Dans le tumulte des convulsions moyen-orientales, l’ombre des Émirats arabes unis s’étend comme une main glacée sur les terres meurtries. Ce petit État, riche de ses pétrodollars et avide de reconnaissance, s’est mué en acteur démesuré, jouant aux stratèges dans des théâtres de guerre qui ne lui appartiennent pas.
Au Soudan, il a alimenté les FSR, transformant une révolution en carnage prolongé, comme si la souffrance des peuples pouvait se monnayer en dividendes géopolitiques. En Libye, il a soufflé sur les braises d’un conflit interminable, finançant milices et ambitions personnelles, au mépris de toute stabilité régionale. L’ingérence s’y déploie avec la froideur d’un calcul comptable, où chaque arme livrée, chaque dollar versé, devient une pièce sur l’échiquier d’une domination illusoire.
Mais c’est dans la tragédie de Gaza que le rôle des Émirats se révèle dans toute sa nudité cynique. Alors que les bombes déchiraient le ciel et les corps, alors que les enfants palestiniens étaient ensevelis sous les ruines, Abu Dhabi se posait en partenaire discret de l’occupant, lui fournissant l’or noir indispensable à la poursuite de sa machine de guerre.
Derrière les discours policés de modernité et de tolérance et derrière les façades ostentatoires de verre et d’acier, il flotte un parfum d’hypocrisie; celle d’un régime qui préfère l’alliance avec les sionistes à la solidarité avec les peuples arabes. L’histoire retiendra que, dans l’une des heures les plus sombres de la Palestine, les Émirats ont choisi le camp de l’oppresseur, maquillant leur trahison sous les oripeaux du pragmatisme.
Ce n’est pas seulement une question de politique étrangère, mais une faillite morale. Les Émirats se rêvent en médiateurs, en bâtisseurs de ponts, mais ils ne sont que des marchands d’illusions et des courtiers de la douleur. Leur diplomatie est une vitrine luxueuse derrière laquelle s’organise une économie de guerre et de sang.
À mesure qu’on avance dans l’analyse, le constat est sans appel. En se liant aux puissances coloniales modernes, les Émirats ont troqué la dignité arabe contre des contrats d’armement et des promesses de sécurité. Ils ont négligé avec superbe la mémoire des peuples, oubliant que la grandeur ne se mesure pas à la hauteur des tours mais à la fidélité aux causes justes.
Ainsi, l’affaire du réseau de renseignement démantelé en Turquie n’est qu’un symptôme supplémentaire de cette dérive. Elle révèle la volonté des Émirats de s’immiscer jusque dans les entrailles d’un État rival, en visant ses institutions les plus sensibles, celles qui incarnent l’indépendance technologique et militaire de la Turquie. Mais ce scandale prend une dimension encore plus paradoxale lorsqu’on se souvient que la Turquie, tout en se présentant comme défenseur des causes arabes, demeure l’un des alliés économiques les plus importants de l’ennemi sioniste.
Cette dichotomie entre discours et pratiques rend le tableau guère rassurant; l’espionnage émirati, dans ce contexte, n’est pas seulement une atteinte à la souveraineté turque, mais un maillon d’une chaîne où l’occupant profite des contradictions régionales.
Ce réseau démantelé n’était pas une simple curiosité d’espions en quête d’informations mais un instrument d’une diplomatie parallèle qui sert, directement ou indirectement, les intérêts des sionistes. Car en ciblant la Turquie, les Émirats ne cherchaient pas seulement à affaiblir un rival, mais à nourrir un système où l’économie turque, liée à l’occupant, et l’espionnage émirati, lié aussi à l’occupant, convergent dans une même logique de domination.
Le brain drain des compétences locales, la fragilisation des industries stratégiques, tout cela participe à une dynamique qui menace l’équilibre pérenne de la région. Néanmoins, il faut reconnaître que cette affaire dévoile une vérité claire: la région est piégée dans un jeu où les peuples arabes sont les principaux perdants et où les régimes préfèrent pactiser avec l’oppresseur plutôt que de défendre la dignité collective.
L’histoire jugera sévèrement cette fuite en avant, car nul empire de sable ne peut durer lorsqu’il est bâti sur la trahison des peuples et la complicité avec l’ennemi. Les Émirats, en croyant acheter leur place au soleil, n’ont fait que creuser leur tombeau, et la Turquie, en jouant le double jeu de l’économie avec les sionistes et de la posture politique auprès des Arabes, se retrouve elle aussi exposée à la lumière crue des mêmes contradictions.