TMM++, panique autour des crédits immobiliers et escroqueries bancaires

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Ira-t-on vers une crise de subprimes à l’échelle tunisienne

Le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie feint-il de n’avoir pas envisagé les retombées du relèvement du taux d’intérêt directeur et donc du TMM, trois fois de suite en un an, sur les crédits immobiliers, particulièrement ceux à taux variable ? Ou bien cela n’est-il pas son problème ?

C’est en tout cas le problème de la journaliste Amina Ben Doua et des auditeurs de Mosaïque FM au forum de ce mercredi 27 février. Ce dernier se déroule en présence d’un membre de la direction de la fédération tunisienne des banques, Abdennaceur Abdelghani qui répond à chaque question posée.

Résumons : Les deux dernières augmentations du taux directeur de 175 points de base avant celle de fin février 2019 ont eu une répercussion importante sur le TMM et ce dernier, majoré de la marge bénéficiaire d’intérêts perçus par les banques (de 1 jusqu’à 4 points parfois mais en moyenne plus 2,50%) a fait flamber le montant de la charge mensuelle de remboursement. Et bien sûr la dernière augmentation du taux directeur de 100 points de base portant le TMM à 8,24% fin mars alourdira davantage le remboursement mensuel des crédits immobiliers.

Cette « inflation » du coût du crédit est attendue par les emprunteurs dans l’affolement. Pourtant le pire survient lorsque ces crédits ont été contractés à des taux variables, ce qui est le cas des crédits sur une durée inférieure à 15 ans : une manne pour les banques que cette variabilité !

Mais, précise monsieur Abdelghani, tous les prêts immobiliers d’une durée supérieure à 15 ans doivent être soumis à des taux fixes. C’est une obligation pour toutes les banques. Or le forum de Mosaïque révèle les escroqueries bancaires et déchaîne la colère des intervenants sur antenne : nombre d’auditeurs témoignent d’emprunts à des taux variables alors que la durée du remboursement est bien supérieure à 15 ans !

Tel enseignant dont le salaire est de 1900 DT voit sa mensualité de remboursement passer de quelques 800 DT à 1100 DT, et telle autre dame voit sa mensualité passer de quelques 600d DT à 800 DT ! Les témoignages s’enchaînent et nous renvoyons à l’émission. Or il ne s’agit là que des conséquences des deux premières hausses du taux directeur et du TMM, l’an dernier. Qu’en sera-t-il fin mars après la dernière hausse ?

Certes les emprunteurs à des taux fixes ont déjà fait le calcul de l’augmentation du remboursement mensuel de leurs crédits et cela leur laisse déjà un goût amer ! Mais l’affaire leur reste en travers de la gorge quand les prêts ont été accordés à des taux variables. Cela devient un scandale lorsque ces prêts ont été accordés pour plus de 15 ans car malgré l’interdiction, certaines banques privées appliquent quand même un taux variable ! Dès lors, les emprunteurs trouvent leur relevé de banque amputé non pas à hauteur d’un maximum de 40% de leur salaire, ce qui est le seuil autorisé, mais à hauteur parfois de 60% de leur salaire, ce qui leur en laisse 40% pour vivre.

La panique se mêle à l’indignation et à la colère. Un certain nombre d’emprunteurs ainsi abusés se sont plaints au médiateur de la banque, intermédiaire obligatoire pour chaque banque mais là encore la règle n’est pas respectée.

Dans le meilleur des cas, une solution est proposée à l’emprunteur victime de la tricherie de la banque et une seconde fois floué : le premier contrat irrégulier est annulé, le trop perçu illégalement par la banque n’est pas restitué et un nouveau contrat est proposé à un taux fixe comme le prescrit la loi. Mais pour punir l’emprunteur protestataire, la banque s’accorde une majoration confortable du TMM et les frais du nouveau dossier sont à la charge du client !

On comprend pourquoi résonne sur les ondes de Mosaïque FM ce qualificatif de ce type de banquier véreux, prononcé non pas par un citoyen lambda mais par « un ami de la Banque centrale » : ce sont des bandits ! Et les auditeurs renchérissent, se plaignant de la hausse globale des frais bancaires et mettant l’augmentation des dividendes échus aux actionnaires des banques en contrepoint de la ponction subie mensuellement au niveau du remboursement du prêt.

Il y a onze ans aux USA, la hausse subite du taux directeur a eu des conséquences terribles sur les prêts hypothécaires à taux variable. Les emprunteurs petits salariés n’ont pas pu faire face au remboursement brutalement gonflé de leur crédit. Les organismes de crédit ont voulu revendre les biens immobiliers saisis mais une bulle immobilière avait fait chuter dans la foulée les prix de l’immobilier à la vente. Alors ces organismes ont fait faillite, c’est le début de la crise financière mondiale de 2008 appelée crise des subprimes.

Évidemment nous sommes ici à l’échelle tunisienne. Qu’adviendrait-il si dans la suite du mois de mars, date de démarrage des nouveaux taux, les emprunteurs ne pouvaient faire face aux remboursements ! Notons cependant qu’il semble que la Banque centrale ait anticipé en interdisant un taux de crédit immobilier supérieur à 9.75%. Mais les clients des banques, c’est-à-dire le plus gros des classes moyennes qui vivent à crédit, vont déserter le parc immobilier tunisien déjà presqu’en état de bulle immobilière malgré les mesures d’accompagnant du secteur immobilier, notamment celle concernant le premier achat pour les petits revenus.

On me reprochera peut-être d’accorder beaucoup d’importance à ce problème et d’insister sur le fait que ces escroqueries bancaires sont connues et ne sont pas sanctionnées : au contraire, notre gouvernance fait les yeux doux aux banques.

L’affaire soulevée au cours de ce forum aura pourtant des suites graves. Elle n’est pas que la conséquence collatérale du relèvement du taux directeur. Elle signale une pièce de plus ajoutée à l’échiquier ultralibéral installé progressivement par notre système de gouvernance.

C’est sur ce point-là des orientations économiques qu’une opposition très hésitante et dispersée devrait développer un programme commun et partir en campagne, à moins que toute solution raisonnable pacifique et démocratique ne soit devancée par une petite crise des subprimes à l’échelle tunisienne.

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