme le grand-oncle de Youssef Chahed - déposa définitivement son journal aux archives de la presse, ayant compris d’emblée que cette mésaventure était l’acte de mise à mort de la liberté d’expression.

Par la suite, en dépit de quelques éclipses à rapporter sans doute à une alternance familiale aux affaires, Om Zied a mis sa plume acérée et sarcastique au service de la lutte contre le régime de Ben Ali, en écorchant sa bêtise, taillant en pièces son épais manteau d’oppression et contribuant à la démolition du couvercle de plomb pesant sur la nation, à telle enseigne que Moncef Marzouki prit cette femme indépendante en capture de guerre et l’intégra à la direction de son parti, le CPR. Après la révolution, nous ne savons pas jusqu’à quel point elle endura de cautionner les hallucinantes fantaisies du président Marzouki. Je préfère me souvenir de ses charges courageuses dans les médias contre les hauts-parleurs des minarets salafistes autorisés alors par la gouvernance de la Troïka.

Puis elle devint l’animatrice d’une association de veilleurs, Yaqadha, un peu éteinte ces derniers temps mais dont les clignotants ont pu inspirer la naissance de Mouwatinoun.

J’ai toujours eu pour Om Zied une grande sympathie et une grande estime, me reconnaissant un peu comme son alter ego alors que nous étions toutes deux du même côté de la barricade, elle, brillant en langue arabe sur des sites électroniques interdits et moi-même animant en langue française le site journalistique Alternatives Citoyennes, censuré également, premier journal en ligne né en mars 2001.

Sans être féministe déclarée tout en étant une femme libre, Naziha Réjiba fait partie de ces amazones en résistance contre Ben Ali dont je ne citerai ici, de peur d’oublier certains noms, que la journaliste et activiste tout terrain Noura Borsali, aujourd’hui décédée, simplement parce que je suis choquée que le président du conseil municipal de l’Ariana, Fadhel Moussa, ait eu l’inconvenance de priver son nom d’une reconnaissance mémorielle. Toutes ces femmes furent une formidable force de frappe contre la dictature et le seront certainement contre tout autre régime d’oppression.

C’est dire avec quel intérêt j’ai écouté vendredi 8 mars sur les ondes de la radio IFM Naziha Réjiba invitée à parler de l’initiative Mouwatinoun. Mais elle la présenta d’une manière déconcertante pour moi, comme un regroupement « de gens qui comptent », une centaine aujourd’hui mais l’initiative est appelée à s’élargir.

À ce moment là, je me suis demandé si je devais partager cette option de la sélection au nom de l’intelligence, de la culture et de la prédilection pour la morale dans la vie politique, toute distinction qui la mena à vilipender notre représentation parlementaire pour son dérèglement, son irrespect des institutions, sa désinvolture et son irresponsabilité, particulièrement lors de l’élection ratée des membres de la Cour constitutionnelle.

Pleinement d’accord avec cette mise au pilori au moins d’un grand nombre des députés de la nation, je me sens dérangée par ce parti pris d’une élite qui s’autoproclamerait ainsi en se cooptant comme un Rotary Club, d’autant qu’au bout de sa diatribe contre nos élus incultes, elle célébra à l’inverse « l’érudition du président français », incontestable mais en même temps brillant produit des grandes écoles libérales et de la haute finance, supérieur et méprisant !

Interrogée sur l’identité politique de ses partenaires, elle les qualifia de « socio-démocrates » sans le moindre développement, mais il est vrai que l’interview fut brève. Néanmoins l’intelligence, la culture, le sens éthique, le bel esprit, ça change mais c’est un peu court comme programme ! De plus, il s’agit d’un mouvement très informel dont nous ne savons rien du financement ni du mode de fonctionnement, au moment venu de la campagne.

Car ce type d’initiative jette le discrédit sur l’organisation en parti. Or, pour prendre toujours l’exemple français, le mouvement « En marche » d’Emmanuel Macron s’est finalement structuré en parti.

Elle ne donna aucun nom non plus, ne désigna aucune personnalité d’excellence de sa liste, soutenant qu’ils avaient opté pour la discrétion. Il faudra alors l’imposante stature d’Om Zied pour mettre quelques bémols à l’ostentation d’une compagne de route, l’ex magistrate Kalthoum Kannou qui, sur un CV magnifié de résistante héroïque au dictateur déchu, ne s’est pas gênée en 2014 pour partir sur des chapeaux de roues en campagne présidentielle.

Questionnée inévitablement un 8 mars sur le projet de loi successorale, elle évita de répondre, contournant la difficulté en se refusant d’en faire « un enjeu électoral ». Naziha Réjiba ne peut qu’y être acquise mais elle montre une fois de plus dans cet art de l’esquive, qu’elle n’est pas une idéaliste romantique mais une habile tacticienne.

Ainsi donc Mouwatinoun au masculin pluriel, ne serait-il par cette dérobade, qu’un mouvement de citoyens et de moindres citoyennes ? Car l’égalité entre hommes et femmes dans l’héritage, dans le travail, dans la vie publique, n’est pas un enjeu électoral, elle est un enjeu de civilisation. Un mouvement de « gens qui comptent » par leur culture, leur morale et leur production intellectuelle, devrait avoir l’audace de porter en avant-garde, un tel projet.

En fin d’interview, cette figure phare de la contestation ne pouvait échapper à la question d’une éventuelle candidature à l’élection présidentielle. Avec les valeurs qu’elle professe, toute sa culture, et comblée par un très fort capital de sympathie, elle ne devrait être que dans la conscience de la vanité des honneurs du pouvoir. Néanmoins, amusée, elle releva le gant et affirma qu’elle n’hésitera pas à y aller « contre un grand méchant », fût-ce dans un baroud d’honneur.

J’avoue qu’entre cette femme incandescente et une ombre maléfique, mon choix est fait. Pourtant, préalablement, j’examinerai dans le détail le parcours et le discours de ses colistiers, j’analyserai les recoins d’une idéologie et d’un programme politique, j’apprécierai si la dynamique de cette initiative rejoint les autres mouvements citoyens et populaires, dans une convergence des luttes pour la défense de la revendication sociale et la promotion d’une modernisation sociétale.

Après, mais seulement après, pour ma part, je pourrais soutenir Mouwatinoun et lui apporter ma voix au chant du cygne de la très maligne et excellente Om Zied.

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