L’arnaque sémantique de « l’intelligence artificielle »

Les Américains ont l'habitude de donner des noms trompeurs aux technologies et aux idéologies qu'ils entendent vendre au monde pour le transformer à leur image et à leur ressemblance. On pense aux « réseaux sociaux », dispositif d'individualisme et d'asocialité, ou à la "privacy", qui transforme les petites manies privées en un droit inaliénable et "naturel" qui, lui aussi, déstructure les valeurs collectives et les devoirs de la communauté.

L'intelligence dite artificielle est un autre de ces artifices. À bien y réfléchir, il ne peut s'agir d'une intelligence pour la simple raison que "intelligence" est un mot introduit par les humains pour se définir eux-mêmes. En d'autres termes, elle nécessite une conscience et n'est pas applicable à d'autres entités, sauf à faire un acte d'anthropomorphisation, ce qui est beaucoup plus arrogant ou naïf que de représenter Dieu comme un vieil homme à la barbe blanche. Contrairement aux autres capacités humaines (ou plutôt aux concepts inventés pour les définir, comme la raison ou la logique), l'intelligence est soit réflexive, soit nulle.

De toute évidence, ce discours est incompréhensible pour tous ceux qui ont transformé la science en ontologie, c’est-à-dire en une étude non pas des phénomènes mais des vérités en elles-mêmes, s’exemptant de la fatigue de la subjectivité. Tout est ou doit être objectif, sans marge de doute et sans besoin de confirmation sociale : il suffit d’avoir suffisamment de données statistiques, et si elles ne sont pas précises, il suffit de les simplifier heuristiquement (c’est-à-dire par approximation).

Le dernier obstacle était précisément l’intelligence. Étymologiquement, il signifie « lire à l’intérieur », c’est-à-dire « entre les lignes », donc pas ce qui est écrit, pas ce qui est « fait » et évident en soi. C’était aller au-delà de l’évident, du banal ; mais pas au niveau des émotions, comme le prétendent les nombreux exhibitionnistes de notre temps, mais plutôt au niveau du raisonnement partagé, collectif et en tant que tel faisant autorité même s’il ne peut être scientifique, c’est-à-dire répétable à l’identique à chaque fois dans des circonstances identiques.

S’ils avaient été honnêtes, les milliardaires promoteurs de « l’intelligence artificielle » (il faut se méfier du simple fait que d’énormes ressources sont allègrement utilisées pour l’imposer à la hâte partout et sans contrôle) l’auraient appelée « artificialité intelligente », dans laquelle l’accent aurait été mis sur l’artificialité (donc sur la non-humanité) et l’adjectif aurait suggéré une similitude ; Tout comme nous pouvons dire que « ce chien est intelligent » mais pas qu’il y a une « intelligence canine » car elle nous serait incompréhensible et donc, selon nos termes, pas intelligente.

Wittgenstein, d'une certaine manière l'un des pères de la dérive scientiste (le "Tractatus") et d'une autre manière un humaniste (les "Recherches philosophiques"), a déclaré que "si un lion pouvait parler, nous ne pourrions pas le comprendre. De même, s'il était intelligent, ce ne serait pas notre intelligence. Attribuer l'intelligence aux ordinateurs est donc une supercherie : faire croire qu'il existe une intelligence objective, qui serait bien sûr celle des maîtres bien humains (mais très riches et très méchants) de l'intelligence artificielle.

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