Que faire? (correspondance à propos de la Révolution Tunisienne)

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Chers amis,

Vous ne pouvez pas savoir dans quel état je me trouve, loin de la Tunisie, à un moment dont j'ai rêvé toute ma vie. À l'instant où le peuple tunisien vit une communion sans précédent, et écrit avec des lettres de feu et de sang une histoire formidable, je me trouve spectateur depuis ma terrible solitude algérienne. J'étais parfois à deux doigts de tout laisser tomber et de venir vous rejoindre (tout laisser tomber c'est dérisoire devant ceux qui ont donné leur vie)… Cette idée me taraude toujours l'esprit.

Bref, ce n'est point pour cela que je vous écris ; mais c'est concernant la situation actuelle du pays. Il est indéniable que la chute du dictateur, et de quelle manière?, fut surprenante pour beaucoup de gens. Il s'agit bel et bien d'une Révolution au sens historique du mot, qui aura certainement des répercussions incalculables tant régionales que mondiales. Pour cela, beaucoup de gens (surtout à l'extérieur) ont tout intérêt à l'étouffer, à la tuer dans l'œuf, à endiguer ses auréoles. La position géostratégique de notre pays (Europe, Afrique, Monde arabe et musulman), explique que personne de ceux qui mènent la barque planétaire n'a intérêt à ce qu'une révolution de cette nature réussisse. Ils feront tout pour la contrecarrer. Ce n'est pas le changement et la démocratie qui les gênent (à ce stade), mais c'est la manière : ils veulent que ça soit une transition… Pas de rupture, ni de Révolution.

C'est dans cette optique qu'il faut analyser les choses, comme vous le faites si bien d'ailleurs. La mise en place de ce gouvernement provisoire sert consciemment ce dessein. Il est alors primordial de le faire échouer par tous les moyens possibles. Certes, une large partie du peuple est acquise à cette idée, mais à ce stade de la révolution, le peuple a besoin d'une direction qui épouse de très près ses aspirations et qui accompagne sa fougue ; or, à vrai-dire, je ne fais pas entièrement confiance aux partis d'opposition, ni à l'UGTT, qui sont par nature (et cela est démontré par notre histoire au cours des 50 dernières années) tentés par des calculs politiciens et de prétendus équilibres et autres rapports de force. Ils seraient même capables d'accepter des offres alléchantes, que l'actuel gouvernement ne saura tarder d'offrir en temps voulu.

Je crois que le gouvernement provisoire cherche à gagner du temps, avec l'espoir que le mouvement s'essouffle, et que la foule se disperse peu à peu. Il est donc nécessaire de changer qualitativement de tactique, et ce au plus vite (c'est une course contre la montre).

Je crois qu'il faut se diriger vers l'appel à une grande manifestation nationale, une sorte de marche sur Tunis, avec le mot d'ordre clair de faire chuter le gouvernement provisoire et son remplacement par un gouvernement de salut national (peu importe le nom) ; mais avec des figures de consensus, respectables et représentant la diversité tunisienne, de préférence sans prétendants à la présidence… Une sorte de gouvernement de Mahdi Bazargan en Iran, qui a remplacé le gouvernement de Chapour Bakhtiar mis en place au moment du départ du Shah et que Khomeiny en bon stratège avait congédié [illico presto].
Je te vois, A. M., jouer un rôle important dans cette perspective. Alors qu'en dites-vous?

Alger, le 21 janvier 2011

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