La guerre sanglante du Soudan est imperméable à l’art du deal de Trump

Depuis plus de 500 jours, le monde observe les Forces de soutien rapide (RSF), une milice paramilitaire, étrangler méthodiquement la dernière grande garnison de l’armée à El-Fasher, au Darfour, par le siège, la famine et les bombardements indiscriminés. Aujourd’hui, avec la déclaration de la RSF affirmant avoir pris le contrôle du quartier général de la Sixième Division d’infanterie des Forces armées soudanaises (SAF) à El-Fasher, cette stratégie atteint son sinistre aboutissement.

La capture de cette ville historique constitue une victoire militaire majeure pour la RSF et son chef Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti. Mais cette victoire a coûté la vie à au moins 1 500 civils, dont 100 patients dans un hôpital. Elle consacre également la partition de facto du pays, la RSF consolidant son emprise sur l’ensemble du Darfour et gouvernant depuis son gouvernement parallèle nouvellement établi à Nyala, dans le Darfour du Sud.

Pendant ce temps, l’État dirigé par la SAF s’accroche au centre riverain et à l’est, depuis Port-Soudan. L’envoyé spécial de l’administration Trump a exprimé publiquement son inquiétude, son conseiller principal pour l’Afrique, Massad Boulos, mettant en garde contre une « situation de facto sur le terrain similaire à celle que nous avons vue en Libye ».

La chute d’El-Fasher est survenue juste après les réunions du « Quad », un forum diplomatique réunissant les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis à Washington. Alors que ces réunions se tenaient, des pourparlers indirects ont eu lieu dans la capitale américaine entre une délégation gouvernementale soudanaise menée par le ministre des Affaires étrangères du Soudan, et une délégation de la RSF dirigée par Algoney Dagalo, chef des achats de la milice (sanctionnée) et frère cadet de son leader.

La déclaration conjointe du Quad du 12 septembre, qui a ouvert la voie à ces développements en proposant une trêve de trois mois et un processus politique, a été saluée comme une percée. En réalité, il s’agissait d’un consensus fragile entre des États qui soutiennent activement des camps opposés du conflit ; elle a été rejetée dès le départ par le chef de l’armée soudanaise.

Dans ce bourbier est intervenue l’administration Trump, avec Boulos à sa tête. Fraîchement sorti d’un cessez-le-feu précaire à Gaza, le gouvernement pense pouvoir reproduire sa méthode de négociation au Soudan. Mais cela traduit une profonde incompréhension de la nature du conflit et des leviers disponibles.

La guerre de Gaza, malgré son horreur et sa complexité, offrait des conditions plus propices. Les principaux acteurs régionaux — Émirats, Arabie saoudite, Égypte — partageaient des objectifs communs : éliminer le Hamas, mettre fin aux opérations militaires et établir un scénario stable pour « l’après-guerre ». Ce consensus a permis une pression diplomatique sur les deux camps, avec la Turquie, le Qatar et l’Égypte exerçant une influence sur le Hamas, tandis que les États-Unis ont pesé sur Israël pour accepter l’accord.

Cela a facilité un échange clair : des otages contre une pause dans les combats. La catastrophe humanitaire immédiate pouvait ainsi être atténuée, tandis que les questions épineuses d’un règlement final étaient reportées.

Le Soudan présente l’inverse de ces conditions. Les États-Unis n’y sont pas une puissance hégémonique, mais un acteur secondaire dans un champ saturé de puissances moyennes ambitieuses. Le conflit est devenu un théâtre de rivalités régionales et internationales, impliquant les membres arabes du Quad, l’Iran, la Turquie, et même la Russie et l’Ukraine (la première comme fournisseur d’armes, la seconde aurait déployé des forces spéciales).

Faute de canaux directs avec les belligérants, l’administration Trump a adopté un modèle externe, inspiré du rôle actif de l’Égypte dans le cessez-le-feu de Gaza. Le président Trump aurait chargé le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi de « faire pression » sur al-Burhan, chef de la SAF, pour le convaincre de participer aux pourparlers à Washington.

Mais ce modèle échoue lorsque le patron n’a pas une emprise totale sur son client. Il s’effondre complètement face à une faille plus grave : la participation active des médiateurs en tant que fournisseurs d’armes aux belligérants, une réalité que les États-Unis n’ont pas voulu contrer par leur propre influence.

Cette hypocrisie est particulièrement flagrante dans les actions des Émirats arabes unis. À peine la feuille de route du Quad était-elle publiée que des drones fournis par les Émirats ont resserré l’étau autour d’El-Fasher, facilitant sa chute. Malgré leurs appels publics à un « cessez-le-feu immédiat » et à une « transition civile », la fourniture d’armes sophistiquées et de combattants étrangers, notamment des mercenaires colombiens recrutés via des sociétés basées aux Émirats, tourne en dérision le cinquième principe du Quad, qui stipule que « la fin du soutien militaire externe est essentielle pour mettre fin au conflit ».

De l’autre côté, l’Égypte et l’Arabie saoudite ont clairement pris parti pour la SAF. Leur soutien diplomatique s’est doublé d’une fourniture d’armes et de renseignements par l’Égypte. Hemedti a lui-même accusé Le Caire d’avoir mené des frappes aériennes contre des positions de la RSF au centre du Soudan l’année dernière, après que l’armée eut repris Khartoum et les États environnants.

Cette fragmentation externe reflète une division encore plus existentielle sur le terrain. À Atbara, quelques jours après sa rencontre avec Sissi, le général al-Burhan a prononcé un discours enflammé rejetant toute paix imposée. Il a déclaré : « Il n’y aura aucune négociation avec quelque partie que ce soit », ajoutant que le seul processus acceptable est celui qui « restaure la dignité du Soudan… et élimine toute possibilité future de rébellion ».

Al-Burhan n’est clairement pas l’acteur docile que Sissi était censé livrer. Il est le chef d’une coalition fragile en temps de guerre, pour qui tout compromis est une trahison.

L’armée considère la paix comme une reddition de la RSF. Elle s’accroche à la Déclaration de Djeddah de mai 2023 et à sa propre feuille de route politique soumise à l’ONU, qui la positionne comme gardienne de l’État et la RSF comme une force rebelle. Ce cadre exige la reddition totale des gains territoriaux de la RSF comme condition préalable à tout processus politique — une exigence inacceptable pour une force qui contrôle de vastes territoires depuis le début de la guerre en avril 2023.

À l’inverse, la RSF défend les principes de l’Accord de Manama de 2024, issu de négociations secrètes de haut niveau à Bahreïn entre les représentants des deux camps, facilitées par les services de renseignement égyptiens et émiratis. Cet accord offre à la RSF une voie de survie politique tout en lui permettant de revendiquer une adhésion aux normes juridiques internationales — une revendication qu’elle maintient même alors que ses forces commettent des massacres ethniques à El-Fasher, et que l’administration Biden a formellement reconnu un génocide plus tôt cette année.

L’accord exigeait la remise des criminels de guerre inculpés à la Cour pénale internationale, dont l’ancien président déchu Omar el-Béchir, toujours détenu par la SAF. Il appelait également à une refonte complète de l’armée et au démantèlement des réseaux islamistes devenus indispensables à la survie militaire de l’armée.

Prévisiblement, les pourparlers ont échoué, la direction de l’armée ayant rejeté l’accord, ses termes visant les islamistes radicaux qui forment l’épine dorsale de son effort de guerre.

Dans un contexte aussi polarisé, une stratégie de médiation efficace exige bien plus que des réunions de haut niveau et des déclarations communes. Elle requiert un engagement soutenu, une volonté d’exercer une pression réelle sur les parrains extérieurs, et un investissement à long terme dans un processus politique véritablement inclusif.

L’administration Trump, focalisée sur les victoires rapides et les séances photo, n’a jusqu’ici montré aucun appétit pour une telle entreprise.

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