L’horreur de Gaza, l’attaque contre Washington et quelques questions sur nos médias

Tôt ou tard, il faudra s'interroger sur la grave responsabilité de la presse dans l'orientation de l'opinion publique en faveur de l'odieuse extermination israélienne. Certes, beaucoup de choses ont changé depuis un an et demi. Après des mois et des mois d'acclamations sauvages pour les bouchers de Tsahal et après des pages et des pages de désinformation et de mystification sur le conflit israélo-palestinien, il semble que quelque chose soit en train de changer. La censure reste très forte. La férocité inhumaine d'Israël continue d'être masquée, mais les informations sur les bombardements et la réduction des Palestiniens à l'état de bêtes ne peuvent plus être cachées.

De la part de certains intellectuels ou journalistes, il est probable qu'un principe de résipiscence à l'égard d'Israël et de Netanyahou soit en cours. Mais les distorsions habituelles demeurent, le misérable double standard habituel. Prenons l'exemple de l'attentat à la bombe perpétré hier à Washington. Deux diplomates ont été tués. C'est un fait terrible qui mérite à juste titre l'attention, mais il est décidément disqualifié face aux centaines de morts quotidiennes à Gaza.

Ensuite, il faut être attentif à la manière dont l'information est donnée. Des deux diplomates, nous savons déjà tout. Nous avons leurs visages, leurs sourires. L'idée que la mort s'est abattue sur leurs corps bien présentés d'Occidentaux, c'est-à-dire de gens qui nous ressemblent, frappe inévitablement. En effet, l'actualité doit susciter l'empathie.

Il y a aussi une clé immédiate à leur attaque : l'antisémitisme. Le conflit est unilatéral depuis des décennies, mais lorsque quelqu'un du côté palestinien réagit, le jugement est immédiatement celui de l'antisémitisme. La question se pose alors : si la mort de deux Israéliens est de l'antisémitisme, qu'en est-il de la mort de 60 000 Palestiniens ? Pourquoi cette extermination continue n'a-t-elle pas son mot spécifique ? Ou sa propre catégorie ?

Après tout, même en termes de représailles contre les civils - considérées par le droit international comme un crime très grave - il n’y a pas de comparaison à l’époque moderne. Les 1200 morts du 7 octobre ont été suivis de 60 000 morts, de villes détruites, d’exodes continus, de blessures, de maladies, de famines et de décès dus à la faim, à la soif et au froid. De ce point de vue, l’armée israélienne dépasse de loin la SS pendant l’occupation italienne, qui s’est arrêtée au moins à un rapport de 10 pour 1.

À tout cela s'ajoute la dépersonnalisation. De ces morts, nous ne savons rien. Leurs visages se fondent dans la masse. Leur vie individuelle n'a qu'une signification vague et lointaine. Le cas des victimes et des personnes enlevées le 7 octobre est différent : leur vie a eu la dignité d'une information journalistique. Elles sont immédiatement devenues exemplaires. Des victimes palestiniennes, nous ne connaissons même pas les noms. Nous ne savons rien de leur existence en temps de paix ou du moins de trêve. Leurs habitudes, leurs coutumes et leurs sentiments nous sont inconnus. La presse insiste toujours sur les haillons qu'ils portent. Elle amplifie les stigmates de la pauvreté, la culpabilité d'être un peuple, la responsabilité de ne pas pouvoir cacher sa précarité existentielle, sa colère et sa douleur sous des allures bourgeoises. Le mal qu'ils subissent doit trouver une première justification dans leur représentation.

Les Palestiniens sont comme des zombies : des ombres d’existences inconnues, des corps prédestinés aux salves et aux bombardements. Les images que nous donne la presse ne doivent pas véhiculer de l’empathie, du partage, mais de la méfiance. Ils ne doivent pas nous ressembler : « ils ne sont pas comme nous : ce sont des Arabes », ou plutôt des « Palestiniens ». Ce ne sont pas des Occidentaux et donc « que voulez-vous qu’ils pensent ! », « quels sentiments voulez-vous que ces gens semi-primitifs aient ! ».

Attention : la voix et les opinions des Palestiniens nous sont inconnues. Leur point de vue sur la guerre nous est caché. Nous savons beaucoup de choses sur l'opinion des Israéliens et même sur leurs voix critiques, mais peu ou pas du tout sur ce que pensent les Palestiniens. De temps en temps, on apprend que quelqu'un s'est levé de leur côté pour injurier les Juifs et souhaiter la destruction d'Israël : « antisémitisme ». Mais dans ces conditions, que peut-on attendre d'eux ? Que peut bien vouloir quelqu'un qui est né et a grandi dans un camp de concentration devenu ces derniers mois un camp d'extermination ?

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