Un Dimanche électoral en démocratie

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Dimanche. Quelque part en démocratie hexagonale. État d’urgence électoral.

Il est six heures du matin et le jour traîne un mauvais réveil. Encore deux bonnes heures avant de voir la gueule qu’il va tirer en pointant le blaire. Le ciel est plombé et le vent hulule aux fenêtres une rengaine sinistre. Ça sent mauvais !

La veille, le quidam avait envoyé des courriers électroniques à des collègues pour les inviter à déserter les bureaux de vote. « Un traquenard », avait-il écrit sans crainte ni regret. Aucun retour. Bizarre. D'habitude, ils répondent, mais avec le week-end, la décompression…

La porte s’ouvre si brutalement que le zigue, aussi blanc qu’un bulletin d’abstentionniste, n’a pas le temps d’être surpris. Plaqué sur la table et solidement attaché avec des menottes en plastique, il fait ouf, sans en être vraiment conscient. Il venait tout juste de finir son premier café, une bonne marque, la moins ruineuse, et, il doit l’avouer, l’effet est canon ! Comme celui du flingue qu'on lui poste sur la tempe.

« Habillez-vous et suivez-nous ! », commande d’une voix sûre une sorte de malabar cagoulé.

« Pour aller où ? Je veux un avocat ! », crie le sinistré totalement paniqué.

« Un avocat ! Ah, ah ! On n’a pas la conscience tranquille, hein !... Encore un qui fait dans le travelo !... Et pourquoi pas l’Etat de droit, pendant qu’on y est ! L’Etat, c’est moi ! Embarquez-moi ça ! », qu’il dit aux autres cagoulés qui ne se font pas prier pour exécuter l'Ordre.

Porté comme une plume, le prévenu est jeté dans un fourgon cellulaire, garé dans la rue, à la suite de tout un cortège, où d’autres prévenus, saisis pendant la nuit, plus ou moins amochés, ont été entassés. Des éclats de voix, des sommations, le jour naissant peine à cacher sa peur et le vent s’est fait la malle pendant que quelques fenêtres s'ouvrent, des têtes se penchent et disparaissent aussitôt.

Qu'on est bien chez soi, en sécurité !

Des portières claquent et, enfin, le cortège s’ébranle dans le bruit des sirènes et les lumières bleues des gyrophares.

Un quart d’heure plus tard le convoi fait halte devant l’école primaire du village le plus proche, où le bureau de vote est installé. On aligne les prévenus ficelés deux par deux. On leur fournit une petite enveloppe avec obligation de l’introduire dare-dare dans l’urne.

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« A voté », répètent à la chaîne des voix machinales.

Une fois le « devoir civique accompli », on démenotte le troupeau, et on l'invite à regagner leur domicile par ses propres moyens !

« Des questions ?», demande sans attendre de réponse le malabar cagoulé de tout à l'heure.

Ce jour de grâce de l’année 201… l’Hexagone a enregistré un taux de votants exceptionnel au premier tour des échéances électorales : 99%. Une première dans l'histoire de la France Libre !

Police et services de sécurité de l’État sont à la recherche du 1% manquant pour faire le plein au second tour !

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