Migrants

Un magnifique marronnier plus que centenaire marque la croisée de la route conduisant au village avec celle, plus cahoteuse, conduisant vers les collines qui l’entourent. Hélas, depuis plusieurs années, un chancre assassin s’en prend à ses feuilles qui jaunissent et meurent dès la mi-août. Lui qui a vu Félix Faure entrer à l’Élysée verra-t-il le prochain gagnant de l’élection présidentielle en grimper les marches tout fier de sa victoire ?

En réalité, seuls les journalistes savent faire revivre un marronnier. Celui de la rentrée scolaire a été traité comme il se doit dans tous les médias sans exception. Ils n’ont pu, cependant, ignorer les innombrables drames des réfugiés syriens fuyant leurs maisons, leurs terres ou leurs villes envahies par la dictature ou par Daech. Ils n’ont pu ignorer les hommes, les femmes et les enfants morts noyés dans les soutes de bateaux de fortune en traversant la Méditerranée. Ils n’ont pu ignorer les drames qui se nouent chaque jour sur notre sol pour les candidats au passage vers l’Angleterre. Et les hommes politiques se voient contraints de gesticuler pour montrer qu’ils ne restent pas inactifs face à ces tragédies humaines.

Les phénomènes migratoires ont toujours existé et c’est d’ailleurs ainsi que nos douces régions se sont d’abord peuplées. Le monde est aujourd’hui traversé de vastes courants pour cause de guerres civiles, de fanatismes religieux, de famines, de désertification, de montées des eaux. Plus de soixante millions d’hommes, de femmes et d’enfants quittent tout en espérant que l’herbe sera plus verte de l’autre côté de la colline. Que la vie y sera moins rude, moins dangereuse. Que la vie y sera vivable. Mais partout et comme toujours, les immigrés sont mal reçus. Accusés d’alimenter l’insécurité des villes. De prendre les rares emplois disponibles. De vivre sur le dos du contribuable. En un mot, de manger le pain des autochtones.

Sagement affalé dans son fauteuil, le brave citoyen s’indigne du sort odieux réservé à ces affamés de la vie par des trafiquants criminels. Mais de là à ouvrir sa porte, à donner un verre d’eau, une couverture, un bol de lait, un quignon de pain, un morceau de fromage…De là à ouvrir les bras pour les accueillir comme des êtres humains et non plus comme des concurrents… Ces hommes, ces femmes, ces enfants sont pourtant riches de leurs expériences, de leurs connaissances, de leur rage de vivre, de leurs espérances. Ils nous apportent un vent d’air frais fort bienvenu pour chasser les miasmes de la peur de l’avenir qui étouffe nos sociétés assoupies derrière leur principe de précaution.

Ces immigrants sont une richesse en soi et en devenir. Lorsque la paix sera revenue dans leur Pays, beaucoup repartiront dans l’espoir de retrouver leurs terres, leurs familles, leurs anciens. Ils garderont au cœur une attention particulière, presque affective, pour le Pays qui les aura acceptés. Ils garderont au cœur une attention particulière chargée de rancune et de désillusion pour les Pays qui les auront rejetés. Les recevoir dignement et fraternellement, comme le rappellent chaque jour les frontons de notre belle République, relève autant de la simple humanité que de la sauvegarde de l’avenir. Parce que les chemins du futur sont imprévisibles et que la sagesse conseille d’en écarter dès à présent les inéluctables embûches. Ce qui nous laisse encore bien des choses à penser.

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