Homo Naledi

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Après la phase de déforestation destinée à dégager un espace suffisant pour édifier leur maison, mes futurs voisins de l’autre côté du chemin ont entrepris la construction elle-même. Depuis plusieurs jours, tandis qu’une noria de camions livre des palettes de parpaings, une pelleteuse creuse tant bien que mal les futures fondations. Dans nos contrées granitiques, l’engin risque plus de buter contre un mégalithe que de révéler l’entrée de quelque caverne préhistorique.

L’équipe du professeur Lee Berger de l’université du Witwatersrand à Johannesburg était quant à elle pratiquement assurée de faire la trouvaille du siècle en explorant cette grotte au cœur même du réputé site archéologique de Maropeng. Une quinzaine d’hominidés, du bébé à l’adulte, y reposaient en effet en paix depuis peut-être un million d’années. Ni les glaciations, ni les réchauffements climatiques, ni les éruptions volcaniques et ni les tremblements de terre n’étaient parvenus à troubler la quiétude de leur sommeil éternel.

Quelques paléontologues en mal de célébrité auront suffi à les jeter sous les feux de l’actualité. Après avoir reconstitué leurs squelettes et les avoir auscultés sous toutes les coutures, nos scientifiques s’accordent à reconnaître qu’en dépit de leur âge présumé et malgré l’absence des signes caractéristiques des maladies de Dupuytren ou de Madelung et d’œil de perdrix, les mains, les poignets et les pieds de ces Homos Naledi, comme on les nomme désormais, pourraient s’apparenter à ceux de l’homme moderne. En revanche, sous le prétexte que leur encéphale ne dépassait guère la taille d’une orange, ils refusent de les accueillir dans la grande et belle famille des homos-sapiens.

Comme si la taille du cerveau suffisait à déterminer la qualité de ce qui en sort ! Quoi qu’il en soit, prenant en compte le fait que les ossements ont été découverts au beau milieu de cette région que l’Unesco appelle joliment le "berceau de l’humanité", les scientifiques les plus réticents à les inscrire dans le même registre que nous leurs concèdent toutefois le titre de pré-humains. Mais c’est pour aussitôt les rabaisser au rang d’Australopithèques ! Ils ne connaissent rien du mode de vie de ces gens. Se nourrissaient-ils bio ? Consommaient-ils leurs cinq fruits et légumes règlementaires ? Préféraient-ils leur steak de gnou bleu ou à point ? Mangeaient-ils du poisson deux fois par semaine ? Qui faisait la vaisselle après le repas ?

Nos grands archéologues sont bien en peine de répondre à ces simples questions domestiques. Et comme ils n’ont pas trouvé non plus la moindre trace d’une quelconque vie culturelle telle qu’un tag du Shepard Fairey local, une "sculpture" d’un Anish Kapoor de l’époque ou des brouillons gravés dans la glaise d’une future Amélie Nothomb, ils n’hésitent pas à attribuer à ces braves hominidés qui n’avaient rien demandé à personne le même niveau d’intelligence qu’à ces brutes épaisses de Boko Aram qui illustrent si bestialement nos écrans de télévision. Si c’était pour les insulter, ce n’était pas la peine de les importuner en se comportant comme de vulgaires pilleurs de tombe. Désormais, au vu de tant d’inconséquence, le commun des mortels est en droit de s’interroger. Les chemins du futur étant fort imprévisibles, ne risquons-nous pas, demain, de voir notre sieste perpétuelle gâchée par des importuns trop curieux ? Voilà qui laisse bien des choses à penser.

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