Après le coup d’état médical de 1987, le coup d’état constitutionnel de 2021 ?

Le 7 novembre 1987, les Tunisiens s’étaient réveillés en apprenant la destitution du « père de la Nation » Habib Bourguiba. Le 26 juillet 2021, ils se réveillent en découvrant la suspension du Parlement.

Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’usage que fera le président de la République, Kais Saied de l’article 80 de la Constitution. En principe, celui ne peut être qu’activé qu’« en cas de péril imminent menaçant les institutions de la nation et la sécurité et l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ».

Or, malgré les difficultés sociales, économiques et sanitaires que connait la Tunisie depuis plusieurs mois, on est loin d’être dans une situation de péril (guerre, invasion étrangère, blocage total des institutions, etc.).

Trois hypothèses.

1- LA RESTAURATION AUTORITAIRE : première étape d’un véritable Coup d’État à la « Sissi » qui répond à un scénario visant à restaurer en Tunisie un régime présidentiel de type autoritaire, soutenu sur le plan intérieur par l’armée et les secteurs sécuritaires et, sur le plan extérieur par des puissances étrangères comme l’Égypte, les Émirats arabes unies et l’Arabie Saoudite, qui n’ont jamais accepté la moindre démocratie dans le monde arabe et qui sont donc prêts à casser l’expérience tunisienne quitte à recourir à la répression la plus brutale.

2- L’INFLEXION PLÉBISCITAIRE DE LA DÉMOCRATIE TUNISIENNE : qui renvoie au rêve du Président de la République de créer une nouvelle « démocratie » fondée sur une sorte de confiance entre une le détenteur de l’exécutif (le Président) et le peuple. Cela supposerait une réforme en profondeur de la Constitution du 26 janvier 2014, réduisant considérablement les pouvoirs du Parlement et du Gouvernement et donc à moyen-terme un référendum constitutionnel.

3- L’INSTAURATION D’UN RAPPORT DE FORCE TEMPORAIRE : le Président entend exploiter la situation de crise sociale et sanitaire pour contraindre la majorité parlementaire à un compromis politique davantage favorable au bloc présidentiel, neutralisant provisoirement l’action des partis politiques, notamment Ennahdha. De ce rapport de force temporaire, le Président espère renforcer ses assises populaires et imposer ses vues, sans toucher en profondeur l’édifice constitutionnel.

Bien sûr, ces trois hypothèses ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Elles peuvent s’imbriquer.

Dans tous les cas, l’avenir appartient aux Tunisiennes et aux Tunisiens. La société tunisienne n’est plus celle des années Ben Ali. La peur a changé de camp : elle n’est plus du côté du peuple mais des gouvernants.

Il est clair que si le président Kais Saied mise sur un « scénario à l’égyptienne » annihilant toute vie démocratique, procédant à l’interdiction des partis, recourant à la répression des opposants, avec l’appui de l’Arabie Saoudite et des Émirats, il se heurterait probablement à une véritable résistance de la part de larges secteurs de la société tunisienne, y compris chez les anti-islamistes, néanmoins partisans de la Constitution démocratique du 14 janvier 2014.

Les Tunisiennes et les Tunisiens sont fortement attaché.e.s à LEUR DESTIN DÉMOCRATIQUE SINGULIER et ils n’ont pas envie que la Tunisie devienne une pâle copie de l’Égypte de Sissi et encore moins des Émirats arabes unies ou de l’Arabie Saoudite. La fierté patriotique des Tunisiens passe désormais par la défense inconditionnelle de leur démocratie dont ils ont montré la voie à l’ensemble du monde arabe.

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