Pourquoi les familles tunisiennes ressentent-elles un taux d'inflation bien supérieur à 5 % lorsqu'elles font leurs courses au marché ?
Le taux d'inflation de 5 % enregistré en Tunisie en septembre pour l'indice des prix à la consommation (IPC) reste trop élevé. De plus, l'inflation cumulée sur les neuf derniers mois s'élève à 5,5 %. (Voir ci-dessous).
1. L'Institut tunisien de la statistique a indiqué que l'inflation cumulée sur les neuf derniers mois a augmenté de 13,6 % pour les produits agricoles, de 9,5 % pour l'habillement et de 8,2 % pour les autres services (coûts bancaires et d'assurance) et pour d'autres produits (voir ci-dessous).
2.Nous savons également que la chaîne d'approvisionnement et le canal de distribution des produits comportent de nombreux intermédiaires entre le producteur / agriculteur et le consommateur final, ce qui entraînera une hausse de l'inflation des prix de gros (voir le graphique INS ci-dessous).
3. Nous savons également que l'indice BVMT de la bourse tunisienne a augmenté de 21 % au cours des 9 derniers mois et que la capitalisation boursière est composée de banques, de compagnies d'assurance, de sociétés de crédit-bail /Société Leasing et de supermarchés, et que toutes ces sociétés ont un pouvoir de fixation des prix et un pouvoir oligopolistique / monopole partiel pour augmenter les prix et pousser l'inflation à la hausse et une partie de cela est due à des profits excessivement élevés qui poussent l'inflation à la hausse.
4.Nous savons également que l'augmentation du SMIG (48 heures par semaine) n'a augmenté que de 2,6 %, en dessous du taux d'inflation de 5.5 %, ce qui contribue à la perte de pouvoir d'achat des ménages. (Source : INS, BCT).
5. L'économie tunisienne a été impactée négativement de part et d'autre : la BCT a maintenu un taux d'intérêt trop élevé à 7,5 % pour freiner la consommation et le gouvernement a perçu 12 % d'impôts supplémentaires cette année, ce qui a affecté l'investissement et la production. Ces impôts supplémentaires ont alimenté l'inflation et auraient dû être consacrés à l'investissement pour augmenter la capacité de production, alors qu'ils ont servi à financer les salaires, les subventions et la consommation. (Source : BCT et ministère des Finances).
6.Par ailleurs, nos partenaires commerciaux ont réussi à faire baisser l'inflation au cours des deux dernières années, mais le taux d'inflation en Tunisie est resté trop élevé.
Pourquoi est-ce important ?
Car si l'inflation en Tunisie est supérieure à celle de nos partenaires commerciaux, le dinar se dépréciera davantage, ce qui entraînera une inflation importée accrue dans l'économie tunisienne, une hausse des coûts de production et de la dette, et une baisse de l'épargne des ménages. L'inflation en Europe est de 2,0 %, en Libye de 1,8 %, en Algérie de 3,7 % et au Maroc de 2,2 %.
Que peuvent faire la BCT et le gouvernement tunisien pour faire baisser l'inflation ?
1. Si la Banque centrale de Tunisie souhaite maintenir un taux d'intérêt élevé (TID à 7,5 %), elle peut utiliser un autre outil de politique monétaire pour faire baisser l'inflation : la BCT peut racheter la dette de l'Office des céréales (ODC) auprès de la Banque nationale agricole (BNA) et accorder des prêts à faible taux d'intérêt aux agriculteurs afin de les aider à produire davantage de denrées alimentaires et à réduire l'inflation alimentaire.
2. La Banque centrale de Tunisie et le ministère des Finances peuvent accorder des prêts à faible taux d'intérêt à la STEG et à l'ETAPE pour les aider à réduire leur dette et à faire baisser le coût de l'énergie et l'inflation pour leurs consommateurs.
3. Le ministère des Finances doit réduire l'impôt sur les sociétés et aider toutes les entreprises de la Bourse de Tunisie (BVMT) à étendre leurs activités sur les marchés libyen et algérien afin de réaliser des économies d'échelle, de réduire leurs coûts de production et d'apporter davantage de devises à la BCT, ce qui valorisera le dinar et réduira l'inflation.
Conclusion
La Tunisie est considérée comme un pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure par le FMI. Une inflation de IPC 5 % est excessive. La BCT devrait donc viser un taux d'inflation de IPC 2 % au cours des 12 prochains mois.
Par ailleurs, le système bancaire accorde uniquement des prêts à la consommation, sans aucun financement supplémentaire pour l'investissement et la production. Par conséquent, le système bancaire, en partenariat avec la Banque centrale de Tunisie, devrait accorder des prêts à des secteurs spécifiques, notamment l'agriculture et l'industrie manufacturière, afin d'accroître la capacité de production et de réduire l'inflation (Source : BCT et ministère des Finances).
Le gouvernement tunisien et la Banque centrale de Tunisie doivent collaborer pour gérer les politiques budgétaire et monétaire et s'efforcer de ramener le taux d'intérêt à 5 % (TID) et de réduire l'impôt sur les sociétés au cours des 12 prochains mois afin de lutter contre l'inflation, de protéger le dinar tunisien et d'éviter que le système bancaire et l'économie tunisiens ne s'enfoncent davantage dans la récession.