La nouvelle ère de l’économie mondiale

Un billet sur le blog du Fonds monétaire international écrit par le directeur du Bureau de recherche du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, dans lequel il parle ouvertement du début d’une nouvelle ère pour l’économie mondiale, a fait sensation parmi les économistes. Gourinchas s’inspire de l’imposition de tarifs douaniers décidée par l’administration Trump et annoncée le 2 avril pour soutenir sa thèse d’un énorme bouleversement de l’économie mondiale qui devrait se produire.

Certes, la vision de l’économiste est correcte et accompagnée d’une quantité considérable de données qui lui donnent sans aucun doute sa validité. L’économie mondiale est susceptible d’entrer dans une phase d’incertitude qui provoquera presque certainement une forte baisse de la croissance, ce qui pourrait à son tour nuire aux parties les plus fragiles de la société, à la fois en raison de l’augmentation du chômage mais aussi en termes d’augmentation des prix des biens et des services.

Le point le plus intéressant de cette analyse, cependant, est lié à une thèse intéressante exprimée par Gourinchas que je cite textuellement : « la part de l’emploi manufacturier dans les économies avancées a été en déclin séculaire dans les pays qui enregistrent des excédents commerciaux, comme l’Allemagne, ou des déficits, comme les États-Unis. La force la plus profonde derrière ce déclin est le progrès technologique et l’automatisation, et non la mondialisation. » En d’autres termes, selon l’économiste du FMI, il serait faux de croire qu’il suffit d’imposer des droits de douane pour résoudre le grave problème de la rareté de l’emploi : ce problème existe à la fois dans les pays ayant un déficit commercial important (et donc importateurs nets de l’étranger), et dans les pays ayant un fort excédent commercial (donc exportateurs nets à l’étranger).


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US Bureau of Economic Analysis : valeur ajoutée réelle et emploi en Allemagne et aux États-Unis depuis les années 70


Personnellement, je ne peux pas dire s’il suffit d’observer les courbes du taux d’emploi et de la valeur ajoutée réelle dans les pays en déficit commercial et de les comparer avec celles des pays en excédent commercial (comme Gourinchas l’a fait avec ceux des États-Unis et de l’Allemagne) pour étayer la thèse selon laquelle ce ne sont pas les déséquilibres commerciaux qui déterminent le taux d’emploi d’une nation ; mais je soutiens certainement la thèse selon laquelle l’explosion de l’innovation technique dans le domaine des technologies de l’information, de l’automatisation et de l’intelligence artificielle permettra difficilement de restaurer le bien-être et l’emploi dans les pays en déficit commercial même si les tarifs parviennent miraculeusement à « guérir » les déséquilibres entre les pays.

Je crois que cette thèse peut être considérée comme partageable même si elle n'est qu'une hypothèse "empirique" : en effet, les niveaux d'automatisation atteints, surtout en République populaire de Chine, sont impressionnants et risquent - en perspective - de détruire des millions d'emplois. Il suffit de penser, par exemple, à l'usine de Xiaomi pour la production de smartphones (elle en produira un par seconde) sans employer un seul travailleur, à tel point que dans les immenses espaces de travail de l'usine, les lumières seront éteintes alors qu'aucun être humain n'opère ! Il en va de même lorsqu'on regarde les images des rues de Wuhan où circulent des taxis autonomes, ou des autoroutes russes où circulent des camions de marchandises autonomes. Des innovations, certes stupéfiantes, qui témoignent de l'énorme progrès de la technologie créée par l'homme, mais qui présentent un inconvénient évident : elles rendent le travail humain superflu par rapport à la production de biens et de services.

La vérité choquante (que l'économiste en chef du Fonds monétaire international, M. Gourinchas, a laissé entendre), c'est que le capital supplante désormais de plus en plus le travail. En d'autres termes, le capital dévore le travail en le rendant de plus en plus marginal. Cependant, tout cela crée des effets secondaires non négligeables.

Par exemple, si les gens ne trouvent pas un emploi satisfaisant pour satisfaire leur consommation, il faut comprendre pour qui ces usines totalement automatisées vont-elles produire. Il est clair qu’il faudra - dans le cas où nous voudrions poursuivre dans cette voie de développement - identifier une nouvelle manière de distribuer les « revenus » produits. Un défi d’une ampleur énorme qui remettra en question les principes fondamentaux de la civilisation humaine.

Une question plus concrète et plus immédiate sera celle du rééquilibrage macroéconomique entre les pays à déficit commercial et les pays à excédent commercial. Si la raison du déséquilibre n'est pas le déficit commercial en soi, comme voudrait le suggérer l'économiste en chef du Fonds monétaire international, mais la course à l'innovation technologique entre pays concurrents, où le perdant sera inévitablement condamné au sous-développement et à la pauvreté, les droits de douane ne résoudront que très peu la crise financière "latente" qui affecte les États-Unis. Le vrai problème est la supériorité technologique de la Chine sur le reste du monde, qui - selon de nombreux observateurs - est déjà un fait et qui rend la fabrication dans l'Empire du Milieu moins chère que dans n'importe quel autre pays, quelles que soient les politiques commerciales adoptées par ses concurrents.

Il s’agit d’un problème de concurrence technologique qui, s’il n’est pas résolu immédiatement, pourrait pousser les pays perdants à chercher des solutions bien plus traumatisantes qu’une guerre commerciale. Un exutoire que seuls les auteurs de romans dystopiques avaient esquissé. Aujourd’hui, c’est aussi le Fonds monétaire international qui y a fait allusion.

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