Le mirage de la corruption

La corruption serait corrosive, voilée, coûterait cher aux caisses de l'état. On aurait besoin d'actions audacieuses pour déraciner ce fléau. Nos politiciens, ayant orienté leurs discours de mobilisation contre une élite pourrie toute puissante et de mèche avec l'étranger, ont mis le combat contre la corruption comme priorité absolue.

Quand bien même l’attention générée par ce discours attiserait les tensions sociales et polariserait l’opinion publique et malgré une succession de gouvernements usant de la même propagande contre la corruption rampante, les résultats de cette croisade se sont révélés décevants. Combiné à une situation économique chaotique, la lutte contre la corruption a rendu la population de plus en plus désespérée et désintéressée, éloignée d’une une sphère publique de plus en plus vide.

Pourquoi donc rien n'a fonctionné? Ils sont tous corrompus dirait l'un, complices du fait qu'ils prétendent combattre, incompétents dirait l'autre. La corruption serait, tel un cancer en phase terminale, répandue dans tous les organes de l'État… Le discours public, rongé par une absence de résultats, devient aigre et cynique alimentant davantage un désespoir croissant au sein de la population.

Je suis persuadé que la lutte contre la corruption est un mirage, par naïveté ou à dessein, elle n’est rien de plus qu'un instrument électoral mobilisant les masses lors des élections ce qui engendre en l’occurrence un désespoir amer parmi les jeunes aspirant à un meilleur avenir.

Il s'agit certainement d’un gros problème, mais ce n'est pas la racine de tous les problèmes tel que décrit par les militants. Évoquer la corruption comme obstacle majeur à la prospérité est une vision réductionniste qui obscurcit plus qu'elle ne clarifie.

Notre problème essentiel est une absence de croissance économique: La corruption altère la distribution de richesses de manière à servir les intérêts de ceux au pouvoir aux dépens du grand public. Cela inclut bien sûr des actes illicites tels que les détournements de fonds, pots-de-vin … mais avant tout et surtout la confiscation de la richesse créée. Il est justement là le problème: Nous disposons d'une économie de rente avec une faible capacité à développer des secteurs productifs créant des emplois de qualité et permettant d'atteindre une croissance inclusive.[1]

Ce modèle économique rentier est en soit la cause non pas le résultat de la corruption: Étant donné une forte dépendance de l'état vis-à-vis des rentes, (principalement Phosphate, Olives, Dattes, Tourisme de plage, pétrole) les opérateurs historiques bénéficient d'avantages disproportionnés par rapport au reste de la population. Ils disposent également des ressources pour établir des coalitions étroites de complices et de clients afin de les maintenir en fonction, soit à travers le réseautage soit par le truchement d’une démocratie de façade en crise.[1]

Ces facteurs systématiques expliqueraient pourquoi les économies asiatiques avaient pu générer une croissance et inclure des secteurs larges de la main d'œuvre qualifiée en dépit d'une corruption rampante et de mauvais indicateurs de gouvernance.[2]

En général, la lutte contre la corruption est un excellent slogan qui mobilise les masses contre les élites en place, mais elle ne peut être considérée comme le diagnostic des problèmes nombreux et bien plus profonds auxquels nous sommes confrontés.


Notes

[1]https://en.wikipedia.org/wiki/Why_Nations_Fail

[2]https://www.researchgate.net/publication/310667186_The_Research_on_Chinese_Corruption_and_the_Strategy_of_Governance

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