Macron /Le Pen : Ce que l’élection Française signifie pour les États-Unis

Alors qu’ils s’enfoncent dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle Française, Emmanuel Macron et Marine Le Pen sonnent à peu près de la même manière en matière de politique étrangère. Sur l’Ukraine, la Russie et l’OTAN, les deux candidats semblent partager des évaluations et des positions similaires. Mais méfiez-vous des similitudes de surface. En fait, Macron et Le Pen ont de profonds désaccords sur de nombreuses questions critiques de politique étrangère. Le résultat de l’élection Français aura beaucoup d’importance pour les États-Unis.

Macron et Le Pen ont tous deux essayé de trouver un équilibre délicat en ce qui concerne la Russie: condamnation de l’invasion russe mais désir de maintenir le contact avec Moscou. Les efforts de Macron depuis 2019 pour développer une relation personnelle avec Poutine et tendre la main à Moscou ont souvent été dénoncés comme maladroits ou même naïfs par ses partenaires européens. Mais les liens de Le Pen avec le Kremlin vont bien au-delà de la volonté de négocier. Son parti, le Rassemblement national, est bénéficiaire de deux prêts de banques russes. Il s’est également opposé aux sanctions contre la Russie après l’invasion de la Crimée par Moscou en 2014.

Le Pen a minimisé son soutien précédent à Poutine avant le premier tour de l’élection. Mais plus récemment, elle s’est prononcée une fois de plus en faveur de la formation d’une alliance avec la Russie dans une « nouvelle architecture de sécurité européenne ». Elle a annoncé qu’en tant que présidente, elle formerait une alliance au sein de l’Union européenne avec le Hongrois Viktor Orban pour transformer l’UE de l’intérieur, en concentrant son attention sur la migration et les questions sociales.

Mais l’effet d’un axe Budapest-Paris-Moscou sur l’UE s’étendrait presque certainement bien au-delà des questions sociales. Les divisions idéologiques qu’elle créerait au sein de l’UE entraveraient essentiellement toute action géopolitique européenne efficace à l’égard de la Russie (et probablement aussi de la Chine).

Le Pen voudrait également se retirer du commandement intégré de l’OTAN dès la fin de la guerre en Ukraine. Elle décrit l’organisation comme une « alliance belliciste », la rendant responsable, par son élargissement à l’Est, de la guerre actuelle en Ukraine. Elle mettrait fin à la fourniture d’armes par la France à l’Ukraine, à la fois bilatéralement et par l’intermédiaire de l’UE.

Le Pen veut également renoncer à tous les projets industriels européens de défense afin de se concentrer sur le système de défense nationale de la France. Elle se détournerait du tandem franco-allemand et chercherait à coopérer davantage avec le Royaume-Uni et la Pologne, en particulier. Bien qu’elle ait formellement renoncé à l’idée de retirer la France de l’UE (« Frexit »), elle mettrait en œuvre une politique étrangère purement transactionnelle et intéressée, rappelant l’approche « America First » de Donald Trump. Si la France, membre fondateur et central de l’UE, adoptait cette position, cela signifierait essentiellement la fin du processus d’intégration européenne.

L’approche de l’intégration européenne est l’endroit où les deux candidats divergent le plus fondamentalement. S’il est réélu, Macron veut construire une véritable puissance européenne capable d’assurer sa propre sécurité, d’assurer la prospérité européenne et de défendre les intérêts et les valeurs européens sur la scène mondiale. Cela signifie renforcer la capacité de l’UE, en coopération avec l’OTAN, à agir en tant qu’acteur de la sécurité en Europe et dans son voisinage.

Cela implique également le lancement de projets industriels de défense avec des partenaires européens clés dans l’Est et le Nord de l’Europe. L’intention serait de transformer la forte réaction européenne à l’invasion de l’Ukraine par la Russie – le recours aux sanctions, l’activation de la facilité de soutien européenne à la paix et la refonte de l’élargissement européen – en une capacité de projection de puissance de l’UE.

Du point de vue des États-Unis, ce sont des avenirs radicalement différents. Malgré toutes ses lacunes, la France de Macron reste le dernier meilleur espoir d’une Europe capable d’assurer sa propre sécurité et de réduire les charges sécuritaires de l’Amérique en Europe. Le Pen, en revanche, conduirait la France dans un repli sur elle-même. Sa destruction de l’idée d’une Europe capable d’action géopolitique laisserait aux États-Unis le choix de Hobson d’abandonner l’Europe aux tendres grâces de la Russie et de la Chine ou d’assumer des charges sécuritaires toujours plus lourdes sur le vieux continent.


*Tara Varma : ‎Tara Varma est chercheuse principale en politique et chef du bureau de Paris du Conseil européen des relations étrangères, où elle suit la politique étrangère et les développements en matière de sécurité européenne et asiatique.‎

* Jeremy Shapiro : ‎Jeremy Shapiro est directeur de la recherche au Conseil européen des relations étrangères et chercheur principal non résident à la Brookings Institution. Il a fait partie du personnel de planification des politiques

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