Pourquoi la Banque mondiale prend-elle ses distances de Kaïs Saied?

Cette question mérite d’être posée! Une partie de la réponse se trouve dans les archives de l’histoire de l’aide de la Banque mondiale à la Tunisie. Le texte d’archive d’un article datant du 1 juin 1970, apporte un éclairage historique unique.

Ce que dit ce texte simple et peut se résumer à la formule qui dit que la Banque mondiale a été condamnée par association à l’œuvre de collectivisation menée par Le super ministre de L’économie M. Ahmed Ben Salah.

La Banque mondiale a été jugée pour responsabilité morale dans la mise en faillite des centaines de milliers de fermes et familles tunisiennes, et plusieurs dizaines de morts tués lors de soulèvement paysans durant la fin des années 1960.

Rappelons les faits. Tout remonte au procès devant la justice tunisienne du ministre Ahmed Ben Salah.

Le procès d’Ahmed Ben Salah en 1970 a permis de voir que l’expérience socialisante en Tunisie a été financée et conçue dans beaucoup de ses mesures et actions prises par la Banque mondiale, sous la gouvernance du Général Mc Namara.

L’expérience de collectivisation des terres agricoles durant les années 1960 a ruiné une centaine de milliers de fermes agricoles en Tunisie, avec une paupérisation très grave et plusieurs dizaines de morts parmi les paysans qui se sont insurgés et se sont défendus voulant protéger leur cheptel, leur terre et outils de travail, tous collectivisés et enlevés par l’Etat tunisien.

Une responsabilité morale a été assumée par la Banque mondiale. Dans sa défense, Ahmed Ben Salah, emprisonné et condamné à la prison (15 ans), a expliqué comment les experts de la Banque mondiale ont participé fortement et directement dans la conception, le calibrage, le financement, les mesures prises et les programmes d’expropriation et de collectivisation.

Dans ce procès fleuve (plusieurs mois), les juges tunisiens ont condamné aussi et moralement la Banque mondiale dans cette déroute historique de la Tunisie. Condamné par association…

Les analystes européens ont aussi accusé la Banque mondiale en 1970, accusant celle-ci d’avoir financé par des prêts à 8% de taux d’intérêt, une politique vouée d’avance à l’échec, pour vacciner la Tunisie et les pays arabes de toute velléité de communisme et de socialisme agraire. La Tunisie a payé très chèrement cette assistance technique expérimentale et à double tranchant de la Banque mondiale.

Aujourd’hui, la Banque mondiale ne veut pas financer la Tunisie, alors qu’elle est gouvernée par un leader qui monopolise tous les pouvoirs, qui critique les institutions internationales et qui se révèle adepte de théorie raciste, xénophobe … et qui mène son pays vers une faillite économique quasi-certaine. Tout semble indiquer que la Banque mondiale ne veut pas appuyer le projet de Kais Saeid en Tunisie. Et elle prend ses distances…

La Banque mondiale veut éviter de refaire son erreur de 1970, et pour rien au monde ne veut se faire condamner une deuxième fois par association à des politiques vouées à l’échec.

Pour l’histoire, la Banque mondiale veut éviter d’assumer une responsabilité morale dans tout ce qui se passe et ce qui adviendra en Tunisie pour les mois et années à venir.

Plus de détails figurent dans le texte en anglais, on peut traduire en français cette pièce historique unique…le cas échéant!


…

La Banque mondiale suspend le programme tunisien, suite aux remarques du président sur les migrants

C’est exceptionnel, rare et rarissime dans les traditions, us et coutumes de la Banque mondiale. Il doit y avoir des raisons et des enjeux majeurs, pour voir la Banque mondiale punir et aussi sévèrement la Tunisie et les Tunisiens.

En cause, des propos jugés racistes, populistes et discriminatoires tenus par président Kais Saied au sujet des immigrants subsahariens, présents en Tunisie. Des propos qui se sont traduits par une violence collective contre ces minorités et populations vulnérables à plus d’un titre.

Les militants des droits de l'homme ont imputé la violence croissante contre les migrants à un discours controversé du président tunisien Kaïs Saied.

Responsabilité morale et éthique

La Banque mondiale suspend les pourparlers sur son futur engagement avec la Tunisie à la suite de commentaires anti-immigrants faits par le président du pays, Kaïs Saied, selon un message interne au personnel vu par l'AFP.

Dans le message envoyé dimanche soir, le président sortant de la banque, David Malpass, a déclaré que la tirade de Saied avait déclenché "un harcèlement à motivation raciale et même une violence", et que l'institution avait reporté une réunion prévue impliquant la Tunisie jusqu'à nouvel ordre.

"Compte tenu de la situation, la direction a décidé de suspendre le cadre du partenariat national et de le retirer de l'examen du conseil d'administration prévu le 21 mars", a déclaré Malpass dans la note au personnel.

On peut comprendre que les projets en cours se poursuivront et que les projets financés resteront financés. Mais, sans plus et pas questions de prendre le risque d’être condamné par association.

Ce qui est mis en suspens concerne les nouveaux financements nouveaux de moyen et long termes. Pour tous ces projets et perspectives, la Banque mondiale dit non, et coupe les vivres à la Tunisie.

Cela impactera les projets discutés avec le FMI et la Banque africaine, et pas seulement. Les autres banques de développement, ne peuvent que s’aligner sur la décision de la Banque mondiale.

Cette décision compromettra et de façon sérieuse les négociations avec le FMI pour finaliser un accord de principe de 1,9 milliard de dollars.

L’aide bilatérale risque de suivre la même tendance, la Banque mondiale et le FMI disposent d’une notoriété qui impose le respect et l’alignement sur leur décision d’aider ou pas un pays…ou un régime politique jugé dictatorial ou maladroits dans sa gouvernance.

Des centaines de migrants sont rentrés chez eux depuis la Tunisie, craignant une vague de violence depuis les remarques du président.

Le mois dernier, Saied a ordonné aux responsables sécuritaires de prendre des "mesures urgentes" pour lutter contre la migration irrégulière, affirmant sans preuve qu'un "complot criminel" était à l’œuvre pour changer la composition démographique de la Tunisie.

Il a affirmé que les migrants étaient à l'origine de la plupart des crimes dans le pays d'Afrique du Nord, alimentant une série de licenciements, d'expulsions et d'attaques.

- "Complètement inacceptable" -

"Les commentaires publics qui alimentent la discrimination, l'agression et la violence raciste sont totalement inacceptables", a déclaré Malpass dans la note au personnel de la Banque mondiale.

Pourtant M. Malpass est déjà démissionnaire et sur le départ. Il est Américain, nommé par le président Trump, dans une perspective pourtant d’extrême droite, très conservatrice.

Mais il a également noté que les mesures annoncées par le gouvernement tunisien pour protéger et soutenir les migrants et les réfugiés ont marqué une "étape positive", ajoutant que la banque évaluerait et surveillerait attentivement son impact.

Le prêteur pour le développement mettra en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires pour son personnel sur le terrain et pourra prendre davantage de mesures si nécessaire, a-t-il ajouté.

L'Union africaine a déjà exprimé "un profond choc et une inquiétude" face aux remarques de Saied, et les gouvernements d'Afrique subsaharienne se sont empressés de ramener à la maison des centaines de ressortissants effrayés qui ont afflué vers leurs ambassades pour obtenir de l'aide.

Les États-Unis sont "profondément préoccupés" par les remarques du président Saied, a déclaré le porte-parole du département d'État, Ned Price, lors d'un point de presse lundi.

"Ces remarques ne sont pas conformes à la longue histoire de générosité de la Tunisie et d'accueil et de protection des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants", a-t-il déclaré.

"Nous exhortons les autorités tunisiennes à respecter leurs obligations en vertu du droit international pour protéger les droits des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants", a-t-il ajouté.

Kaïs Saied doit présenter des excuses!

M. Maplass a également appelé les autorités tunisiennes à faciliter le retour "sûr, digne et volontaire" des migrants qui cherchent à retourner dans leur pays d'origine.

Depuis le discours du président le 21 février, les groupes de défense des droits ont signalé un pic de violence des justiciers, y compris des coups de couteau ciblant des migrants africains.

"Nous condamnons sans réserve toutes les déclarations xénophobes, racistes, destinées à accroître la haine raciale", a déclaré Stephane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, lors d'un point de presse lundi.

Selon les chiffres officiels, il y a environ 21 000 migrants sans papiers en provenance d'autres parties de l'Afrique en Tunisie, qui abrite environ 12 millions de personnes. C’est négligeable statistiquement parlant, même pas 0,5%. Alors que la Tunisie compte une communauté expatriée de quelques 1,7 millions émigrants repartis sur tous les continents et pays du monde (15%).

De nombreux migrants africains dans le pays ont perdu leur emploi et leur maison du jour au lendemain.

Les ambassades de Côte d'Ivoire et du Mali ont précédemment fourni un logement d'urgence à des dizaines de leurs citoyens expulsés de leurs foyers, y compris de jeunes enfants.

Entre-temps, des citoyens d'autres pays africains dont les pays n'ont pas de représentation diplomatique en Tunisie avaient entre-temps mis en place des camps de fortune à l'extérieur des bureaux de Tunis de l'Organisation internationale pour les migrations.

Les dégâts liés aux propos tenus par Kaïs Saied sont incommensurables. D’abord, ces dégâts vont se chiffrer en milliards de manque à gagner par la Tunisie: en aide directe, en investissement direct étranger et en désaffection de touristes. Ensuite, les dégâts vont impacter le branding global de la Tunisie, et cela se traduit par moins d’exportations en Afrique et moins de présences des investisseurs tunisiens en Afrique.

Face à ces dégâts et perspectives négatives, les agences de notation vont certainement dévaluer encore plus la cote de confiance envers la Tunisie, son économie et ses banques.

Pour le président Kaïs Saied, ce n’est pas la première erreur de communication et de bienséance à l’égard des pays partenaires et amis. Le président Saied doit demander pardon aux pays africains et aux Tunisiens et Tunisiennes qui vont payer la facture de ces bourdes diplomatiques et stratégiques néfastes pour la Tunisie.

Poster commentaire - أضف تعليقا

أي تعليق مسيء خارجا عن حدود الأخلاق ولا علاقة له بالمقال سيتم حذفه
Tout commentaire injurieux et sans rapport avec l'article sera supprimé.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات