De L'Intérêt De La Galoche.

Photo

Mon chat César est d’humeur câline ce matin. Après un petit tour d’inspection, comme s’il voulait vérifier que les vilaines odeurs qu’il hume en frétillant des vibrisses émanent bien de son esclave préféré, il s’étire voluptueusement contre ma jambe en ronronnant, saute sur la table, renifle mon café noir, évite la confiture de raisin et se frotte sans vergogne contre mon bras, abandonnant pour l’occasion quelques poils qui volettent joyeusement sur ma tartine.

Il se fait bien sûr rabrouer mais il n’en a cure et s’allonge de tout son long avant de se lancer dans l’une de ses interminables toilettes avec force coups de langues et grognements satisfaits. En réalité, il n’est sans doute venu tournicoter autour de moi que pour mieux faire provision de bactéries. Les scientifiques l’ont démontré. Notre corps est essentiellement composé d’eau, d’un peu d’os pour faire tenir l’ensemble debout et de milliards de bactéries qui s’immiscent jusque dans les moindres recoins.

Comme l’explique si drôlement Giulia Enders dans son "Charme discret de l’intestin", celles qui le colonisent se révèlent ainsi de précieuses auxiliaires. Elles nous aident à assimiler la viande que nous ingérons généralement cuite depuis qu’à Gescher Benot Ya’acov, sur les rives du Jourdain, il y a 790 000 ans, un homo erectus a fait cuire pour la première fois son entrecôte d’auroch. Et elles contribuent avec une grande efficacité à tirer le meilleur parti des cinq fruits et légumes réglementaires comme, par exemple, la courgette dont elles favorisent la transformation des caroténoïdes et autres zéaxanthine si utiles dans la lutte contre les attaques sournoises des radicaux libres.

Contrairement aux obsessions de la publicité pour produits ménagers, les bactéries sont essentielles au bon fonctionnement de nos organismes. Or, selon une équipe de chercheurs de l’université étasunienne de l’Oregon, non seulement nous abandonnons sans vergogne une partie de celles qui colonisent notre peau et nos muqueuses sur chaque objet que nous touchons tels que la rampe d’escalier du métro, la poignée de la porte des toilettes du restaurant et le bras amical de la collègue en remerciement de sa compassion suite à une remarque désobligeante de la chef de bureau. Mais nous en émettons également en permanence autour de nous en un nuage subtil et délicat pour signaler notre présence lors de nos déplacements, marquer notre territoire aussi sûrement que le roquet de madame Hidalgo au pied du réverbère de la place de la Mairie ou informer notre entourage de nos humeurs, qu’elles soient chagrines ou satisfaites.

Mais c’est encore avec la pratique du baiser florentin, plus connu de nos jours sous le label "French kiss", que nous échangeons le plus grand nombre de nos bactéries. Certains chercheurs avancent le nombre faramineux et, en définitive, assez peu vérifiable, de 40 millions d’unités passant d’une bouche à l’autre et inversement. Ce qui a certes pour effet de transmettre en quelques secondes seulement nombre de germes délétères tels que le virus de la grippe, les affreux colibacilles de la gastro entérite ou les staphylocoques dorés qui s’épanouissent si bien au cœur des furoncles proliférant souvent sur les peaux séborrhéiques.

Mais ce qui permet également de dispenser naturellement des bactéries dites traceuses qui, à l’issue d’une course effrénée jusqu’au cerveau du ou de la partenaire, se plaisent à stimuler la production de la fameuse dopamine qui déclenche sans coup férir ce que l’on appelle communément le désir amoureux.

On voit par-là combien il serait dommage de se priver, par l’effet dévastateur d’un malencontreux coup d’éponge de trop, de ces modestes collaboratrices.

Outre le plaisir qu’elles déclenchent, elles se révèlent particulièrement utiles à la reproduction humaine et à la survie de l’espèce. Mais qu’en sera-t-il demain au royaume de l’hygiène à tout prix ? Les chemins du futur étant imprévisibles, l’avenir nous laisse donc encore bien des choses à penser à propos de l’avenir.

Poster commentaire - أضف تعليقا

أي تعليق مسيء خارجا عن حدود الأخلاق ولا علاقة له بالمقال سيتم حذفه
Tout commentaire injurieux et sans rapport avec l'article sera supprimé.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات