Le bûcher purificateur.

Le facteur préposé à la distribution du courrier jusque dans mon courtil est un homme tout à fait charmant ; il a hélas la vilaine manie d’en déposer de temps à autre de forts désagréables dans ma boite aux lettres. C’est ainsi que je trouvai ce matin-là, entre l’invitation de la CPAM à me faire vacciner contre la grippe et celle du centre des impôts à m’acquitter du montant de ma facture d’eau, une note d’un ancien éditeur m’informant comme l’exigent la courtoisie et la réglementation de l’envoi au pilon des derniers exemplaires invendus de deux de mes titres publiés chez lui.

L’affaire remontant à la fin du siècle dernier, je ne saurais le blâmer de faire, après tant d’années, le ménage dans ses entrepôts. Mais, comme aurait dit le Marius de Marcel Pagnol, l’idée de détruire des livres me fend le cœur.

Un livre est pour moi aussi précieux qu’un coquelicot, une mésange charbonnière, une sonate de Mozart ou un sourire d’enfant, il est hors de question de m’en séparer de quelque manière que ce soit. Je pourrais en effet à tout moment souhaiter le rouvrir, y rattraper un mot, une phrase, une idée ou même en retrouver simplement l’odeur et l’atmosphère.

L’idée de le brûler me fend donc le cœur. En revanche, au pays des adeptes du "wokisme", on n’hésite pas à pratiquer ce qu’ils appellent des autodafés purificateurs !

On connaît la ritournelle de jadis où les écoliers réunis dans la cour de récréation brûlent livres, cahiers et maîtresse au milieu pour marquer la fin de l’année scolaire. Les paroles sont bien entendu symboliques même si certains parents d’élèves y voient parfois des incitations au meurtre.

On se souvient surtout des dantesques scènes de destructions de livres orchestrées dans diverses villes du Reich par des étudiants, professeurs et autres instances nazies, notamment devant l’Opéra de Berlin le 10 mai 1933. Collectés auprès des particuliers, des bibliothèques et des librairies, des dizaines de milliers d’ouvrages réputés nuisibles à "l’esprit allemand" seront ainsi jetés au bûcher. On sait ce qu’il en advint.

Sans doute brûle-t-on ainsi rouleaux, codex et autres libelles depuis toujours mais l’on pouvait espérer que les suppôts nazis ne connaîtraient plus jamais d’imitateurs. Il n’en fut rien hélas. Entre 1998 et 2001, les Talibans brûleront plus de 55000 livres rares en Afghanistan. En janvier 2013, ce sont les manuscrits d’Ahmed-baba à Tombouctou au Mali qui sont la proie des flammes attisées par les milices islamistes et en 2015, ce sont les djihadistes de l’État Islamique qui profèrent le même outrage à Mossoul en Irak.

Quatre ans plus tard et sans doute pour ne pas être en reste, des prêtres catholiques de la ville de Koszalin en Pologne brûlent devant un nombreux public des exemplaires des sagas Harry Potter et Twilight qu’ils jugent sacrilèges. Et à la fin de cette même année 2019 et alors que la pandémie de la covid19 s’installe, les écoles chrétiennes de la Providence au Canada procèdent elles aussi à une semblable cérémonie purificatoire pour près de 5000 livres pour la jeunesse au prétexte qu’ils osent "parler mal" des autochtones qui vivaient là bien avant l’arrivée des blancs occidentaux.

Nul ne pourra jamais empêcher l’émergence de nouvelles idées ou de nouvelles interprétations des anciennes, les livres seront donc toujours subversifs et leur lecture la meilleure arme contre les ténèbres de l’obscurantisme. Mais on voit bien que même dans les pays dits "civilisés", la police de la bienpensance n’a toujours pas regagné ses tristes casernes ! Et avec l’arrivée de la pensée "wok" dans les médias, elle influe même de plus en plus sur nos sociétés où elle empêche tout débat intelligible et rationnel. On sait hélas vers quel monde cette censure idéologique conduit. (Autodafés, Michel Onfray, Presses de la Cité / L’idéologie woke, Face au wokisme, Pierre Valentin, Fondapol).

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