La Shoah comme dette éternelle

« Ce qui s’est passé est un avertissement. L’oublier est une faute. Cela a pu arriver et cela reste possible à tout moment. » (Karl Jaspers, Die Schuldfrage, 1946)

1- La question palestinienne, depuis des décennies, est prise dans un nœud complexe de culpabilité historique, de mémoire européenne et états-unienne, et de stratégies impériales contemporaines. L’attitude des puissances occidentales, et en particulier des alliés européens et américains d’Israël, semble parfois être dictée non seulement par des intérêts stratégiques ou militaires, mais aussi par une mémoire douloureuse qui confère à leur soutien une tonalité expiatoire. Ce soutien va au-delà du simple appui diplomatique ou militaire ; il devient parfois l’expression d’une culpabilité politique structurelle, comme si soutenir « inconditionnellement » Israël permettait à l’Europe et à l’Amérique de laver symboliquement leurs fautes passées.

2- L’idée d’un soutien inconditionnel – sous prétexte qu’« Israël a le droit de se défendre » [1] – motivé par un besoin de réparation trouve une analogie historique, en Europe, dans les expéditions médiévales. Par exemple, le roi Louis VII, en 1146, se lance dans la deuxième croisade en grande partie pour expier le massacre qu’il a ordonné à Vitry-sur-Marne, où une église fut incendiée avec 1 300 personnes à l’intérieur. Ce geste de pénitence religieuse fut converti en acte de guerre sanctifié [2]. De manière analogue et métaphorique, l’appui constant à Israël peut être interprété comme une forme de croisade contemporaine, dans laquelle l’Occident, traumatisé par ses propres pogroms et par la Shoah, cherche à se racheter en soutenant un État qu’il érige non seulement en refuge, mais en bras armé de ses valeurs et de son hégémonie. Cependant, cette « pénitence » a un coût : ce sont les Palestiniens, et plus largement les peuples arabes, qui en paient le prix [3]. L’histoire de la repentance passe alors du sacré au politique.

3- Depuis sa fondation en 1948, l’État d’Israël a souvent été perçu comme un avant-poste occidental dans une région majoritairement arabe et musulmane. Cette perception est renforcée par l’alignement stratégique de ses gouvernements successifs avec les puissances occidentales, et plus récemment avec certaines tendances néoconservatrices qui voient en Israël une démocratie libérale encerclée par des régimes « hostiles » – des brutes et donc des barbares. Dans ce contexte, Israël devient un acteur clé d’un projet géopolitique plus vaste, que certains auteurs qualifient d’impérialisme civilisationnel. Edward Saïd, dans Culture and Imperialism, décrivait déjà Israël comme partie intégrante d’un système occidental de domination et de représentation de l’« Orient » comme menace [4]. Israël jouerait donc le rôle de chevalier moderne, armé d’un droit historique et moral, et investi d’une mission quasi-sacrée : défendre la civilisation, la modernité, voire l’humanité même, contre la barbarie supposée des peuples environnants. Israël agit ainsi comme acteur et héraut de l’Occident impérial. C’est d’ailleurs le nœud principal des arguments de Netanyahou pour justifier les récents bombardements en Syrie, au Liban et en Iran.

4- Dans ce paysage, la mémoire de la Shoah occupe une place centrale. Elle est à la fois une blessure ouverte et un sanctuaire moral. Mais elle est aussi devenue, malheureusement – comme toute mémoire sacralisée –, un instrument idéologique, voire géopolitique. La philosophe israélienne Idith Zertal l’a démontré dans La nation et la mort, où elle analyse comment la mémoire de la Shoah a été utilisée pour justifier des politiques sécuritaires et coloniales à l’encontre des Palestiniens [5]. Ce phénomène aboutit à une forme d’impunité morale : critiquer l’État d’Israël devient difficile – voire impossible – sans être accusé d’antisémitisme, car cet État est souvent perçu – à tort – comme l’expression politique du peuple juif tout entier. La confusion entre antisionisme, antisémitisme et critique légitime de la politique israélienne brouille le débat public et renforce l’intouchabilité symbolique d’Israël sur la scène internationale.

5- Le scandale moral est d’autant plus vertigineux que l’État d’Israël ne commet pas ces crimes au nom d’une quelconque puissance conquérante ou coloniale extérieure, mais au nom de l’Histoire juive elle-même. En prétendant tirer sa légitimité des cendres de la Shoah, le gouvernement israélien actuel instrumentalise le plus grand crime du XXe siècle pour justifier l’injustifiable. Ce faisant, il profane ce qu’il prétend honorer. Des responsables israéliens parlent, dans un paradoxe impunément assumé, d’« animaux humains » à propos des Palestiniens, et la stratégie d’anéantissement urbain rappelle les tactiques de destruction totale des ghettos juifs en Europe de l’Est. Loin de renforcer la mémoire de la Shoah, cette guerre l’insulte, la dévoie, l’avilit. Elle inverse les rôles : les survivants de la mémoire deviennent les complices d’un oubli meurtrier. Et pourtant on est à se demander avec Canetti si ceux qui en ont le souvenir en sont dignes ! [6]

6- Le XXe siècle s’est achevé dans le vœu de « plus jamais ça ». On pensait que l’industrialisation du meurtre avait atteint un tel degré de raffinement sous le nazisme qu’il serait désormais impossible de tuer sans honte. C’était sans compter la capacité de l’humain à rendre la mémoire complice du meurtre. Gaza en est la preuve : un massacre contemporain, livré en direct, sous les applaudissements d’un monde qui sait et voit, mais reste silencieux. Il y a là plus qu’une guerre mais une injure métaphysique et historique. Ce que le gouvernement israélien commet aujourd’hui est une profanation de l’Histoire et de la mémoire juive elle-même. Le paradoxe est cruel : c’est au nom du souvenir de l’extermination que se mène l’anéantissement, au nom de la vulnérabilité que s’installe l’impunité. La mémoire est alors devenue un instrument et la Shoah, comme rente morale, est un gage à l’impunité.

7- Ce soutien aveugle permet également à Israël de poursuivre, sans trop d’obstacles internationaux, une politique d’occupation et d’expansion territoriale. Depuis 1967, les territoires palestiniens, mais aussi le Golan syrien et une partie du Sud-Liban, ont été investis, colonisés ou annexés, en violation du droit international. Cette expansion ne se limite pas à des logiques de sécurité : elle est aussi l’expression d’un messianisme territorial, alimenté par une lecture sacrée de l’histoire et par un rapport instrumental à la mémoire collective. L’extension territoriale fonctionne aussi comme un héritage colonial.

8- Israël a toujours su transformer le tragique en fondement. La Shoah, dans sa dimension ontologique, a servi de socle indiscutable pour ériger un État, légitimer une armée et discipliner une identité. Que ce récit fondateur ait été dès l’origine mêlé à une entreprise de colonisation et d’expulsion – la Nakba – importait peu. L’Occident préférait se racheter à coups de reconnaissance diplomatique, et le monde arabe ravalait son ressentiment sous les décombres de ses défaites.

9- Mais depuis le 7 octobre 2023, la scène a changé. À Gaza, c’est la systématicité de la destruction qui prévaut. La famine est organisée, les hôpitaux sont ciblés, les journalistes sont tués, les enfants mutilés. Le droit international est suspendu, et le silence est érigé en vertu, une vertu sélective. « Quand la pègre épouse un mythe, attendez-vous à un massacre ou, pis encore, à une nouvelle religion. » (Cioran) [7]. Autrement dit, les génocides ne se produisent jamais sans discours pour les bénir ni sans après avoir emporté l’aval d’un peuple. Le discours de l’État israélien est bien rodé : « légitime défense », « lutte contre le terrorisme », « sécurité d’Israël », « la subsistance d’Israël », etc. Le mot « humanité » est absent. Ce silence est celui de l’oubli organisé, de la désensibilisation planifiée. On ne cache plus les morts, on les normalise ; les enfants déchiquetés deviennent des statistiques, les mères errantes des arrière-plans de guerre. La mémoire est en armes et la perversion un héritage assumé sous le couvert de la moralité.

10- Ce qui stupéfie, ce n’est pas tant la violence que l’impunité absolue qui l’enveloppe. Israël jouit d’une indulgence internationale dont aucun régime autoritaire n’a jamais rêvé. Alors que la Russie – à qui l’on dénonce la brutalité « nauséabonde » en Ukraine [8] – est sanctionnée encore et encore, et l’Iran isolé, Israël a droit à l’absolution préventive. Ses actes n’ont pas de conséquences, mais des justifications. Ce traitement d’exception est précisément justifié par l’histoire de l’exception juive. L’Holocauste, au lieu d’interdire toute politique de purification, est mobilisé comme écran moral. Comme si la douleur passée autorisait la violence présente ; comme si l’humiliation originelle devenait un permis de tuer. Les leçons de la Shoah n’ont pas été tirées, elles ont été privatisées. La mémoire bascule en religion d’État, en dogme sacré, en intouchable. Critiquer Israël, c’est offenser les morts d’Auschwitz ; interroger Tsahal, c’est réveiller les démons de l’antisémitisme. Dès lors, tout devient possible, sauf le débat. L’omerta est morale, journalistique, universitaire, politique, culturelle. Et comme toute loi du silence, elle renforce le bruit des bombes.

11- Ce renversement est plus qu’une trahison, c’est une parodie. Ce que le gouvernement Netanyahou fait aujourd’hui au nom des morts, c’est précisément ce que ces morts, s’ils pouvaient parler, dénonceraient avec le plus de rage. Ce drame, le philosophe israélien Yeshayahu Leibowitz l’avait déjà vu venir, car : « Un État gouvernant une population hostile de 1,5 à 2 millions d’étrangers deviendrait nécessairement un État de police secrète, avec tout ce que cela implique pour l’éducation, la liberté d’expression et les institutions démocratiques. La corruption, caractéristique de tout régime colonial, prévaudrait également dans l’État d’Israël.  » [9] Et Primo Levi bien avant lui avait, hélas, prévenu que tout homme ou femme est capable de devenir un bourreau, à condition de croire que ce qu’il fait est juste [10]. L’horreur naît toujours du consentement vertueux. Ce qui permet de tuer, ce n’est pas l’absence d’éthique, c’est l’excès d’autojustification. Israël ne tue pas malgré sa morale, il tue à cause d’elle. Et ce qui rend tout cela plus insupportable, c’est que la conscience universelle juive est en grande partie absente du discours dominant. Cette impunité est encore plus choquante que les crimes.

12- S’imposent aussi le silence comme méthode et la perversion du langage. En effet, depuis environ deux ans, Gaza n’est plus une terre, c’est une plaie à ciel ouvert. C’est un champ de ruines carbonisé par une armée dotée d’une puissance aérienne inégalée et nourri au biberon militaro-industriel occidental. Ce qui s’y joue n’est plus une guerre au sens classique, mais une mise à mort lente, intermittente, techniquement contrôlée, politiquement niée. Un siège antique, médiatisé au pixel près et filtré dans le conduit de la propagande du gouvernement israélien, car aucune voix discordante n’est admise : pas de presse ni de journaliste international, et ceux palestiniens sur place sont systématiquement réduits au silence.

13- Les mots ne suivent plus, les statistiques s’effondrent sous leur propre excès. On ne sait plus si l’on parle de 50 000 ou de 100 000 morts civils, dont la moitié seraient des enfants, mais cela ne change rien. Le chiffre est devenu un euphémisme. Avec Celan, le Palestinien crie sous la montagne des bombardements incessants et indiscriminés : « Je suis seul et je parle – je parle dans le silence. » [11] Et dans ce silence, une image obsédante : celle d’un État fondé au nom des victimes de l’Histoire, devenu, par un renversement tragique, l’un des bourreaux les plus méthodiques de notre temps. Non pas par oubli, mais par sanctification de sa propre mémoire. Le blasphème est là : c’est au nom de la Shoah que l’on bombarde Gaza.

14- La mémoire est ainsi privatisée et la morale confisquée. Israël, depuis sa fondation, a élevé l’Holocauste au rang de mythe national, au sens barthésien [12] : un récit devenu nature. Cette sacralisation a permis de forger une légitimité politique incontestable, tout en faisant taire les contradictions initiales de l’État hébreu : l’expulsion de 750 000 Palestiniens en 1948, les massacres de Deir Yassin, la militarisation progressive du projet sioniste. L’histoire juive, immense et plurielle, est devenue l’alibi d’un récit unique. « Un peuple sans terre pour une terre sans peuple » : un mensonge originel martelé avec la ferveur des convertis.

15- Aujourd’hui, cette mémoire privatisée sert d’écran total. Toute critique d’Israël est aussitôt frappée du sceau infâme de l’antisémitisme, comme si la morale était devenue la propriété exclusive d’une nation, comme si la douleur passée autorisait une violence présente. Judith Butler, dans Parting Ways, dénonce cette confusion délibérée entre judaïsme et nationalisme israélien. Car, en effet, il ne peut y avoir de monopole de la souffrance, pas plus qu’il ne saurait exister un privilège éthique permanent. Et pourtant, regrette-t-elle : « Le nationalisme sioniste, en prétendant incarner la totalité de la judéité et de sa mémoire, impose une hégémonie qui rejette toute souffrance autre que la sienne. Cette monopolisation du récit empêche un dialogue éthique ouvert et pluraliste. » [13]

16- Plus troublant encore est le travail du langage. Victor Klemperer, dans son analyse magistrale de la Lingua Tertii Imperii (LTI), montre comment les régimes totalitaires modifient la réalité non seulement par la violence, mais par les mots. C’est la langue qui précède la balle, la langue « fait croire, fait obéir, fait tuer ». [14] Ce n’est pas une coïncidence si les enfants de Gaza sont aujourd’hui qualifiés de menace démographique, les hôpitaux de repaires du Hamas, les destructions de frappes chirurgicales. L’euphémisme est l’organe vital de la barbarie contemporaine. Klemperer note que la langue nazie avait ses tics : l’usage compulsif du superlatif [15], la fétichisation du biologique, la déshumanisation par abstraction. La propagande israélienne contemporaine produit une « technolangue » militaire-sacrée, où la violence se dissimule dans le jargon de la précision : « on neutralise », « on cible », « on préempte ». Le sang est lavé par la syntaxe.

17- On assite à un droit au crime par saturation du passé. Ce n’est pas un simple reniement politique, c’est un renversement anthropologique. L’État qui prétendait incarner la mémoire des camps agit aujourd’hui comme un pouvoir d’extermination lente, bureaucratisée, sous une pluie d’euphémismes. Le langage, comme le notait Klemperer, finit par devenir un cuirassé moral. Et ceux qui l’emploient ne sont même plus conscients de sa violence. « On parle le fascisme comme on respire, une fois qu’il a contaminé le lexique du quotidien. » L’impunité israélienne repose aussi sur ce renversement. Le monde ne veut pas croire que l’héritier des pogroms puisse être le maître des sièges, que les enfants des camps puissent être les ingénieurs de la faim. Mais ce que Victor Klemperer analysait dans l’Allemagne des années 1930 trouve aujourd’hui une résonance amère : lorsque le pouvoir se prétend moral, il est d’autant plus dangereux. Le philosophe Avraham Burg, ancien président de la Knesset, l’a dit sans détour : « La Shoah est devenue le pilier théologique de l’Israël moderne… le traumatisme de la Shoah, qui dicte plus que jamais nos comportements en Israël, me semblait une maladie incurable. » [16] Or toute religion, lorsqu’elle se met au service de la violence d’État, devient une machine à produire du sacré profanateur. Le passé devient un absolu moral, et les vivants – Palestiniens, critiques, dissidents – des hérétiques.

18- Avec Orwell, essayons de s’aventurer dans un apartheid et un génocide comparé. Comme il le décrit : le pouvoir ne se contente pas d’ordonner, il invente les mots pour rendre l’ordre audible. Dans 1984, tout comme dans « La supplique d’Élie Magnan » d’Émile Olivier [17], les États totalitaires fabriquent le langage pour restreindre la pensée : Newspeak – la novlangue – n’est pas une langue, mais une prison. [18] Aujourd’hui, comme Klemperer l’avait observé à Nuremberg, puis Orwell dans sa dystopie, Israël produit sa « Langue de Guerre » [19] – sorte de Fehlkonstruktion [20] yiddish – où tout acte de destruction devient « sécurité », tout massacre devient « action ciblée ».

19- Parallèlement, l’apartheid sud-africain fournit un autre modèle de ce retournement du droit en principe de domination systémique. Là-bas, la ségrégation n’était pas seulement raciale, elle était légale. La violence d’État se déclinait à travers un corpus juridique, soutenu par un discours officiel sur le « développement séparé ». Aujourd’hui, certains chercheurs parlent du traitement des Palestiniens comme d’un « apartheid institutionnel » (tout comme pour les Arabes israéliens) [21] – juridiquement plausible puisqu’il implique des lois et pratiques différenciées selon l’ethnicité, la résidence, la circulation. Pour mémoire : l’apartheid sud-africain fut reconnu comme crime contre l’humanité, tandis que ce qui se passe à Gaza est encore largement médiatisé, minimisé, voire justifié.

20- Plus loin encore, le génocide rwandais de 1994 rappelle que les victimes d’un même territoire peuvent devenir bourreaux, et que la mémoire peut basculer. Les Juifs, eux aussi, sont historiquement Palestiniens – la Palestine mandataire avant 1948 incluait toutes les communautés, juives comme arabes. Lorsque des puissances implantent un récit national exclusif, elles effacent des pans entiers d’histoires entremêlées. Le génocide rwandais fut précédé d’un discours de déshumanisation : les Tutsis étaient des « cafards », et leur meurtre devint légitime. Aujourd’hui, qualifier les Palestiniens de « vermine », les réduire à des entités démographiques, c’est activer le même mécanisme idéologique.

21- Gaza, plus qu’un rôle symbolique, est la dernière barricade de notre humanité. L’enjeu n’est pas seulement géopolitique, il est existentiel. Il touche à ce que nous voulons encore pouvoir nommer : crime, responsabilité, honte, mémoire. Si l’on ne peut plus qualifier de crime ce qui se passe à Gaza sans risquer l’excommunication intellectuelle, alors le langage est mort, la pensée est morte, la morale est morte. « Le fascisme, c’est le mépris. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. » [22] Autrement dit, le fascisme, ce n’est pas seulement et toujours la force brute seule, c’est aussi l’idéologie qui la sanctifie. Le fascisme israélien n’est pas qu’un régime, c’est une perversion théologico-historique, une idolâtrie de la douleur qui autorise toutes les cruautés. Et l’Occident, dans un sursaut de culpabilité mal placée, applaudit à ce qui devrait au contraire l’indigner – et l’obliger à agir, s’il croyait réellement aux valeurs qu’il proclame à tout-va.

22- Il ne s’agit pas de nier la Shoah mais de rappeler que la mémoire n’est jamais un capital moral transmissible ad vitam aeternam. La mémoire est un devoir actif, pas un privilège éternel. Si elle ne sert qu’à écraser d’autres souffrances, elle devient purement et simplement l’« histoire des vainqueurs ». [23]


Notes
[1] Voir notamment la série d’articles d’Alain Brossat sur https://ici-et-ailleurs.org/contributions/actualite/article/israel-a-le-droit-de-se
[2] Georges Duby, L’Europe au Moyen Âge, Gallimard, 1984.
[3] Gilbert Achcar, Les Arabes et la Shoah, Actes Sud, 2009.
[4] Edward Said, Culture and Imperialism, Vintage Books, 1993.
[5] Idith Zertal, La nation et la mort. La Shoah dans le discours et la politique d’Israël, La Découverte, 2004.
[6] Elias Canetti, Masse et puissance, Gallimard, 1966.
[7] Emil Cioran, Syllogismes de l’amertume, Gallimard, 1952.
[8] L’Ukraine bénéficie, depuis le début des attaques russes, d’un soutien occidental sans précédent : militaire, industriel, diplomatique, médiatique, culturel. Une mobilisation totale, inédite dans l’histoire contemporaine. Cette solidarité contraste cruellement avec l’indifférence – voire l’hostilité – réservée aux réfugiés palestiniens et aux autres exilés non blancs, relégués aux marges d’une compassion à géométrie ethnique.
[9] Voir notamment Yeshayahu Leibowitz, Judaism, Human Values, and the State, Harvard University Press, 1992.
[10] Primo Levi, Si c’est un homme, trad. M. Schruoffeneger, Julliard, 1947 ; Les Naufragés et les Rescapés. Quarante ans d’Auschwitz, trad. A. Maugé, Gallimard, 1989.
[11] Paul Celan, Paul Celan, trad. Jean-Pierre Lefebvre, Le Nouveau Commerce, 1986. La Rose de personne, trad. M. Broda, Gallimard, 2002.
[12] Roland Barthes, Mythologies, Seuil, 1957.
[13] Judith Butler, Parting Ways : Jewishness and the Critique of Zionism, Columbia University Press, 2012.
[14] Victor Klemperer, LTI – La langue du Troisième Reich, trad. E. Caillard, Albin Michel, 1996.
[15] Un usage compulsif du superlatif devenu la signature des partis d’extrême droite – et plus encore, celle du dirigeant de la première puissance mondiale.
[16] Déclaration d’Avraham Burg lors d’un débat avec A. Finkielkraut, recueilli par Vincent Remy, publié le 5 avril 2008. Disponible sur https://www.telerama.fr/monde/27301-la_memoire_de_la_shoah_mine_elle_israel_un_debat_polemique_entre_alain_finkielkraut_et_avraham_burg.php?utm_source=chatgpt.com. Pour une critique plus large de l’auteur sur le sujet, voir The Holocaust is Over : We Must Rise From its Ashes, Palgrave, 2008.
[17] Émile Olivier, « La supplique d’Élie Magnan », in Regarde, Regarde les lions, Albin Michel, 2001, p. 111-127.
[18] George Orwell, 1984, trad. A. Audiberti, Gallimard, 1950.
[19] Le phénomène n’est certes pas nouveau car il existait déjà sous les guerres coloniales ou durant la guerre froide. Mais ce qui surprend aujourd’hui, c’est sa dimension quasi totalitaire dans la stratégie de l’État hébreu, qui cherche à tout contrôler, au nom d’un argument moral désormais bien connu.
[20] Alain Brossat, Op. cit. 5/5.
[21] Amnesty International, Israel’s apartheid against Palestinians : Cruel system of domination and crime against humanity, 2022.
[22] Albert Camus, L’Homme révolté, Gallimard, 1951.
[23] Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », in Œuvres, Gallimard, t. III, 2000.

Poster commentaire - أضف تعليقا

أي تعليق مسيء خارجا عن حدود الأخلاق ولا علاقة له بالمقال سيتم حذفه
Tout commentaire injurieux et sans rapport avec l'article sera supprimé.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات