Kais Saied joue le temps.

Il est clair qu'il a, dès le départ, pris la décision de ne pas se contenter du délai de 30 jours. Il entend profiter de l'euphorie générale pour reconduire ce délai. Conformément à la constitution, dira-t-il. Constitution dont il continue à faire une lecture artistique, à la fois unilatérale et multidimensionnelle.

Pendant ce temps, l'administration vogue à vue. Des ministres, des intérimaires, des "chargé.e.s", des secrétaires généraux gèrent avec plus ou moins de bonheur et de talent une machine lourde, encombrante et qui a horreur du vide.

Dans l'open bar constitutionnel de Saied, il se voit chef de tout ad vitam aeternam. Une visite par-ci, un cadenas par-là, une promenade en ville, un communiqué nocturne, et tout va bien.

Saied est l'Etat et l'Etat est Saied. Il n'a pas besoin d'intermédiaires, de gouvernement, de conseils de ministres, etc. Comment donc compte-t-il gouverner? Par décret avait-il dit. Sauf qu'ils ont été rares jusqu'ici et que la gestion d'un pays inclut des aspects pratiques qui ne peuvent être couverts par des décrets.

Alors quel est le plan ?

Le temps.

Saied donne le temps au temps pour établir son fait accompli. À coup de liesse populiste, de tours de vis discrets, de vindictes publiques, de restrictions progressives "à l'encontre de son plein gré", le pouvoir nouveau s'installe.

La rupture avec la scène politique et la société civile est consommée. À part les signaux étudiés à l'adresse de sa base, la communication envers le peuple, les institutions, les médias, est absente. Les acteurs internationaux sont traités avec légèreté.

L'idée est que tous ces perturbateurs, ces empêcheurs de gouverner en rond, vont s'user, être dissous dans la nouvelle "dynamique".

Ce que cette pensée mono-canal ne prend pas en compte c'est……. Justement le temps. C'est que le temps n'a pas le temps.

Des décisions sont en attente dans les administrations. Des signatures manquent sur les documents. Les comptes publics s'assèchent. Les financements ne viennent pas. Les acteurs économiques s'inquiètent. La machine du secteur privé se met au ralenti et se carapace. Les parties prenantes politiques attendent la faute.

Dans ce jeu de face à face entre chiens de faïence, c'est donc à qui s'usera le premier. L'arbitre étant le temps.

Le pays ? On s'en fout. Autant qu'on s'en foutait avant.

Veuillez patienter, aucun opérateur ne va prendre votre appel.

Ça fait désordre tout ça.

La Tunisie a toujours été un facteur de stabilité en Afrique du Nord. Elle a toujours contribué à trouver un terrain d'entente entre l'Algérie et le Maroc.

Notre diplomatie vogue sans orientation depuis quelques temps.

Notre longue tradition d'engagement auprès des instances internationales, de neutralité, de plate-forme de coopération régionale, est en perte de vitesse.

Pris dans nos querelles, nous n'avons pas vu venir les nouveaux défis et enjeux.

Sur le différend Algérie / Maroc, la Tunisie est toujours partie du principe que personne n'a tort ni raison. Et a toujours œuvré à maintenir une relation prudente mais courtoise entre nos deux voisins.

La rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, c'est un peu un échec de notre part. Nous n'avons pas vu venir la chose, nous n'avons pas su l'éviter.

Le non-Maghreb continue à nous coûter.

Décidément, la région de l'Afrique du Nord connaît bien des tensions. L'Égypte qui est loin de l'apaisement politique et social, en dépit des apparences. La Libye où l'entente nationale est assez fragile dans l'attente des hypothétiques élections du mois de décembre. Le Sahel en proie aux conflits intérieurs et au djihadisme transfrontalier. L'Algérie et le Maroc qui se retrouvent à couteaux tirés et qui auront du mal à revenir au dialogue. Et la Tunisie au milieu. Sans boussole institutionnelle. Qui se dirige vers une crispation de ses relations avec ses principaux partenaires. Assise sur une bombe à retardement sociale et économique.

Ça fait désordre tout ça.

Pour les pays et instances d'Europe, ainsi que les États-Unis, il s'agit de trouver un équilibre entre ces données, un arbitrage entre le protectionnisme isolationniste instinctif et le besoin de lutter contre les débordements et de maintenir une certaine stabilité au niveau de la région. Surtout avec la Turquie en mode interventionniste tous azimuts, les Pays du Golfe qui mènent leurs guéguerres par procuration dans nos contrées, et la Chine à l'affût du recul de l'influence occidentale sur le continent africain.

Peut-être une piste pour la lecture de la déclaration de Michael Gahler ? Cette déclaration n'est pas un caprice personnel. Le tout-puissant PPE en a pesé le pour et le contre. Avec le CDU en arrière-plan. Et le poids d'Angela Merkel.

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