Ukraine : en avant, vers une paix impossible

Alors que tout semblait conduire à une probable escalade du conflit en Ukraine, en raison de la volonté des États-Unis de fournir à Kiev des missiles de croisière Tomahawk, un genre de « miracle » s’est produit : il a bloqué la décision de livraison de cette nouvelle « arme létale » américaine et ouvert la voie à un nouveau sommet entre Poutine et Trump à Budapest, qui, selon les médias dominants, pourrait nous mener à la paix.

Comme vous le savez, ce miracle censé résoudre définitivement le conflit ukrainien a été une conversation téléphonique entre Poutine et Trump, survenue le 16 octobre, soit la veille de l’annonce de la livraison des missiles de croisière américains lors d’un sommet entre Trump et Zelensky.

Ces derniers jours, les indiscrétions se multiplient à propos de ce sommet « dramatique » entre le président américain et son homologue ukrainien. Selon le Financial Times, il s’agissait d’un sommet extrêmement tendu, frôlant la violence physique, où la ligne rouge du conflit verbal aurait été largement franchie. Tout cela parce que – comme on pouvait s’y attendre – Zelensky s’oppose fermement à toute hypothèse d’accord avec la Russie, encouragée par Trump. Du point de vue du dirigeant ukrainien, cela se comprend : par sa décision folle et irréfléchie de provoquer un conflit avec la Russie, il a conduit à la destruction de son pays, à la mort de centaines de milliers d’Ukrainiens, à l’invalidité permanente de centaines de milliers d’autres, et à l’exode de millions de citoyens vers l’Europe et la Russie. Il est clair que son destin (comme celui de la clique de dirigeants qui le soutient) est scellé en cas de fin de guerre. Inutile de préciser le sort réservé aux despotes responsables de tels désastres.

Mais Zelensky n’est pas seul dans son hostilité à toute feuille de route vers la paix. Il y aurait un autre grand perdant en cas de paix dans les conditions actuelles : l’Europe dans son ensemble, et certains pays en particulier comme la France, le Royaume-Uni et les pays de l’Est. L’Europe a beaucoup misé (ou peut-être a été contrainte, bon gré mal gré, par Washington) sur la défaite stratégique de Moscou et sur l’installation au Kremlin d’un nouvel Eltsine prêt à brader aux Occidentaux les intérêts, les ressources et, en définitive, le peuple russe.

Pour atteindre cet objectif, l’Europe a dépensé des dizaines de milliards de dollars en soutien financier à l’État ukrainien, ainsi que des ressources équivalentes en aide militaire directe. Elle a aussi imposé une série impressionnante de sanctions (18 à ce jour), qui se révèlent désastreuses pour elle-même : fermeture du marché russe aux produits européens, perte de compétitivité généralisée du secteur productif européen, crise sévère notamment dans les industries énergivores comme la chimie.

De plus, une éventuelle paix serait catastrophique pour l’Europe en raison de l’obligation morale (et peut-être aussi politique, exprimée en privé à Zelensky) de contribuer substantiellement à la reconstruction de l’Ukraine, avec des dépenses économiques astronomiques. Il est évident que, dans ces conditions, pour les élites européennes, une paix éventuelle serait terrifiante et entraînerait probablement leur chute, sous la pression des populations appelées à payer par des hausses d’impôts et des coupes dans les services publics le désastre économique causé par la guerre russo-ukrainienne.

Que les positions européennes soient bien celles décrites ici est confirmé par le fait qu’immédiatement après l’annonce du sommet de Budapest entre Poutine et Trump, Bruxelles s’est empressée de renforcer la position de Kiev, craignant qu’un accord entre les deux leaders n’affaiblisse la sécurité européenne.

Selon Politico.com, les Européens veulent présenter un paquet de soutien unifié et triple dès le sommet de cette semaine à Bruxelles : plus d’armes pour l’Ukraine, de nouvelles sanctions contre la Russie et davantage d’aide financière. Des demandes ont été adressées aux États-Unis pour que le président ukrainien Zelensky soit présent à toutes les négociations concernant l’Ukraine.

Hier, Macron a annoncé un sommet de la « coalition des volontaires » qui se tiendra à Londres le 24 octobre pour réaffirmer le soutien à l’Ukraine.

Toutes ces initiatives visent clairement à contrebalancer l’ouverture américaine à des pourparlers de paix. Bref, comme on peut le voir, le barrage européen contre toute lueur d’espoir de paix est pleinement en cours.

Quant à la position réelle des États-Unis, elle reste à évaluer. Il faut d’abord noter que les conditions économiques américaines qui ont conduit à la grave instabilité mondiale sont toujours présentes : déficit chronique de la balance commerciale, position financière nette internationale (NIIP) en déficit massif (-26 100 milliards de dollars au deuxième trimestre 2025), dette publique incontrôlée. Sans parler du retard technologique croissant des États-Unis face à la Chine.

Le seul résultat positif que les États-Unis peuvent actuellement revendiquer dans leur stratégie de maintien de l’hégémonie mondiale est la soumission complète de l’Europe. Mais malgré cette conquête, les indicateurs économiques fondamentaux restent dramatiques pour Washington.

Il faut aussi rappeler que l’annonce de sommets ne suffit pas à nourrir de réelles espérances de paix. Il y a eu des sommets entre les Américains et les Russes à Genève en 2021, mais cela n’a pas empêché le déclenchement du conflit en Europe. Il y a eu un sommet en Alaska, mais malgré les tapis rouges et les belles paroles, rien n’a changé.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer la perte de crédibilité diplomatique des États-Unis : souvenons-nous de l’épisode retentissant où, alors qu’un sommet sur le nucléaire entre l’Iran et les États-Unis devait se tenir à Oman le 15 juin, les Israéliens ont lancé des bombardements sur les sites nucléaires iraniens, suivis quelques jours plus tard par les Américains eux-mêmes. En soi, des pourparlers de paix avec les États-Unis ne signifient pas grand-chose, car Washington ne considère comme dignes de négociation que les discussions où les interlocuteurs acceptent intégralement ses diktats.

Même les rumeurs du mainstream anglo-saxon sur des disputes violentes entre Trump et Zelensky ne valent pas grand-chose. Les Américains utilisent depuis des décennies leurs journaux et leurs chaînes de télévision non seulement pour manipuler l’opinion publique de leur empire, mais aussi pour tenter d’instiller de fausses convictions chez leurs interlocuteurs. Il n’est pas exclu que la nouvelle de la dispute entre Trump et Zelensky ne soit qu’un scénario de comédie pour embrouiller les Russes.

La véritable réalité est que les États-Unis donnent désormais l’impression d’être des pillards du désert, cherchant sans cesse des caravanes à attaquer, et lorsqu’ils sont repoussés par l’une, ils se jettent immédiatement sur une autre. D’abord la Russie, puis l’Iran, ensuite la Chine, maintenant le Venezuela, dans un continuum sans fin. C’est cela, la tragique réalité.

Bien sûr, nous espérons tous un miracle. Mais les espoirs de paix ne tiennent qu’à un fil.

Addendum

À peine 24 heures après la rédaction de cet article, ce qui pouvait sembler à certains comme de simples spéculations s’est révélé être des prévisions justes. D’abord, des sources anonymes de la Maison Blanche ont révélé à la presse que le sommet de Budapest entre Trump et Poutine était reporté sine die. Ensuite, Trump lui-même a confirmé que les positions étaient encore trop éloignées et qu’un sommet, pour l’instant, serait une perte de temps.

Ce qui a fait exploser la situation, c’est un appel téléphonique entre Lavrov et Rubio, où aucun accord minimal n’a pu être trouvé, à commencer par la demande de cessez-le-feu avancée par Rubio et fermement rejetée par Lavrov.

Aujourd’hui, le secrétaire de l’OTAN, Mark Rutte, l’un des faucons les plus intransigeants contre la Russie, sera à Washington pour ramener Trump sur le chemin de la guerre… s’il l’a jamais quitté.

Poster commentaire - أضف تعليقا

أي تعليق مسيء خارجا عن حدود الأخلاق ولا علاقة له بالمقال سيتم حذفه
Tout commentaire injurieux et sans rapport avec l'article sera supprimé.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات