Le cheval de Troie de la « reconnaissance » et la Palestine comme boussole morale

Ce n’est pas nouveau. Il s’agit encore d’un autre stratagème de distraction de masse, qui cette fois se manifeste en pleine lumière, évident et reconnaissable par tous pour ce qu’il est vraiment : une tentative désespérée d’exorciser la terreur d’un système qui, bien qu’au milieu de difficultés et de contradictions, est en train de vaciller dans ses fondements mêmes.

Les reconnaissances de l'État palestinien arrivent, accompagnées des « définitions officielles » tardives du génocide par les agences des Nations Unies. Cela ressemble à une capitulation, mais c'est la capitulation d'un système trop arrogant pour vraiment se rendre. Il tente donc la stratégie du cheval de Troie : il se camoufle. Il utilise le langage qu'il a validé et qu'il croyait désormais sans vergogne et incontestablement hégémonique – le jargon néolibéral et politiquement correct de la négociation, imprégné d'un discours bien-pensant qui promeut un pacifisme fonctionnel uniquement à la suprématie du Nord global. Avec ce même langage, le système repropose ses visions de domination coloniale et relégitime ses asymétries de pouvoir à travers la réaffirmation des deux États, qui n'est rien d'autre que la neutralisation et la dissimulation des relations coloniales oppressives, ainsi que la tentative de renforcer subtilement les structures internationales d'origine coloniale qui les soutiennent.

Certains tentent même d'aller plus loin, d'imposer leur « victoire » en présentant cette stratégie comme une concession, conditionnée par la nécessité d'une abdication stratégique et morale des Palestiniens. Ils se sentent forts de la complicité de leurs vassaux : une classe politique palestinienne qui continue sans vergogne à parler au pluriel mais qui ne représente personne. Ils tentent de légitimer la dynamique coloniale avec l'approbation des colonisés, leur laissant faire le sale boulot, celui de discréditer, de transformer, de diaboliser leur propre cause, celle de la libération. Mais ils ne savent pas que les menottes dorées qu'ils leur ont promises sont méprisées par les masses, ces masses qu'ils tentent de contrôler et qu'ils prétendent arrogamment représenter. Ils ne savent pas que plus personne ne croit à cette rhétorique, qui n'est reconnue que pour ce qu'elle est : une violence politique, caractéristique fondatrice de l'histoire européenne et occidentale.

S’il ne s’agissait pas d’une dynamique révélatrice de l’arrogance et, oserais-je dire, de l’arrogance anachronique du système de domination occidental, ce ne serait que risible.

La vérité, toute nue, c'est que malgré la tragédie qui entre dans les phases les plus sanglantes et inimaginables d'un génocide colonial perpétré depuis des décennies et soutenu par tout un système qui semblait intouchable, la Résistance palestinienne continue de démontrer que la lutte populaire ne peut être domestiquée. Elle prouve que sur le terrain, les déclarations stratégiques et la vulgarité de la domination militaire et économique qu'ils imposent avec arrogance ne se traduisent pas par des victoires et des conquêtes incontestables. Elle démontre que malgré la conviction de pouvoir dévaster et « reconstruire » la Palestine à leur guise, afin de marquer son territoire de l'arrogance coloniale en effaçant toute l'histoire d'un peuple indigène, le système n'est pas en mesure de s'imposer. La résistance palestinienne incarne un principe universel : l'ambition de liberté ne se négocie pas. Et cette vérité ne reste pas confinée. Elle se propage. C'est une vague qui naît des décombres de Gaza et se brise contre les forteresses du pouvoir mondial.

C'est le monde entier qui considère désormais la Palestine comme une boussole morale et se révolte. C'est la dignité et la confiance inébranlable en la justice à venir, de Gaza à Tulkarem, de Jérusalem à Haïfa, qui obligent le système à se recycler pour tenter de se protéger. C'est cette force qui empêche toute avancée arrogante, contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire. L'immense et dévastateur, mais digne et héroïque sacrifice du peuple palestinien reste une vérité incontestable qui a ébranlé les fondements de ce système pourri. Et il a favorisé une mobilisation populaire, tenace dans sa spontanéité, qui surgit des amphithéâtres universitaires occupés, de la prise de conscience des travailleurs de tous les secteurs, des places publiques indignées. C'est la conscience de millions de personnes qui, reconnaissant en Palestine l'épicentre de la justice refusée, font leur cette lutte.

Mais c’est précisément ici, au moment de son plus grand élan, que le mouvement doit s’organiser avec une discipline de fer. Cet éveil des consciences ne doit pas, ne peut pas se transformer en un enthousiasme facile pour les salons mondains ou en un drapeau à agiter pour se sentir moralement juste. Le système, expert dans la neutralisation des révoltes, va tenter de coopter, d’adoucir, de canaliser cette énergie débordante dans les impasses du débat institutionnel, de la reconnaissance formelle vidée de sa substance, de l’humanitarisme qui soigne les blessures sans jamais combattre ceux qui les infligent.

Il est de notre devoir, maintenant, de ne pas rendre vaine le sacrifice palestinien. Il est de notre devoir d’honorer la résistance et de contribuer par une construction capillaire d’actions et de visions politiques capables de faire avancer les premiers pas déjà franchis. Nous devons le faire avec lucidité, avec une vision stratégique à long terme, avec une discipline organisationnelle et une cohérence théorique. Se rappeler que la libération palestinienne est la libération de nos sociétés. Nous ne sommes pas seulement solidaires, nous pouvons être, nous devons être, des défenseurs d’un changement systémique qui sert à apporter la justice.

Sans reculer.

Sans nous laisser éblouir et distraire par des paillettes faciles et des déclarations autoréférentielles.

Sans nous laisser mettre des chapeaux.

En gardant clairement à l'esprit que la Palestine montre la voie : que la lutte se mène sur nos territoires, non seulement avec une émotion solidaire, mais aussi avec une conscience révolutionnaire.

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