Quelques observations rapides et sereines à propos de la campagne raciste xénophobe honteuse en cours :

« Leur nombre a atteint les 700 milles »

Ce chiffre a été cité à plusieurs reprises par les guignols du parti nationaliste tunisien et a vite été repris sur facebook (qui est devenu malheureusement une autorité dans la Tunisie post-25 juillet) et certains médias Tunisiens. Ce chiffre est totalement faux et fait partie des fake news qui accompagnent les discours anti-migrants partout dans le monde. Toutes les estimations faites par des sources scientifiques et officielles donnent des chiffres qui ne dépassent pas les quelques dizaines de milliers (entre 30 et 60 milles personnes). Et là je m’étonne du silence des spécialistes de la migration qui n’ont pas réagi face à ces mensonges.

« Il y a un plan pour les installer durablement en Tunisie et ils vont concurrencer les Tunisiens dans l’emploi, ils travaillent dans l’informel sans papier »

Tout en dépassant l’aspect complotiste ridicule de cette hypothèse, je peux « rassurer » les Tunisiens qui en sont véritablement inquiets. Toutes les enquêtes crédibles ont montré que la Tunisie représente pour la plupart des subsahariens un pays de transit (qui est d’ailleurs très secondaire par rapport à la route atlantique et à la Lybie) et leur destination finale reste l’Europe soit par voie de migration légale soit via la Harka c’est-à-dire comme la majorité des jeunes Tunisiens de souche de nos familles et nos quartiers.

Toutefois, une durée de séjour en Tunisie de plus en plus longue a été observée mais pas dans les proportions qu’on présente. Si ce séjour est « illégal » c’est parce que notre législation régissant le séjour des migrants est archaïque (elle date de 1968 !) et figure parmi les plus contraignantes au monde.

En ce qui concerne l’emploi, il faut considérer 2 types d’emplois :

- L’emploi qualifié qui correspond à la catégorie des diplômés du supérieur la plus touchée par le chômage en Tunisie ce qui pourrait « légitimer » l’hypothèse qu’il y ait une certaine concurrence. Pour ce type d’emploi qui pourrait théoriquement intéresser les étudiants subsahariens diplômés en Tunisie, la législation Tunisienne a mis tellement d’obstacles devant l’emploi des étrangers que les entreprises en sont dissuadées (double condition de séjour et de préférence nationale).

De plus, les enquêtes auprès de cette catégorie de la population subsaharienne montrent qu’en majorité, celle-ci n’est pas intéressée par un emploi de ce type en Tunisie et cherche plutôt à rejoindre l’Europe ou retourner dans le pays d’origine (volonté sans doute motivée par ces mêmes difficultés administratives et légales et par les agressions et la discrimination dont elle est victime).

- L’emploi non qualifié (ouvrier dans les secteurs du bâtiment, restauration, services…): ce type d’emploi représente une certaine abondance à cause de la pénibilité de ses conditions et de sa précarité, la plupart des travailleurs subsahariens occupent ce type d’emplois, ne concurrencent pas les Tunisiens et sont victimes d’exploitation et de non-respect de leurs droits sociaux (tout comme leurs homologues Tunisiens d’ailleurs), certains cas présentent même des situations de traite des personnes et d’emploi forcé.

A ce niveau, je voudrais rappeler à mes compatriotes que leurs cousins Harraka qui migrent illégalement en Europe et rentrent au bled en success stories, travaillent sans-papier pendant des années et finissent par régulariser leur situation avec le soutien des gaucho-droits-de-l’hommistes-traitres européens, on ne peut pas appliquer les droits de l’homme dans une seule rive de la méditerranée ou pour les Tunisiens seulement.

Par ailleurs, le travail informel n’est pas un crime et si c’était le cas, ce serait celui de l’employeur. Selon l’OIT, les effectifs des travailleurs informels Tunisiens en 2020 ont été estimés à 917 milles ! soit un taux d’informalité de 26,8%, devrait-on punir ces travailleurs à cause de l’irrégularité de leur situation ou bien imposer sa régularisation aux employeurs et aux institutions étatiques (contrat de travail, horaires et rémunération justes, couverture sociale...) ?

Alors, mes chers compatriotes si vous vous faites vraiment de la peine pour le respect de la loi en matière d’emploi, commencez par régulariser la situation de vos chauffeurs, jardiniers, gardiens, travailleuses domestiques qui sont aussi dans l’informel et sans couverture sociale à cause de vous. Par ailleurs, je serai ravi de participer à la campagne de « signalement » de l’emploi informel promue par les pages pro KS s’ils commencent par les magnats de l’immobilier et des bars/boite de nuit qui emploient des travailleurs sans protection sociale ni respect des normes de sécurité (mais comme leur chef ils n’oseront pas s’y approcher).

« Ils représentent un danger sécuritaire »

Ce type d’affirmations est un classique du discours anti migrants qui se base sur la sélectivité, le sensationnalisme et la généralisation. Je vous pose une simple question, combien de fois vous vous êtes faits agressés/braqués/volés par un subsaharien ? et par un Tunisien ? La probabilité de tomber sur un criminel Tunisien de pure souche n’est-elle pas plus importante ?

Pourquoi n’a-t-on pas vu les mêmes réactions quand le président de l’association des Ivoiriens en Tunisie Falikou Coulibaly a été tué à coups de poignards lors d’un braquage à Dar Fadhal ? personne n’a hésité à relativiser et à rappeler que tous les Tunisiens ne sont pas criminels. Pas besoin non plus de rappeler notre talent de « relativisation » quand un attentat/crime est commis par un Tunisien en Europe ou ailleurs, essayez de l’employer dans les deux sens !

« Ils ont leur propres espaces exclusifs (bars, jardins d’enfants…) »

Ceci est une réaction ordinaire de toute catégorie subalterne et opprimée pour se protéger face à l’environnement hostile (population xénophobe, intégration rendue impossible par les autorités). Dans certaines villes de l’Europe de l’Est, les étrangers maghrébins et africains et les minorités de tout genre se trouvent obligés de se déplacer en groupe et d’éviter certains endroits pour prévenir sinon se défendre face à une agression potentielle des skin heads d’extrême droite (j’espère ne pas trouver des hordes pareilles version Tunisie post-25 juillet).

« Qu’est-ce qu’on fait de tous ces subsahariens ? »

C’est très simple, l’histoire de l’humanité a toujours été celle des migrations grandes et restreintes, durables et provisoires. L’histoire a aussi montré que les murs physiques ou institutionnels ne tiennent jamais et ne pourront pas arrêter les flux d’humains cherchant un avenir meilleur (désolé de devoir encore rappeler le cas des Harragas Tunisiens qui constituent le plus grand nombre de victimes mortes en méditerranée et qui ignorent tous les risques dans leur quête d’un avenir meilleur malgré toutes les tentatives européennes d’empêcher cette migration).

Le Maroc que vous présentez d’une manière simpliste comme un modèle économique et politique pour la Tunisie a régularisé la situation de 50 milles migrants « clandestins » en 2018. En Europe comme en Afrique, si les migrants sont des clandestins et irréguliers c’est parce que la loi d’une mondialisation qui prône une mobilité parfaite des fonds, marchandises, hommes blancs et « bons migrants » les a rendus ainsi. En Europe comme en Afrique, régularisons-les sans papier ! J’invite aussi la société civile à poursuivre en justice les pseudo-journalistes qui ont tenu des propos ouvertement racistes récriminés par la loi n°50-2018 relative à l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

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