Don Atahualpa, la voix argentine de tout un continent

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La biographie de Manuel Urtizberea retrace avec grande sensibilité la trajectoire de cet immense artiste argentin, poète, guitariste et interprète, compositeur et écrivain, Atalhualpa Yupanqui. Un nom d’origine quechua qui le poussait vers un destin puisqu’il signifie « celui qui vient des terres lointaines pour raconter ». Nom quechua, comme son père, tandis que sa mère est basque. Avec de telles ascendances, Atahualpa a grandi « avec la force qui me vient de loin, de la vie libre conseillée par mes ancêtres basques, du silence de forêt et pierre que les aïeux indiens ont déposé dans cette étrange caisse de résonance que la nature m’a donné pour corps et esprit. L’ancêtre basque et l’ancêtre indien ont conspiré avec le paisano de cette terre où je suis né. » (Dans El criollo vasco de la tierra argentina, Sergio Miguel Recarte).

Figure emblématique d’Amérique latine, Héctor Roberto Chavero Aramburu (son nom de naissance) naît à Pergamino (Province de Buenos Aires, Argentine) en 1908. Très jeune, il apprend le violon car son père ne souhaite pas qu’il devienne un simple “guitarrero ». Pourtant la passion de l’enfant l’amènera à prendre des cours de guitare classique avec Bautista Almirón. Puis il vivra à Buenos Aires et Tucumán. Au fil de sa carrière artistique, de ses voyages dans le continent latino-américain et des rencontres avec Federico Garcia Lorca ou Pablo Neruda, il devient le porte-parole des plus pauvres, ceux qui n’ont rien. Comme l’arriero, le conducteur de troupeaux. Pour lui, il chante « las penas son de nosotros, las vaquitas son ajenas ». « Les peines sont à nous, les vaches sont aux autres ».

Affilié au parti communiste, il est emprisonné deux fois sous la première présidence de Juan Domingo Perón. Une fois libéré, il connaît les difficultés de ne pouvoir se produire en concert. D’où son exil comme beaucoup d’artistes, en Europe où, devenu ami de Paul Eluard, Aragon et Elsa Triolet, il chante à la salle Pleyel.

Son destin croise alors celui d’Edith Piaf, avec qui il est à l’affiche en 1950. « Elle fit une affiche étrange, insolite, car personne ne me connaissait ; même le propriétaire de l’hôtel ignorait qui j’étais… « Edith Piaf chantera pour vous et pour Atahualpa Yupanqui ». Pour les gens j’étais un martien… Et elle chanta la première partie et me laissa la deuxième », relate ainsi Atahualpa. Suivront les enregistrements avec la maison de disques Le Chant du Monde et, cette même année, le prix de l’académie Charles Cros pour son disque Minero soy.

Il revient en Argentine, rompt avec le parti communiste, mais il ne s’épanouit dans sa carrière qu’en Europe, où il revient pour entreprendre des tournées en Allemagne, Espagne, Pays-Bas. Puis le Japon dont la culture l’émerveille. En 1968, il est à Paris : « beaucoup de gens me disent que les jeunes m’ont désigné le Brassens indien. Ils réclament des chansons contestataires comme on les appelle ici. Je chanterai le paysage, le cheval et la pampa et la montagne sans m’engager dans ces chemins que capitalisent ensuite ceux qui disent réformer le monde et qui vivent sur le dos des naïfs. » (Lettre à sa femme, Paris, 2 avril 1968).

C’est lors de ces années 70 où il chante au Théâtre de la Ville, que Manuel Urtizberea, alors professeur d’espagnol, passionné de musique andine, le rencontre à Paris. « L’enregistrement de quelques chansons que j’avais créées avec le groupe de musique andine ’ Los Puneños ’ et une possibilité qui m’était offerte d’aller le rencontrer dans un café parisien furent déterminants », rappelle Urtizberea. C’est ainsi qu’Atahualpa le reçoit chez lui, dans le 14e arrondissement, et lui donne quelques indications précieuses pour continuer à jouer cette musique qui l’a toujours accompagné. Cette même passion qui l’a poussé aujourd’hui à revenir sur la rencontre avec un homme « imposant et lumineux ».

Son livre est ponctué de nombreux extraits des magnifiques poèmes et chants d’Atahualpa (en français et en espagnol), d’anecdotes reflétant l’humour et la tendresse secrète de ce grand poète latino-américain. Un bel hommage à celui qui chantait « Anduvo de pago en pago y en ninguno se quedó, forastero en todas partes, destino del trovador”

« Il marcha de village en village et nulle part ne resta,

Étranger en tout lieu, c’est le destin du troubadour »

« Don Atalhalpa, la voix argentine de tout un continent »

Par Manuel Urtizberea

Editions Atlantica, Biarritz, 2011

ISBN 978-2-7588-0358-4

www.atlantica.fr

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