Des Imams “marocains” pour contrer Daech ? Conscience ou inconscience?

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L’islam dissoudrait-il les neurones de la classe politique française ? La possibilité envisagée par le président de la République de faire former les imams français au Maroc est non seulement parfaitement aberrante et contre-productive mais elle est également indigne et ce pour plusieurs raisons.

Elle envoie d’abord et avant tout un inacceptable message de défiance, de suspicion et de mépris à l’ensemble de ceux et celles qui, dans le tissu académique, associatif et religieux français, sont parfaitement capables de remplir cette mission. Ce désaveu contredit spectaculairement l’ambition pourtant tant de fois rabâchée par la gauche comme par la droite de la nécessité de générer un “islam de France”. Elle est un aveu d’incapacité de la République de générer une expression religieuse endogène, au plus près des spécificités historiques et culturelles du terroir national et, en tout état de cause, libérée des ingérences des régimes régnant d’une main de fer sur ces pays - d’où sont “originaires” les Musulmans de France.

Ce désaveu brutal du potentiel national est aggravé - au regard de ce que l’on sait de la participation directe d’un régime autoritaire et manipulateur au processus de fabrication de la radicalisation religieuse et politique régionale- par la désignation d’un remède pire que le mal.

On est bien évidemment sur ce terrain très loin de la problématique de la coopération interuniversitaire, terrain sur lequel, - à la différence de la Grande Bretagne - la France s’est d’ailleurs toujours montrée particulièrement frileuse.

La crise est politique et non religieuse !

Last but not least, lier le radicalisme des réactions que génère le déséquilibre manifeste de nos politiques orientales, en Israël, en Irak et en Syrie notamment, au seul défaut d’éducation des acteurs musulmans consacre une profonde erreur d’analyse. Le recours à "l’Islamologie normative” qui consiste à attribuer à un déficit d’éducation religieuse le rejet - radical ou non - des politiques étrangères (ou intérieure) de la France consacre une lecture culturaliste d’une crise qui est en fait profondément et banalement politique.

Le candidat à la révolte, quelle que soit sa religion ou son dogme, le cas échéant parfaitement profane, trouve toujours les ressources symboliques nécessaires à exprimer ou à justifier sa démarche.

Et ses responsables ne sont pas tous des musulmans !

Si les cibles potentielles de la violence jihadiste sont si friands des interprétations “islamologiques” des motivations de leurs adversaires, c’est en fait parce que, en limitant l’identification des coupables aux seuls adeptes de cette religion, cette approche les exempte de facto de toute responsabilité. Une telle “illusion éducative” (les jihadistes ne le seraient devenus que parce qu'ils n’auraient pas lu “la bonne sourate”, ou “pas jusqu’au bout”, ou ne l’auraient pas bien comprise) semble impliquer qu’il suffirait de parfaire l’éducation religieuse de quelques millions de musulmans pour en finir avec les radicalismes qui déchirent les scènes musulmane ou mondiale. On entrevoit facilement les limites d’une telle approche.

Qu’enfin cette initiative douteuse intervienne dans un contexte très particulier où la France tente d’atténuer les conséquences douloureusement commerciales d’une tension qui était née – à l’opposé – de la possibilité donnée à certains opposants marocains de faire entendre leur voix pour demander des comptes à leurs tortionnaires ajoute une petite note de bassesse supplémentaire à la démarche.

Pour lutter contre Daech, faire former nos Imams par le voisin dictateur, c’est une idée qui a le goût amer de la bouffonnerie. Il est vrai que, sur ce terrain, la République, depuis quelques années, n’en rate pas une….

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