Archéologie de la Révolution : Avec Maître Mokhtar Yahyaoui

Face à La Dictature: La Résistance… La Résistance !

Saïd JENDOUBI alias Ashraf ZAYD, le 17 juillet 2006 à 12h27 PM

à Me Yahyaoui

Cher Maître,

Il est parfaitement clair, à la lecture de votre article, que vous êtes en train de faire le diagnostic -Ô combien réaliste et lucide- de la situation tunisienne. Notre pays est malade. Et, il ne s’agit certainement pas d’un simple rhume ou d’une quelconque grippe passagère ; il s’agit, hélas, d’un cancer terrible, que vous avez justement baptisez : « dictature ». Beaucoup de nos opposants ont soigneusement évité, pendant quasiment deux décennies, d’employer ce mot ; alors ils ont tourné autour du pot, tergiversant, hésitant et parfois se laissant éclaboussés par le contenu nauséabonde… du pot !

Mais, le terme « dictature » n’est pas un vain mot ; et s’avouer vivre sous une dictature est extrêmement grave. Car, il nous oblige à tout faire pour s’en débarrasser. C’est une véritable course contre le temps… c’est une question de vie ou de mort de tout un peuple… de tout un pays ! En effet, la dictature ne chôme pas : elle œuvre nuit et jour pour sucer le pays jusqu’à sa moelle osseuse. Et vous en avez donnez un exemple très pertinent : le tourisme. Ce secteur est considéré comme le fleuron de « l’industrie » tunisienne, c’est pourquoi « l’oligarchie » au pouvoir (et là aussi vous utilisez le bon mot, Me Yahyaoui) s’est précipitée à mettre la main dessus afin d’en distiller les devises ! Le résultat est édifiant : précarité, bas salaires, discrimination entre des touristes locaux et des touristes étrangers, bas de gamme certes, mais payant en devises tout de même, et par-dessus le marché le royaume du vice où l’on brade à vil prix ce qui nous reste de vertus et de valeurs !

Rien d’étonnant, alors, à ce que cette oligarchie ne paye ni ses crédits bancaires, ni ses impôts sur les revenus… Rien d’étonnant non plus, dans le fait qu’elle ferme ses locaux devant les organisations d’avocats, de féministes ou de défenseurs des Droits de l’Homme, alors qu’elle les ouvre -ces mêmes locaux- aux marchands de l’homosexualité français, italiens et allemands pour des nuits orgiaques et tapageuses !

Après cela revendiquer des réformes me paraît tellement dérisoire et insignifiant. L’oligarchie, ne tient pas au pouvoir pour le pouvoir (ça c’était Bourguiba). Elle n’y tient que dans la mesure où cela rapporte (et en devise s’il vous plait !). Et le jour où elle se verra contrainte à les faire ces « réformes», elle ne manquera pas de sortir ce « joker », pourvu qu’elle puisse continuer à jouer, et à empocher les gains !

La seule solution est donc, de l’exclure du jeu… de dire haut et fort que la dictature ainsi que ses symboles doivent disparaître, que l’oligarchie doit déguerpir ; et pour cela il faut se lancer dans la voie de la résistance… Je ne vois pas d’autres alternatives. La résistance… la résistance !

13 juillet 2006

Réponse de Maître M. YAHYAOUI

Face à la dictature, penser citoyen

Cher Achraf

L’efficacité de toute solution dépend en grande partie de la justesse du diagnostic de la situation qu’elle veut résoudre ; un diagnostic ne peut être juste sans connaissance parfaite des données relatives à la question. En politique comme en médecine comme dans tout autre discipline ce principe est à la base de toute la réflexion qui a fait évoluer l’humanité et contribué à améliorer sa condition.

Face à la dictature

Le minimum d’éthique dans une telle démarche est d’appeler une dictature par son nom et le minimum de cohérence est d’agir en conséquence. C’est peut être là la pierre d’achoppement sur laquelle ont échoué tous nos projets d’opposition jusqu'à présent. Il n’y a pas lieu à faire de ce qualificatif un terme de dénonciation ou d’accusation s’il constitue la réalité du pouvoir auquel nous somme confronté. Le premier pas pour s’en dissocier est de l’appréhender comme tel et d’oser le proclamer. Il n’y a aucun mal à cela que celui d’appeler un voleur ou une prostituée par leurs noms. D’autre part cette affirmation de dissociation et de démarcation est nécessaire, elle est le premier pas du processus de résolution de toute contradiction. Elle permet à l’ancienne réalité ambiguë et dissimulée de se clarifier et de révéler sa véritable nature. Par notre affirmation de démarcation on précipite son éclatement et la naissance par ce partage d’une nouvelle entité à son opposé appelée à lui succéder.

Cette phase de qualification de notre situation est primordiale et impérieuse car de son résultat dépend sa classification. Si la qualification de notre système politique de dictature est arrêtée on aura au moins résolu la question de la nature de l’adversaire. En dévoilant sa véritable nature on met la dictature à découvert tel qu’elle est et on rend inopérants tous les mécanismes de dissimulation et les discours trompeurs derrière lesquels elle se cachait comme expression d’une quelconque légitimité. Cela nous aura fait avancer d’un bond qualitatif dans notre action car il n’y a rien de plus légitime pour un pays et pour une société que celui de s’opposer à une dictature et de revendiquer les attributs de sa souveraineté.

Dans la représentation de notre lutte contre la dictature face à notre société et au monde entier nous sommes les véritables porteurs de légitimité. Une légitimité qui n’a ni besoin d’élection ni de partis ni de clans puisqu’elle ne peut pas être assumée si l’on se présente comme prétendant à supplanter la dictature et à prendre sa place au gouvernement. Notre objectif doit être clairement affiché et conduire à la restitution de la souveraineté spoliée à tous ses titulaires : les tunisiens, dont le choix de leurs dirigeants revient et ne peut venir que de leur libres voix.

Nous savons ce qui en a été de la situation et il est inutile de remuer la plaie pour évoquer les différents comportements qui ont retardé la clarification de notre rapport avec notre dictature pour nous permettre d’avancer. Le seul compromis qu’on peut faire à une dictature est de faciliter son départ du pouvoir. Cet esprit n’a pu présider à toutes les tentatives que j’ai vécues pour rassembler les forces de l’opposition.

Penser citoyen

Je pense qu’on peut encore se tromper et passer à coté de ce qu’on proclame par notre discours si l’on ne se rend pas compte de la nécessité de révision de notre rapport avec notre société. Le pire qui puisse arriver à l’élite militante de notre pays pour la liberté est de s’installer dans un statut d’aventuriers protégés par l’étranger. Cela ne fera qu’aggraver le rapport de défiance et de peur qu’un simple citoyen ressent aujourd’hui face à nos bruyantes revendications. La nécessité de faire preuve de notre détermination ne doit pas faire échec à l’indispensable rapport de confiance qu’un contestataire doit aujourd’hui susciter et établir avec la société. Le seul objectif de la dictature aujourd’hui est de nous marginaliser et le seul salut de notre pays est dans le rassemblement de tous nos concitoyens contre son sinistre métier.

Cette contradiction ne nous laisse pas le choix de penser citoyen. Il serait inutile aujourd’hui de se bâtir des scénarios et de se bercer d’illusions. Laissons les choses arriver d’eux même dans l’action, et ne préjugions jamais des potentialités que recèle notre société pour son émancipation. La tache est rude et notre société est à l’abandon et la dictature sait parfaitement ce qui l’attend, mais l’occasion ne s’est jamais présentée dans notre pays avec de tels atouts et avec autant de conditions favorables au succès d’une transition définitive de notre société à une ère de liberté.

Notre objectif premier doit être aujourd’hui de pouvoir en parler dépassant la peur de nos propre convictions et d’ouvrir un débat franc et sincère sur l’importance de l’apport de chacun sans s’égarer dans les labyrinthes de l’opposition institutionnalisée, ses variations de discours, ses replis inexpliqués et ses mots d’ordre lancés à la légère sans prévenir les moyens de leurs aboutissement.

Résistons, mais résistons à la tentation de la démagogie avant.

YM – Korba le 18 07 2006

Réponse d’Ashraf Zayd

Si Mokhtar,

Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux et honoré d’échanger avec vous. C’est que votre parcours, jalonné de bravoure, d’audace et d’intégrité, a fait de vous l’une des lanternes qui ont jaillit dans la sombre nuit tunisienne, déchirant ainsi, et à jamais, le voile des ténèbres. Certes, vous méritez amplement ce qu’on a dit de vous : « Juge Courage ».

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