Ahmed Mestiri : Un grand militant s’en va…

Un grand militant s’en va. Ahmed Mestiri, né le 2 juillet 1925 à La Marsa est décédé ce jour, 23 mai 2021. Sid Ahmed Mestiri a été, sa vie durant, un homme de principes, inflexible, incorruptible, refusant toute compromission. Avocat, homme politique tunisien, ambassadeur et ministre.

Militant de la première heure, il effectue des études de droit à Alger, de 1944 à 1948, puis à l'Institut d'études politiques de Paris et à la faculté de droit de Paris où il obtient sa licence. Dès 1948, il exerce le métier d'avocat à la cour de Tunis.

En janvier 1952, il est membre de la direction transitoire clandestine du Néo-Destour (bureau politique) chargée de la résistance, aux côtés de Farhat Hached, Sadok Mokaddem, Mongi Slim, Hédi Nouira, Hédi Chaker, Jallouli Farès, Taïeb Mehiri, Mohamed Snoussi, Abdallah Farhat, Tahar Amira et Mokhtar Attia. Il échappe à une tentative d'assassinat par l'organisation terroriste de la Main rouge.

Il supervise des actes de résistance en collaboration avec Mohamed Derbal, Belhassine Jrad, Abdelaziz Chouchène, Youssef Bel Haj Frej, Habib Bellalouna, Hassen Ben Abdelaziz, Sadok El Matourchi, Taïeb Ben Belgacem, Houcine Bouzaiane, Taïeb Cherif et Hassen Lanouar.

En décembre 1952, il rentre dans la clandestinité après l'assassinat de Hached et échappe à la police lancée à sa recherche à la suite de poursuites judiciaires et d'un arrêté d'éloignement. Il assume diverses responsabilités gouvernementales très tôt.

En août 1954, il est chef de cabinet de Mongi Slim, ministre d'État délégué par le Néo-Destour pour mener les négociations avec la France qui aboutissent à l'autonomie interne un an plus tard. En septembre 1955, il est chef de cabinet de Slim devenu ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Tahar Ben Ammar qui signe le protocole d'accord par lequel la France reconnaît l'indépendance de la Tunisie le 20 mars 1956.

Dans le premier gouvernement formé par Habib Bourguiba, le 15 avril, Mestiri est ministre de la Justice, où il participe activement à la « tunisification » de l'appareil judiciaire, à la rédaction des nouvelles lois et à l'élaboration du Code du statut personnel. Peu de temps après, il représente la Tunisie au Conseil de sécurité des Nations Unies, à la suite du conflit avec la France suite au bombardement de Sakiet Sidi Youssef. Le 30 décembre 1958, il est ministre des Finances et du commerce. Il participe à la création de la nouvelle monnaie : le dinar tunisien.

Il est le premier ambassadeur de Tunisie en URSS, Pologne et Tchécoslovaquie (1960) puis en République Arabe Unie (1961) et en Algérie (1962). Le 22 juin 1966, il revient à Tunis pour devenir ministre de la Défense nationale.

Dès fin 1967 et début 1968, il s’oppose à la politique de collectivisation menée de manière autoritaire et administrative. Ses positions au sein du gouvernement et du bureau politique l’amènent à démissionner, le 29 janvier 1968, des deux instances. Le même jour, il explique les raisons de sa démission dans une déclaration à l'agence de presse United Press International et au quotidien Le Monde. Il est immédiatement sanctionné et exclu du PSD.

Le 10 septembre 1969, il rompt un silence de vingt mois pour adresser un message d'appui au président Bourguiba à la suite de sa décision d'abandonner la réforme et de retirer les portefeuilles du plan et de l'économie nationale à Ben Salah, tout en lui laissant celui de l'éducation nationale. Dans une déclaration remise à la presse le 4 octobre, il critique l'action passée du gouvernement et trace les grandes lignes d'un programme de redressement. Il y demande, en outre, le report des élections présidentielles et législatives prévues pour le 2 novembre, citant l'incapacité du président Bourguiba à assurer pleinement les devoirs de sa charge en raison de sa maladie.

Malgré son refus de s’excuser, il est réintégré au sein du PSD le 23 avril 1970 et peu après au comité central et au bureau politique. À la mi-mai 1970, il se réconcilie publiquement avec Bourguiba à Paris où ce dernier séjourne pour des raisons de santé. Leur rencontre est diffusée par la télévision nationale et relayée par la presse.

Il pousse Bourguiba à faire son autocritique dans son fameux discours du 8 juin, devenu la référence pour la nouvelle orientation du régime au lendemain de la crise de septembre 1969.

Le 8 juin 1970, il est nommé rapporteur de la commission supérieure du parti chargée d'élaborer un projet de réformes et d'amendement de la Constitution de 1959. Le 12 juin, il réintègre le gouvernement comme ministre de l'Intérieur.

Un an plus tard, le 21 juin 1971, il annonce sa démission du poste de ministre de l'Intérieur et de membre du PSD car les promesses de démocratisation et de libéralisation faites par Bourguiba dans son discours du 8 juin 1970 n'ont pas eu de suites. Il en révèle les raisons publiquement. Bourguiba refuse sa démission et réaffirme l'engagement du gouvernement à poursuivre le processus démocratique en fixant la date du congrès du PSD au 28 octobre.

Au ministère de l'Intérieur, il entreprend des réformes avec l'appui de deux de ses collaborateurs fidèles, Mohamed Chaker (chef de cabinet) et Zakaria Ben Mustapha (directeur de la sûreté nationale), ce qui lui vaut d'entrer en conflit avec l'aile conservatrice du régime. Le 4 septembre 1971, il est déchargé de ses fonctions de ministre de l'Intérieur par décret présidentiel à la suite de son opposition à la nomination arbitraire d'un nouveau directeur de la sûreté nationale et de deux gouverneurs. Il reste cependant membre du PSD et rapporteur de la commission supérieure du PSD.

Le 11 octobre 1971 s'ouvre à Monastir le VIIIe congres du PSD avec à l'ordre du jour le plan de réformes élaboré par la commission supérieure du parti et l'élection du comité central du PSD. Au préalable, durant les travaux préparatoires du congrès, les partisans des réformes avaient été soumis à l'étroite surveillance de la police politique et avaient subi les contraintes de l'appareil d'État resté hostile à toute velléité de changement.

Le 15 octobre, aux élections du comité central, l'aile dite libérale dont il est le chef remporte un grand succès et un fort pourcentage de voix : Mestiri est élu avec 788 voix sur 950 suffrages exprimés, en deuxième position derrière Bahi Ladgham. Bourguiba bafoue les décisions du congrès et désigne les membres du bureau politique contre le vote des congressistes.

Les 9 et 25 décembre, Mestiri est traduit devant la commission de discipline du PSD, accusé d'offense au président et au Premier ministre Hédi Nouira.

Le 21 janvier 1972, il est exclu du PSD ; il continue néanmoins à occuper son siège de député, prenant souvent la parole pour émettre des critiques à l'encontre du régime. En novembre de la même année, il adresse avec dix autres personnalités destouriennes, une lettre au président Bourguiba, contenant une analyse sévère de la situation politique et économique du pays.

Le 20 juillet 1973, il est exclu de l'Assemblée nationale où il siège depuis l'indépendance

En juin 1978, il fonde le Mouvement des démocrates socialistes (MDS) dont il devient secrétaire général. En 1981, son parti participe aux premières élections pluralistes. Les listes vertes du MDS connaissent alors un important succès mais, constatant l'effondrement du PSD, le pouvoir ordonne une victoire totale de ce dernier par le biais du ministère de l'Intérieur. La fraude est généralisée.

Dans un article intitulé « J'accuse » et publié à la une de L'Avenir, l'organe en langue française du MDS, Mestiri écrit : « J’accuse le ministre de l’Intérieur, les gouverneurs et les délégués d’avoir falsifié les résultats du scrutin. Les résultats officiels proclamés ne sont pas conformes au choix du peuple. La loi a été bafouée »

En avril 1986, il est arrêté, emprisonné puis mis en résidence surveillée à la suite de sa participation à une manifestation. En 1989, il se retire volontairement du secrétariat général du MDS puis met fin à toute activité politique.

En décembre 2013, son nom est évoqué pour diriger un gouvernement de salut national.

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