L’impasse arabe « dévastatrice » sur ce qu’il faut « faire » à propos de Gaza

La dernière série de négociations sur le cessez-le-feu à Gaza au Caire résume le paradoxe angoissant qui s’empare de l’enclave dévastée.

Alors même que des sources de sécurité égyptiennes signalaient une « percée significative » vers une trêve à long terme le 28 avril, et qu’une délégation du Hamas partait après des « pourparlers intensifs », l’impasse familière s’est rapidement réaffirmée. Les responsables israéliens ont rapidement nié tout progrès, les médiateurs qataris ont confirmé des avancées mais aucun accord sur la fin de la guerre qui dure depuis 18 mois, et le Hamas a réitéré son refus de désarmer – un point non négociable pour Israël.

Le tourbillon d’activité diplomatique masque des visions fondamentalement irréconciliables pour l’avenir de Gaza, non seulement entre Israël et les Palestiniens, mais, surtout, entre les principaux États arabes eux-mêmes. Alors que les médiateurs font la navette entre les capitales, Israël, sous le Premier ministre Benjamin Netanyahou, poursuit un contrôle militaire indéfini, soutenu par une administration Trump apparemment permissive.

La position d’Israël, clairement exprimée par Netanyahou et son gouvernement, forme l’un des pôles de cette impasse. Les objectifs officiels de la guerre – détruire le Hamas et libérer des otages – restent contradictoires sur le plan opérationnel, mais les actions d’Israël privilégient les premiers. Netanyahu exclut explicitement la gouvernance de l’Autorité palestinienne (AP) à Gaza et insiste sur le fait qu’Israël doit maintenir un contrôle de sécurité global « sur toute la zone à l’ouest du Jourdain », rendant tout État palestinien moins que souverain.

Cette position est renforcée par les partenaires de la coalition d’extrême droite qui poussent à des déplacements massifs et à la dissolution de l’Autorité palestinienne. Face à cette position israélienne intransigeante, le monde arabe présente un paysage fracturé de visions concurrentes sur le Hamas et l’avenir politique de Gaza.

Au carrefour diplomatique se trouve l’Égypte, qui effectue un exercice d’équilibre précaire. Poussé par la peur existentielle d’hériter de millions de Palestiniens déplacés – un scénario cauchemardesque compte tenu des traumatismes historiques et de la crise actuelle des réfugiés soudanais – l’objectif principal du Caire est la stabilité et la prévention des changements démographiques. Sa politique est donc pragmatique : malgré l’histoire du président Sissi qui a lui-même écrasé l’islam politique à l’intérieur du pays, il maintient des canaux de communication avec le Hamas, le pouvoir de facto avec lequel il doit traiter en tant que médiateur.

L’Égypte donne la priorité à la réouverture du point de passage de Rafah sous contrôle palestinien afin de gérer l’aide et de faciliter le retour des Gazaouis actuellement bloqués en Égypte, où leur statut juridique est précaire et où ils ne reçoivent qu’un soutien limité. L’ambitieux plan de reconstruction de Gaza de 53 milliards de dollars du Caire, qui envisage un comité technocratique intérimaire excluant le Hamas avant un retour potentiel de l’Autorité palestinienne, visait à contrer le plan de déplacement de Trump et à préserver la voie vers un État palestinien. Pourtant, ce plan a échoué face au rejet d’Israël et à l’indifférence des États-Unis.

L’Égypte persiste néanmoins dans la médiation, à la recherche d’un accord intra-palestinien insaisissable, mais son influence est limitée par les rivalités régionales et sa propre fragilité économique.

À l’opposé, les Émirats arabes unis (EAU), dont l’approche est façonnée par un engagement idéologique à éradiquer l’islam politique et à renforcer son influence régionale dans le cadre des accords d’Abraham. Les Émirats arabes unis considèrent le Hamas, une branche des Frères musulmans, comme une entité à éliminer, et non à engager. La position des Émirats arabes unis à l’égard du Hamas se manifeste principalement par des conditions préalables strictes à l’aide à la reconstruction – qui exigent l’exclusion du groupe du pouvoir, une position révélée davantage par les voies diplomatiques que par les ouvertures publiques.

Des rapports indiquent que les Émirats arabes unis ont activement fait pression sur l’administration Trump pour torpiller le plan de reconstruction de l’Égypte, le jugeant trop accommodant envers le Hamas. Au cœur de la vision émiratie se trouve Mohammed Dahlan, l’ancien chef de la sécurité du Fatah à Gaza et rival d’Abbas exilé à Abou Dhabi. Avec une histoire d’antagonisme envers le Hamas et des liens étroits avec le président émirati, Mohammed ben Zayed, Dahlan représente la figure de l’homme fort que les Émirats arabes unis espèrent voir gouverner un Gaza post-Hamas, potentiellement en coordination avec Israël.

Malgré la popularité minime de Dahlan parmi les Palestiniens, les Émirats arabes unis le promeuvent comme une option viable, tirant parti de sa puissance financière et de ses relations avec Washington.

La Jordanie, qui borde la Cisjordanie et abrite une importante population palestinienne, considère la crise comme une menace existentielle. Le spectre des déplacements massifs, le scénario de la « patrie alternative » longtemps redouté à Amman, est une ligne rouge unissant la monarchie, l’opposition et le public. Le roi Abdallah II a catégoriquement rejeté les propositions de réinstallation de Trump, malgré la pression gênante d’une réunion télévisée publique à la Maison-Blanche où Trump a lié l’aide américaine (déjà partiellement gelée) à la conformité de la Jordanie.

La Jordanie navigue sur un chemin périlleux : maintenir son alliance américaine et son traité de paix avec Israël tout en faisant face à une intense colère intérieure face à la complicité perçue dans les actions israéliennes et la politique américaine.

Cette pression s’est intensifiée après que le Front d’action islamique (FAI), le bras politique des Frères musulmans, a réalisé des gains significatifs lors des élections de 2024. Cependant, en avril, peut-être sous la pression de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis ou cherchant à obtenir les faveurs d’Israël et de l’administration Trump, la Jordanie a interdit les Frères musulmans, les accusant de comploter, d’œuvrer pour créer un climat l’instabilité et de faire des descentes au siège de l’IAF. Cette répression s’aligne sur la propre proposition de la Jordanie d’exiler des milliers de membres du Hamas et de désarmer le groupe pour faciliter un retour de l’AP, combinant sa position anti-déplacement avec une position clairement anti-Hamas.

Le Qatar, quant à lui, joue un jeu particulièrement complexe. En tant qu’hôte de longue date du Hamas (depuis 2012, avec l’assentiment des États-Unis) et soutien financier clé de Gaza (souvent avec le consentement préalable d’Israël), Doha insiste sur le fait que l’engagement avec le Hamas est indispensable pour la médiation et la paix éventuelle. Il tire parti de sa position d’hôte de la base aérienne américaine vitale d’Al Udeid et de son statut d’allié majeur non membre de l’OTAN pour maintenir son influence à Washington tout en engageant simultanément le Hamas – que Washington a officiellement désigné comme une organisation terroriste étrangère (FTO) en 1997 – et d’autres adversaires des États-Unis, notamment l’Iran, créant ainsi un exercice d’équilibre délicat et aux enjeux élevés.

Son réseau Al Jazeera, financé par l’État, fournit une couverture critique, bien que controversée, de Gaza, s’attirant des accusations d’Israël de collusion avec le Hamas et conduisant à l’interdiction du média par Israël à Gaza et en Cisjordanie. Bien qu’il soit plus ouvert à l’inclusion du Hamas dans le paysage politique palestinien plus large que les Émirats arabes unis ou la Jordanie, le rôle principal du Qatar reste celui d’un facilitateur limité par les demandes contradictoires qu’il médite.

L’Arabie saoudite lie fermement toute normalisation avec Israël à l’établissement d’un État palestinien basé sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, rejetant avec véhémence la suggestion incendiaire de Netanyahu de créer un État palestinien sur le territoire saoudien. Son opposition aux milices soutenues par l’Iran comme le Hamas et le Hezbollah s’aligne sur sa stratégie régionale plus large favorisant les institutions de l’État.

Les médias saoudiens ont d’abord qualifié les dirigeants du Hamas de « terroristes », mais ont ensuite adouci leur ton, en particulier après les remarques provocatrices de Netanyahu et de Trump concernant le déplacement.

Ce changement des médias, bien qu’il ne s’agisse pas d’un changement de politique formel, suggère une flexibilité tactique. Le Royaume a approuvé le plan de la Ligue arabe dirigé par l’Égypte pour contrer les propositions de Trump et maintient qu’une paix durable nécessite une solution à deux États. Sa position reste pragmatique : reconnaître le pouvoir de sabotage du Hamas tout en insistant sur son désarmement éventuel et la gouvernance de l’AP dans le cadre d’un règlement global lié à un État palestinien.

Les Palestiniens eux-mêmes sont pris dans ce maelström. Le Hamas, bien que meurtri, fait preuve de résilience, se regroupant et se préparant à poursuivre les combats. Ses dirigeants signalent qu’ils sont prêts à céder la gouvernance, mais maintiennent le désarmement comme une ligne rouge, ce qui est inacceptable pour Israël, les Émirats arabes unis et la Jordanie. L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas reste faible, en proie à des divisions internes, à une corruption perçue et à un manque de légitimité, exacerbé par les dénonciations au vitriol d’Abbas à l’encontre du Hamas, qu’il a récemment qualifié de « fils de chiens ».

Ce profond schisme entre le Fatah et le Hamas empêche l’émergence d’une direction unifiée capable de bénéficier d’un large soutien, ce qui complique davantage tout scénario du « jour d’après ».

La fin de partie à Gaza est donc bloquée par ces agendas concurrents, souvent contradictoires. L’Égypte et le Qatar jouent un rôle de médiateur dans le cadre de contraintes strictes. La Jordanie défend sa ligne rouge contre les déplacements tout en réprimant les islamistes dans son pays, signalant sa désapprobation d’un futur rôle du Hamas à Gaza. Les Émirats arabes unis poursuivent une solution sans Hamas, dirigée par Dahlan, alignée sur leur campagne anti-islamiste.

L’Arabie saoudite, quant à elle, tire parti des perspectives de normalisation pour exiger un État, renforçant ses références de leadership dans le monde islamique en tant que gardien des saintes mosquées, tout en conservant une marge de manœuvre pour une flexibilité tactique. Tout en s’opposant stratégiquement à la domination du Hamas, il semble prêt à tirer parti de la pertinence continue du groupe comme instrument pour signaler son mécontentement aux remarques agressives des responsables israéliens.

Pendant ce temps, Israël, sous une direction peut-être politiquement investie dans un conflit perpétuel, poursuit sa domination militaire et son contrôle indéfini. Les États-Unis sous Trump offrent des signaux incohérents tout en ne parvenant pas à imposer une voie cohérente pour l’avenir. Le résultat est une impasse dévastatrice, où des visions irréconciliables condamnent Gaza à l’état de ruines et son peuple à un avenir pris au piège de la destruction et du désespoir.

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