Il y a eu un échange intense la semaine dernière entre les parties occidentales, l’Iran et la Russie après que l’Ukraine eut été invitée à se joindre à une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la mise en œuvre de la résolution 2231 – qui a approuvé le Plan d’action global commun (JCPOA) de 2015.
Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont fait valoir que la fourniture de drones par l’Iran à la Russie constituait une violation du JCPOA qui affecte directement l’Ukraine, lui donnant le droit d’être présente. La Russie et l’Iran ont répliqué que la décision d’inclure l’Ukraine était politique et inappropriée, étant donné que l’Ukraine n’est pas partie au JCPOA.
Quels que soient les détails de ce débat, il est révélateur d’un problème plus vaste qui empoisonne l’éthique de l’internationalisme. D’une part, les violations de l’accord nucléaire par l’Iran sont pertinentes pour le débat sur la résolution 2231. Cependant, les violations de l’Iran ne peuvent être comprises que dans le contexte des violations de l’accord par les États-Unis. Après tout, ce sont les États-Unis qui se sont retirés unilatéralement de l’accord en 2018 et ont réimposé des sanctions à large assise en violation du JCPOA alors que l’Iran s’y conformait pleinement.
Pourtant, si l’on écoute la rhétorique de l’Occident – même des États-Unis, qui ont été les premiers malfaiteurs – ce contexte est totalement absent de la discussion.
Malgré le fait que le président Biden ait fustigé l’administration Trump pour la décision de quitter l’accord et ait suggéré qu’il y reviendrait pendant sa campagne présidentielle, l’administration Biden n’a pas encore officiellement renvoyé les États-Unis en tant que partie à l’accord. Contrairement à l’administration Obama qui a compartimenté les pourparlers du JCPOA et s’est concentrée sur la question nucléaire – la même logique qui a guidé les traités sur les armes entre les États-Unis et l’Union soviétique au plus fort de la guerre froide – l’administration Biden a essentiellement maintenu les politiques de l’ère Trump vis-à-vis de l’Iran plutôt que de revenir aux politiques de l’administration qu’il a servie en tant que vice-président.
Plutôt que de régler un problème de leur propre fabrication, les États-Unis ont masqué la situation nucléaire croissante avec l’Iran sous prétexte de violations iraniennes de l’accord et de questions extérieures au dossier nucléaire. Le cas du JCPOA, y compris les violations américaines de l’accord et son refus obstiné d’accepter la responsabilité, révèle un dilemme plus large en Occident et de la politique étrangère américaine en particulier : l’hypocrisie.
L’importance de cette impasse ne peut être négligée pour son impact dans les affaires politiques mondiales. En réalité, l’internationalisme et les organismes internationaux ne peuvent fonctionner que si les règles de ce soi-disant « ordre fondé sur des règles » sont appliquées de manière cohérente et équitable à tous les niveaux, sinon elles deviennent des outils de pouvoir et d’impérialisme.
Considérez le fait que juste un jour avant la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la résolution 2231, les experts de l’ONU ont publié une déclaration disant que la dernière incursion d’Israël dans les territoires palestiniens occupés en Cisjordanie pourrait constituer des crimes de guerre, un sentiment partagé par l’envoyé de l’UE dans les territoires palestiniens. Pouvez-vous imaginer que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France donnent aux Palestiniens la même scène pour exprimer leurs griefs lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU ? Au contraire, les États-Unis ont une longue histoire de blocage des résolutions de l’ONU critiquant Israël, fournissant à Israël un soutien sans équivoque en dépit de ses violations du droit international.
Les doubles standards et les incohérences invitent également d’autres États à faire de même et à repousser la puissance occidentale plutôt que de se concentrer sur la coopération mondiale. La réponse des pays du Sud à la guerre en Ukraine illustre ce point. Lorsque les capitales occidentales ferment les yeux sur la dévastation et la destruction causées par leurs propres guerres au Moyen-Orient, ainsi que sur les crimes de guerre commis, la posture morale de l’Occident après l’invasion de l’Ukraine par la Russie sonne creux. Même les partenaires américains dans la région, tels que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ont maintenu leurs relations avec la Russie – bien qu’ils condamnent rhétoriquement l’invasion – sans que cela n’affecte leurs liens avec les États-Unis.
Alors que l’invasion de l’Ukraine et les ravages causés aux civils sont sans aucun doute odieux, il y a des illégalités et des indignités parallèles aux actions américaines contre l’Irak et ses citoyens. Pourtant, dans les deux cas, les États-Unis ont réussi à revendiquer une supériorité morale. Ces incohérences révèlent une vérité inquiétante. Que nous ne sommes pas intéressés par l’internationalisme ou l’ordre fondé sur des règles que nous promouvons si catégoriquement. Au lieu de cela, ce qui nous intéresse, c’est la politique de puissance et le maintien d’un ordre mondial où la domination américaine prime sur la coopération internationale.
Ce sont ces mêmes attitudes qui ont conduit le monde dans le fléau de la guerre que la création de l’ONU était censée prévenir. Bien que la sphère multipolaire émergente défie certainement l’hégémonie américaine, il ne devrait y avoir aucun doute que les États-Unis sont toujours la nation la plus puissante du monde. Cependant, il reste à voir si nous traverserons cette période de transition en tant qu’empire qui s’effondre ou si nous nous engagerons enfin dans un véritable internationalisme pour relever des défis mondiaux tels que le changement climatique et la prolifération nucléaire.
En maintenant le statu quo, nous aurons choisi le premier plutôt que le second.