Le Chômage Aurait-il Disparu ?

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Je prévoyais de déguster benoîtement ma journée de repos dominical devant ma cheminée en compagnie de mon chat César, du dernier opus de François Cheng dont on dit le plus grand bien, La vraie gloire est ici et d’Albéric Magnard et ses sonates pour violon et piano.

Las, j’étais réquisitionné comme assesseur au bureau de vote du village sis dans la grande salle de la mairie mais la secrétaire avait oublié de me prévenir. J’abandonne donc mon programme bien tranquille pour un autre qui promet d’être plus agité.

En réalité, l’affaire est assez simple. Vous passez une grande partie de votre temps à attendre debout la venue des citoyens soucieux de remplir leur devoir citoyen. Raide comme un piquet planté au milieu des courants d’air, vous vous dandinez d’un pied sur l’autre dans l’espoir de les réchauffer. De temps à autre, une âme charitable apporte du café dans un thermos, une viennoiserie, des chocolats pour préparer les fêtes qui arrivent. Vous remerciez chaleureusement même si la donatrice ne partage manifestement pas vos goûts.

Vous serrez beaucoup de mains, même si vous n’en serrez qu’une par personne, vous faites deux ou trois bises sur des joues glacées tout en reniflant les parfums les plus divers et pas toujours discrets, vous embrassez quelques enfants au nez larmoyant emmitouflés dans leur manteau et le cache-col tricoté par Mamie et vous souriez gauchement en échangeant quelques mots de politesse. Et Jean-Michel, comment il va ? A voté ! On se connaît, aller ! Pas besoin de la carte d’identité. A voté ! Quelle belle écharpe vous avez-là, Madeleine, et chaude en plus ! A voté ! Et la carte d’électeur ? À tout à l’heure !

À sexte, les cloches de l’église sonnent la fin de l’office et la salle est tout à coup prise d’assaut par quelques bambins qui courent en tous sens et leurs grands-parents qui trottinent vers les isoloirs. Une file d’attente se constitue rapidement, égayée de salutations enflammées, de poignées de main, d’échanges de bises. On rit, on cause, on tousse, on s’apitoie, on s’impatiente un peu parce que c’est l’heure de passer à table, on tousse, on parle des gelées de la semaine dernière, du lampadaire du croisement avec la route de la Ville qui n’éclaire plus, du temps qu’il va faire la semaine à venir, de l’arbre de noël des enfants des écoles, de la réunion du club Troisième Âge. Mais mon remplaçant arrive enfin.

Le maire s’assure que je serai bien de retour pour la fermeture et le dépouillement. Je retrouve César confortablement enroulé sur sa chaise en paille avancée devant la cheminée. Il accepte exceptionnellement de nettoyer mon assiette avant de rejoindre mon fauteuil pour poursuivre sa sieste. Le temps de raviver la flambée d’une ou deux bûches de frêne et d’un tour de jardin pour admirer les innombrables petites fleurs jaunes qui tapissent les jasmins d’hiver et c’est l’heure de regagner la mairie.

Les caissières de supermarché ont l’habitude de ces clients aux si lourdes occupations qu’ils ne peuvent aller acheter leur pain qu’à l’heure de la fermeture du magasin. Il en est de même pour certains électeurs qui attendent systématiquement le dernier moment pour se précipiter vers les urnes. Antoine est de ceux-là. Escorté de son fidèle épagneul, il arrive tout essoufflé quelques minutes à peine avant la clôture des votes. Congratulations à n’en plus finir tandis que le maire surveille l’aiguille des secondes qui court inexorablement vers les sommets. L’isoloir, la carte d’électeur, l’enveloppe dans la fente. A voté ! Alors Antoine, et ce travail ? Quoi, ce travail ? Ce n’est pas parce que plus personne ne parle du chômage qu’il a disparu !

Les chemins du futur étant imprévisibles, peut-être, malgré tout, trouvera-t-il un emploi dans les prochaines semaines ! Voilà, en tout état de cause, qui nous laisse encore bien des choses à penser.

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